Le lendemain, nous nous retrouvâmes à la crique. Pierrot arriva le dernier, nous désignant sa musette qui nous parut bien remplie. Je courus vers lui, il me chuchota « Tu leur as dit ? »
— Non ! Je voulais qu’on leur annonce ensemble !
Il m’embrassa, me répétant son amour. Tout comme moi, il s’était réveillé ce matin-là en se demandant s’il n’avait pas rêvé tout ceci. Je lui dis que pour être certaine du contraire, il m’avait fallu tenir à nouveau dans ma main les papiers remis par le notaire. Il allait me répondre quand nous fûmes interrompus par Toine « Qu’est-ce que vous manigancez, tous les deux ? » En nous retournant, nous éclatâmes de rire.
Toine se tenait debout, les poings serrés sur les hanches pour marquer sa désapprobation. De nous quatre, il était toujours le premier à se dévêtir, il aimait la nudité par-dessus tout, mais à cet instant le contraste entre sa mine sévère, son allure réprobatrice et son érection était franchement comique.
— Oh gari, quand tu nous engueules, essaie de ne pas bander comme un âne !
Toine regarda son sexe dressé avant d’éclater de rire.
— On pourrait croire que tu veux décrocher le soleil !
— J’en serais bien capable, Bouton d’Or !
Sortant une « bonne bouteille » de sa musette, Pierrot annonça qu’on aurait quelque chose à fêter, mais avant, il nous fallait découvrir ce que « le sort » nous avait réservé. Nous nous déshabillâmes, nous assîmes, Pierrot déplia le bout de papier qu’il avait pêché dans « la boîte à désirs », je reconnus l’écriture de Nathalie.
— Colin-Maillard
Pierrot crut avoir mal lu, mais Nathalie expliqua
— Rosalie et moi on aurait les yeux bandés et vous nous feriez… et nous, on devrait deviner qui fait quoi, mais interdiction de parler… Colin-Maillard, quoi !
— Té, Pitchoune, vous avez une drôle de façon de jouer à Colin-Maillard dans ta famille !
Nathalie voulut s’expliquer, plus elle parlait, plus Toine et Pierrot la moquaient. Je pris sa défense, l’assurant que de toute façon, les garçons comprenaient toujours tout de travers. Pierrot sauta sur l’occasion.
— Mais oui ! Bien sûr ! Les garçons comprennent toujours tout de travers… ! Voyons, c’est bien connu ! Dis-moi, Nathalie, toi qui es une fille, que répondrais-tu, si après avoir fait les premières démarches en vue de te marier, le Toine te disait « Demande-moi ce que tu veux » ? Dis, que répondrais-tu ?
Nathalie ouvrit des yeux comme des soucoupes.
— Il t’a fait sa demande ?
— Oui ! Hier !
Pierrot insista
— Que répondrais-tu ?
— Tu as déjà offert la bague ?
— Non !
— Alors, la bague ou… pourquoi tu ris Pierrot ? Et Rosalie, pourquoi tu lèves les yeux au ciel ?
— Parce qu’il raconte n’importe comment !
Pierrot me prit dans ses bras en riant.
— Non ! Non ! Non !
Toine observait la scène, amusé, des éclats de tendresse, d’amitié dans les yeux. Exagérant mon accent, le rendant ridicule, Pierrot me singea « Fais jaillir mes seins de mon corsage et caresse-les comme toi seul sais les caresser »
Toine rejoignit Pierrot dans un formidable fou-rire, tandis que Nathalie bégayait « mais… mais… mais… »
— La Normande est moins vénale que la Provençale, si je comprends bien ! Quand même, Bouton d’Or, tu aurais pu pousser l’avantage…
L’interrompant, je m’exclamai « Nous étions en train de… de batifoler… je le chevauchais et… par pitié, Pierrot, raconte mieux ! Tu n’as pas dit… »
Pierrot, un air de contentement sur son visage, sortit quatre timbales, déboucha la « bonne bouteille », nous servit les uns après les autres, leva son verre et nous invita à trinquer « à l’amour, à l’amitié, à la vie ». Je le suppliai encore, le menaçai et, n’y tenant plus
— Il aurait trouvé les mots mieux que moi… il m’avait déjà offert la maison de la boîte aux lettres !
Toine faillit s’étrangler en avalant sa gorgée de vin, à cause d’un éclat de rire.
— Ho fatché, Pierrot, tu émerveilles, tu combles Bouton d’Or avec une ruine !
Ces deux-là étaient en train de transformer ce magnifique moment en une pantalonnade… Toine s’approcha de moi, tendit sa main et de son pouce essuya la larme sur ma joue avant qu’elle n’ait eu le temps de jaillir de mes yeux.
— On te taquine, Bouton d’Or ! Et puis, tu sais, on va te la retaper, ta maison ! Tu verras tout le canton voudra y passer du temps, la visiter !
— Notre maison, Toine, ce sera la maison de Pierrot et de moi !
Toine me tendit son gobelet vide, prit la main de Nathalie l’enjoignant à se lever, posa un genou à terre.
— Nathalie, voudrais-tu devenir ma femme ?
— Je… oh ! Mais cesse donc ! Arrête ! Je…
Toine la caressait entre les cuisses, la léchait du bout de sa langue. N’y tenant plus, elle plaqua le visage de son prétendant contre son minou, se laissa aller au plaisir de ce baiser.
Vautrée sur Pierrot, je les regardais en me délectant de ses caresses. Alors que ses doigts puissants glissaient de ma toison jusque mon bouton, il s’exclama d’une voix tonitruante « Ho, la Nathalie, on l’a pas entendue ta réponse ! Tu le veux, qu’il te marie, le Toine ou tu le veux pas ? »
Je remarquai les soubresauts des épaules de Toine, qui devait réprimer un éclat de rire, mais ne voulait certainement pas interrompre ce qu’il était en train de faire.
— Oh, fan de Diou ! Oh que oui, je le veux !
Pierrot poussa un long « Aaahhh » de soulagement, comme s’il y avait eu le moindre suspens.
Ne lui offrant pas la possibilité de la faire jouir, Nathalie s’arracha à l’étreinte de son Toine, le fit se mettre debout. Bon sang ! Son sexe semblait encore plus long, plus gros qu’à l’ordinaire ! Je n’étais pas la seule à l’avoir remarqué, Pierrot avait marmonné un « C’est pas humain… Pour sûr, il a été croisé avec un taureau ! »
Nathalie s’agenouilla « Et toi, mon Toinou, veux-tu me marier ? » Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, elle le lécha sur toute la longueur, des gonades jusqu’au gland avant de l’avaler. Toine grognait de plaisir. Qu’ils étaient beaux, ces deux-là !
Je n’eus pas le loisir de taquiner Toine sur son absence de réponse, parce que voir Nathalie se régaler ainsi me donna une impérieuse envie de me régaler de mon Pierrot. Je tremblais déjà de plaisir quand j’entendis la voix vibrante de Toine « Oh, Pitchoune, ô, ma Nathalie ! Je le veux ! Tu le sens comme… han… je le veux ? » et il cria à en effrayer tous les oiseaux de la création.
La « bonne bouteille » et sa petite sœur étaient vidées depuis longtemps quand nous ouvrîmes le panier pour déjeuner. C’est à la fin de ce pique-nique que nous vint l’idée du double-mariage. J’étais allongée, la tête sur le ventre de Pierrot qui caressait le corps de Nathalie, Toine regardait ma toison, ses doigts glissaient entre mes poils, le soleil nous léchait la peau d’une façon fort agréable. Nos corps enchevêtrés, nous plaisantions « si quelqu’un nous voyait, il se demanderait qui est avec qui ! », quelques rires plus tard, quelques caresses et un peu plus de baisers, quelques mots d’amour et d’amitié encore et la décision fut prise, nous nous marierons le même jour, une double cérémonie, coûte que coûte.
Nathalie tint sa promesse malgré tout, me houspilla quand je lui proposai d’avancer la date de son propre mariage puisque je n’avais toujours aucune nouvelle de mes parents presque un an après ce pique-nique. Têtue comme une bourrique, elle tapa du pied « On a décidé d’une double-cérémonie, on s’y tient ! Un point c’est tout ! » Quelle amie formidable… !
Échauffés par le vin, par le soleil, enivrés par la promesse de cette double-cérémonie, nous nous laissions envahir par une certaine langueur quand Pierrot étendit son bras, à la recherche d’une pièce de tissu pour bander les yeux de Nathalie. Pour finir, il utilisa son pantalon, alors que les grands torchons qui nous avaient servi à emballer nos provision auraient tout à fait convenu. « C’est plus amusant ainsi ! »
Quand elle était excitée, Nathalie riait d’une façon qui nous troublait tous, elle en avait conscience, elle aurait pu en jouer si elle avait su maîtriser ce rire si particulier, mais elle n’a jamais cherché à le faire. Elle riait, déjà aveugle, je sentais le désir me posséder, m’envahir, je regardais les sexes de nos compagnons se gonfler, se dresser avant de ne plus rien y voir. Les yeux recouverts par le pantalon de Toine, je sentais son odeur, ce qui m’excitait davantage, moqueur, il s’adressa à Nathalie
— Dis, Pitchoune, maintenant que vous n’y voyez plus, que fait-on ? Quelles sont les règles de ton Colin-Maillard familial ?
— Mais… ce n’est pas…
Nathalie pouffait, excitée, excitante
— … vous nous faites tourner et nous, on doit vous attraper, celui qu’on touche fait ce qu’il veut de nous…
— Colin-Maillard, quoi !
— Attendez qu’on vous attrape, vous ne perdez rien pour attendre !
Ils nous firent virevolter à nous en faire perdre l’équilibre, le soleil était haut dans le ciel, nous étions un peu grises du vin que nous avions bu, je chancelai, les mains en avant à la recherche d’un corps. Le premier qu’elles trouvèrent fut celui de Nathalie, que j’aimais sentir ses jolis seins dans le creux de mes mains !
— Ah ah ! Te voilà bien puni, Toinou !
Nathalie avait collé son corps contre le mien et se livrait, impudique, à mes caresses, ses lèvres embrassaient mes épaules, descendaient vers mes seins…
— Tu dis vrai, Pitchoune, nous voilà bien punis !
Elle riait, merveilleuse, reprochant l’ironie de son Toinou, reprochant à Pierrot de rire aussi. Je sentis des mains d’homme empoigner ma taille, sans pouvoir déterminer lesquelles, ces mains m’arrachèrent à Nathalie qui poussa un soupir de dépit.
À nouveau, je tournoyais, à nouveau, je chancelais, trébuchant, manquant de perdre l’équilibre, de tomber, je ne dus mon salut qu’à une branche d’arbuste à laquelle je m’agrippai « Heula ! L’est bien moelleuse c’te branche… ! » J’entendis, non loin de là, le rire de Nathalie qui avait attrapé Pierrot.
Je sentis la main de Toine prendre la mienne, lui faire effleurer mes seins. Il aimait par-dessus tout que je me caresse pour lui, devant lui… Je devinai l’éclat de son regard, son sourire, le bruit de sa langue humectant ses lèvres, j’entendis son souffle déjà court de désir, aveugle je me livrais avec impudeur, ma voix était un peu rauque quand je lui demandai « Comme ça ? » pour toute réponse, je l’entendis souffler plus fort par le nez, comme un taureau avant la saillie, me guidant à ce son, je m’approchai de lui, ondulante, une main sur mes seins, l’autre sur mon pubis.
Quand je fus assez près pour sentir son souffle sur ma peau, j’écartai mes cuisses, basculai mon bassin vers l’avant, ouvris les lèvres de mon sexe de mes doigts, me caressai. Je sentais mon bouton durcir, se gonfler de plaisir, saillir comme un pénis miniature, j’étais envoûtée par ma propre voix quand je lui redemandai « Comme ça ? », son souffle plus puissant, plus saccadé pour toute réponse. « Comme ça ? »
Enfin, je sentis ses doigts, j’allais retirer les miens, quand il m’en empêcha « N’arrête pas, Bouton d’Or ! N’arrête pas… » il me sembla entendre couler sa salive pleine de désir « … n’arrête pas ». Comme une supplique, il me demanda « Dis-le… dis-le, Bouton d’Or… dis-le moi ici, en plein jour… dis-le », alors je lui dis les mots que je lui répétais pendant ces nuits d’hiver, pour l’aider à chasser ses cauchemars « Regarde comme j’aime me faire jouir, rien que pour toi… regarde comme j’aime ça ! Regarde le plaisir que tu m’offres avec tes yeux ! Regarde et n’oublie pas ! »
Il agrippa mes hanches pour mieux profiter du spectacle, pour m’empêcher de tomber et aussi pour sentir mon corps chavirer, je jouis en poussant un long cri, la pression de ses mains s’accentua, je compris qu’il guidait mon corps pour que je puisse m’empaler sur lui, quand il me pénétra, mon sexe palpitait toujours, nous psalmodions à mi-voix « Comme c’est bon ! Que c’est bon ! »
J’essayais de le contraindre à me pénétrer de tout son long.
— Je vais te faire mal, Bouton d’Or et je ne le veux pas…
— Je te veux tout entier, tout au fond de moi, Toine !
Je me penchais tantôt en avant, tantôt en arrière, me soulevais un peu, pour mieux m’enfoncer, étrangement guidée par mes sensations tout autant que par les cris de plaisir de Nathalie et de Pierrot, il me semblait qu’ils s’étaient rapprochés de nous, en entendant Nathalie crier « Oh, fan de Diou ! Oh, fan de Diou ! », mon corps s’ouvrit tout à fait et le sexe de Toine put entrer de toute sa longueur, de toute son épaisseur, sans me faire le moindre mal.
Je continuais à me pencher, tantôt en avant, tantôt en arrière, à me soulever, à m’enfoncer pour jouir de ces différentes sensations, mon plaisir n’étant pas distrait par la vue. « Tu aimes, Toine ? Tu aimes ça autant que moi ?», pour toute réponse, je n’avais que ses cris étouffés.
J’entendis Pierrot crier son plaisir, le bruissement du tissu qu’on dénoue, un chuchotement de Pierrot, le rire étouffé de Nathalie, mais je n’en pris conscience que plus tard. Pour le moment, je n’étais attentive qu’au seul plaisir que je prenais avec Toine.
Ses mains se crispaient sur mes hanches, accompagnant mes mouvements « Oh, fatché ! Comme c’est bon ! Comme c’est bon ! » Enfin, il retrouvait l’usage de la parole ! Enfin, je savais qu’il y prenait plaisir ! Mes mains devenues folles couraient sur mon corps, sur le sien au gré de mes ondulations, de mes mouvements « Un baiser, Bouton d’Or, offre-moi un de tes baisers ! »
En me penchant pour exaucer ce souhait, mon bouton tout bandé, tout excité, frotta le sexe, le pubis de Toine, libérant mon plaisir. Je criai la bouche grande ouverte collée à celle de Toine qui enfonça ses ongles dans mes fesses, donna un ultime coup de rein et déversa son plaisir tout au fond de moi.
Avant de me rendre la vue, ayant retrouvé tous ses esprits, il me demanda
— Alors, Bouton d’Or, as-tu deviné qui tu as attrapé ?
— Quelle question ! La Nathalie !

Nous aimions nous ébattre nus dans la mer après avoir pris du plaisir, sentir l’eau tiède sur notre peau. Si Pierrot et Toine nageaient comme des poissons, Nathalie ne le savait pas, quant à moi, je ne savais nager « que là où j’ai pied », ce qui irritait l’esprit logique de Toine « Si tu sais nager, tu sais nager ! Au plus tu as d’eau sous ton corps, au mieux tu flottes ! », mais je n’en démordais pas, hors de question de m’aventurer au loin !
Je crois que j’étais déjà l’épouse de Pierrot quand j’ai osé leur avouer que cette mer étrange, sans marée, presque sans vagues m’effrayait un peu, je ne savais pas la déchiffrer et je craignais de ne pas savoir y déceler les signaux d’alerte d’un danger imminent.
Nous étions sur le sentier qui mène à la crique, main dans la main, quand Nathalie se retourna en riant
— Pierrot m’a dit « si elle portait un corsage, elle lui demanderait de faire jaillir ses seins et de les lui caresser ! »
J’entendis le rire de Toine, Pierrot sourit comme le ravi de la crèche, fier de lui, je haussai les épaules, levai les yeux au ciel « Tu parles de travers, Pierrot ! Toine ne venait pas de me demander en mariage, juste avant ! » et je m’échappai en riant pour éviter la claque sur mes fesses que Pierrot s’apprêtait à m’asséner.
Quand nous retournâmes au village, que Toine et moi entrâmes chez ses parents, nous avions les yeux brillants d’avoir trop joué dans la mer, d’avoir trop regardé le soleil, d’avoir trop bu, d’avoir trop ri. Toine s’en excusa auprès de son père
— Nous avons fêté deux bonnes nouvelles, nous allons nous marier le même jour et Pierrot va acheter la vieille maison, rue Basse, pour lui et pour Rosalie…
— Il va acheter la maison de toutes les débauches ?
Devant notre air ahuri, il expliqua
— C’est ainsi que les anciens l’appelaient, n’y vois aucune offense, Rosalie !