La nouvelle vie d’Odette – Tout autour de toi, vite, vite il vient, s’en va, puis il revient *

Vaï, au lieu de nous retourner au village, ramène-nous à Aubagne…

Nous venions de nous installer à la terrasse d’un café quand nos téléphones sonnèrent. Je rassurai Sylvie et lui précisai dans un éclat de rire que les propos que tenaient Cathy ne reflétaient pas l’exacte vérité et lui fis promettre de la rétablir auprès de son époux.

– Qu’est-ce qui te fait dire que je parlais à Alain ?

Je pris un air « on ne me la fait pas ».

– « T’inquiète chéri, tout va bien, mais tu connais Odette et ses bavardages incessants. Je te rappelle quand on reprend la route »

Cathy éclata de rire.

– C’était Monique !

– « Chérie » pouvait prêter à confusion, je n’ai pas entendu le e muet…

Cathy sursauta, visiblement sidérée.

– Tu… tu es en train de me dire que Monique… que Monique serait… une fille ?!

– Au lieu de te moquer de moi, raconte-moi la suite, après la sonnerie du réveil !

– Quand Monique est venue me chercher, le soleil se couchait, la place était vide, il n’y avait personne dans les rues, mais au moment de rentrer… Même s’il n’était que six heures du matin, même si Alain me déposait en voiture, je ne voulais pas prendre le risque de croiser quelqu’un en nuisette et les fesses à l’air. Ni Monique, ni moi n’y avions songé dans l’excitation de la veille… Alain m’a prêté un short et une de ses chemises, je ne pouvais pas caser mes nichons dans ses tee-shirts. Il fallait que je parte très vite pour ne pas croiser quelqu’un là-bas, la sœur à Paulo ou un de ses enfants ou son mari… tu vois ? Pour ces mêmes raisons, je ne pouvais pas demander à Alain de monter jusque chez moi ou lui demander d’attendre en bas. Il a souri et il m’a dit « Dans ces conditions, je garde ta nuisette en otage, tu ne la récupéreras qu’en échange de mes vêtements ! »

Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas été aussi avenante avec les clients de la boulangerie que je le fus ce dimanche matin. Autant distraite aussi ! À peine je me suis dit que le temps s’écoulait trop lentement, qu’il était déjà l’heure de fermer la boulangerie. Je suis rentrée chez moi, j’ai préparé mon déjeuner en chantonnant alors que je n’avais même pas allumé le poste. Après manger, je me suis allongée pour me faire une bonne sieste. Alain m’avait donné rendez-vous sur le chemin qui mène au village et nous devions nous y retrouver en fin d’après-midi pour une nuit de plaisir « et plus si affinité ». Il avait ri en disant ces mots qu’on voyait fleurir sur les petites annonces. Je ne travaillais pas le lundi et ses congés avaient débuté le samedi.

Je devais être plus fatiguée que je le croyais parce que je dormais profondément quand la sonnette a retenti. Je me suis réveillée en sursaut, j’ai ouvert la porte. Monique était là, souriante. « Je ne te dérange pas ? » Elle est entrée, elle a eu un petit sourire gêné « Ah. Tu n’es pas seule… Je me disais bien… » Je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire. D’un coup de menton, elle me désigna le short et la chemise d’Alain sur le dossier de la chaise. Fan, j’aurais pu m’étouffer de rire ! Je lui ai expliqué pourquoi ils étaient là. « En plus, j’ai toqué plusieurs fois, comme tu ne répondais pas j’ai sonné, et comme tu as mis longtemps à ouvrir… Je me suis dit que tu n’étais pas seule et je préfère être seule pour… » Monique cherchait ses mots, on était plantées là, comme deux cruches. Elle s’est assise, je lui ai servi un café qu’elle touillait en fixant les tourbillons dans la tasse. Elle a levé les yeux vers moi, elle a souri. « Non, pas besoin de sucre, de toute façon, je n’aime pas le café ! » Elle a pris une grande inspiration. « À propos d’hier soir… je voulais te dire… j’étais un peu jalouse… » « De moi ?! » « Mais non ! D’Aloune et de Christian ! Quand je t’ai vue, maintenant que je te vois… j’ai la bouche sèche, le cœur qui s’emballe, la chatte humide… J’ai envie de toi, qu’on se caresse, qu’on s’embrasse, qu’on fasse l’amour, mais rien que toi et moi. Rien que pour nous deux. C’est la première fois que ça m’arrive de me caresser en pensant à une nana. Si tu ne veux pas, c’est pas grave, je n’insisterai pas, ça ne changera rien à l’amitié que je te porte, mais c’est justement au nom de notre amitié que j’ai voulu te dire toute la vérité. » Fatché ! En moins de vingt-quatre heures, je me prenais deux déclarations d’amour et de la part de deux personnes qui me plaisaient bien. « Finis ton café et rejoins-moi dans ma chambre ! » Pourquoi j’ai dit ça ? Je crois que je serai morte et enterrée avant de le savoir ! Monique s’est levée en même temps que moi, elle m’a fait un clin d’œil, elle a souri et elle a jeté le contenu de sa tasse dans l’évier. « Pas de temps à perdre avec ces conneries ! »

J’ai adoré la fougue de notre premier baiser, comme si nos bouches se connaissaient, comme si nos langues avaient toujours tournoyé ensemble. J’ai été surprise de l’impatience de Monique à retirer ma robe, sa maladresse et ses jurons quand il s’est agi de dégrafer mon soutien-gorge. C’était la première fois qu’une nana s’y essayait avec moi et je crois bien qu’aucun de mes amants ne s’y est aussi mal pris. Excitée, troublée, je ne pouvais contenir mon fou-rire. Hou fan ! Ça l’énervait encore plus ! Pour la faire enrager, j’avais refusé de l’aider « Si tu veux voir mes nichons, tu dois le mériter ». Fatché, on dit des miennes, mais les colères de Monique… c’est quelque chose ! Et ses menaces… hou ! D’ailleurs, c’est quand elle a parlé d’aller chercher une paire de ciseaux que j’ai cédé. Monique, tu sais à quel point je l’aime, mais elle change souvent la vérité historique pour raconter comme ça l’arrange. C’est pour ça qu’elle ne parle jamais de cet épisode… mais telle que je me la connais, elle serait capable de dire que c’est par pudeur !

Cathy riait, émue à ce souvenir. Soudain, sa voix prit les accents de la confidence.

– Je crois qu’elle est la seule femme de ma connaissance qui n’a jamais eu besoin de porter un soutien-gorge… C’est avec moi qu’elle s’est acheté son premier. Elle n’en porte que pour exciter le Balafré et le Bavard.

Sa voix baissa encore d’un ton.

– Tu sais comment elle les appelle ? Les pièges à couillons ! Mais le plus amusant c’est qu’elle adorait, qu’elle adore toujours me voir en porter et ceux qu’elle m’offre… hou ! Elle les choisit toujours plus beaux les uns que les autres…

Quand on a été complètement nues, on a réalisé que ce serait la première fois qu’on coucherait avec une nana pour notre propre plaisir. Ne crois pas que j’avais été forcée de le faire avant, non pas du tout ! Monique avait vaguement caressé une autre femme avant moi, mais que les nichons et moi quand je l’avais fait… Je pourrais presque te dire que je ne l’avais jamais fait, parce que ce qui me plaisait c’était d’exciter les hommes en mimant… tu vois ? Je n’y mettais pas de cœur, mes partenaires non plus… On savait ce qu’il fallait faire, ce que les hommes voulaient voir, s’attendaient à voir alors on faisait comme ils pensaient que deux femmes font ensemble. On assurait le spectacle parce qu’on aimait ce sentiment de puissance… faire semblant et être excitées par leur excitation. J’y avais pris du plaisir, mais c’était pas un plaisir né d’un désir profond, d’un désir réel pour une autre femme. Tu comprends ? Alors, avec Monique on se sentait comme deux pucelles, on a bien été obligées de faire confiance à nos corps, à notre instinct, à notre amour naissant. Nos mains tremblaient de désir, nos corps sursautaient de surprise sous nos premières caresses. Monique découvrait le plaisir que lui offraient mes seins et celui qu’elle pouvait leur offrir. Elle s’émerveillait à haute voix, fan ! Que ses mots, ses baisers, ses caresses me rendaient belle ! Et comme j’aimais ses deux petits œufs sur le plat, comme elle les appelait ! Quand nos mains ont glissé plus bas… Je n’avais jamais vu une vraie-vraie blonde, ni un bond aussi blond du bas. Elle m’a fait promettre de ne jamais la surnommer « Bouton d’or », mais sans m’en donner la raison… Bé, de toute façon, j’ai vite appris pourquoi… Arrête de m’interrompre, tu m’embrouilles dans mes souvenirs et je vais encore oublier le principal !

– Mais je n’ai rien dit !

– Ouais, ouais, il y a des silences qui sont plus pires que des questions et pis, je me comprends !

Cathy but son verre d’un trait, héla le serveur pour en commander un autre. Quand il l’eut apporté, elle reprit son récit.

– C’est fou comme un minou peut être délicieux quand on aime la femme à qui on…

– Le broute ?

Cathy me mit une tape sèche sur le dos de la main.

– L’honore ! T’es brave et tout, Blanche-Minette, mais question romantisme, t’as des progrès à faire ! Où que j’en étais ? Je ne me lassais pas de découvrir le sien avec la langue, avec les doigts, avec les yeux… Et j’étais tout autant surprise du plaisir que m’offraient ses doigts, sa bouche et ses yeux… Elle jouissait de moi et moi d’elle rien que pour nous deux. Nous nous sommes promis de nous garder des moments rien qu’à nous, rien qu’à elle et à moi, de nous faire l’amour sans homme pour nous espincha… rien que Monique et Cathy, Cathy et Monique. Même si quelques semaines plus tard on l’a fait devant ceux qui sont devenus nos confrères, on a toujours gardé nos moments rien qu’à nous. Et quand on fait l’amour devant eux, à chaque fois, c’est qu’on a vraiment envie l’une de l’autre. C’est beaucoup plus fort que ce que j’avais vécu avant, mais je crois que les hommes ne s’en sont jamais aperçu.

Monique était venue à vélo, elle ne savait pas que j’avais rendez-vous avec Alain. On a fait le chemin côte à côte, moi avec mon sac rempli de tout ce que j’aurais besoin pour ces deux jours, Monique avec son vélo à la main. Alain nous attendait à l’endroit convenu et Christian était avec lui. Ils s’étaient croisés au village et quand Alain lui avait dit « J’ai rendez-vous avec la belle Catherine ce soir, elle restera jusqu’à mardi matin », Christian lui avait répondu « Elles seront peut-être ensemble, Monique voulait passer du temps avec elle ». Comme la veille, on est montées à l’arrière, sauf que là, on a fait le trajet le coffre ouvert à cause du vélo. Alain me demandait toutes les trente secondes si ça ne m’ennuyait pas qu’on ne soit pas que tous les deux et toutes les trente secondes, je lui répondais que non.

Té, tu m’as encore fait oublier un détail avec tes questions dans tes yeux ! Sur le chemin avant qu’on voie l’auto, j’ai demandé à Monique si elle allait dire à Christian pour nous deux, que c’était pas que du sexe, qu’il y avait du véritable amour. Elle m’a répondu que oui, bien sûr qu’il comprendrait. Je n’en étais pas aussi sûre qu’elle, alors, elle m’a parlé du cahier qu’elle nous avait remis la veille, celui écrit par Rosalie. Elle ne m’a pas dit ce qu’il contenait, mais qu’en le lisant, je comprendrai pourquoi elle était aussi sûre de son fait.

Monique n’était jamais entrée dans l’appartement d’Alain. Elle était surprise qu’il en ait choisi un si petit. Alors, il lui a expliqué que le bail incluait la location d’un box pour y garer son auto et que ça n’avait pas de prix, surtout l’été avec celles des touristes qui encombraient les rues et surtout certains avaient du mal à manœuvrer avec leur caravane. Elle a fait le tour des lieux. On l’a entendue éclater de rire, elle est revenue vers nous en tendant ma nuisette avec ses deux mains, elle l’avait trouvée sur l’oreiller. Elle la faisait danser devant elle « Tu nous avais caché ça, Aloune ! Tu dois être super sexy avec ! » Au plus Alain essayait de lui expliquer, au plus elle se montrait de mauvaise foi, jurant que je ne portais pas de nuisette la veille que j’étais venue en robe. Elle tenait absolument qu’il nous montre comment il était sexy en nuisette…

Cathy s’essuya le coin des yeux humides d’avoir tant ri à l’évocation de ce souvenir qui l’amusait encore quarante-six ans plus tard.

– « Me dis pas que ça t’excite pas, Aloune ! Tu bandes tellement que ton pantalon va exploser ! » « Tu mériterais que je te chasse à coup de pieds au cul, Monique ! Tu as de la chance que je te sois aussi reconnaissant ! Me regarde pas comme ça ! Si tu n’avais pas décidé de rester, je ne sais pas quand j’aurai trouvé le courage de faire signe à la belle Catherine… Je ne sais même pas si je l’aurais trouvé un jour ! » Il l’a prise dans ses bras, lui a fait un gros bisou sur le crâne avant de lui faire les gros yeux « Mais que je ne t’y reprenne pas ! » Alain a mis de la musique, il nous servait à boire quand Monique lui a demandé où il cachait ses revues pornos, celles qu’il rapportait de ses voyages. Elle le soupçonnait d’aller en Hollande pour en trouver des plus salées. Alain m’a interrogée du regard. Je lui ai fait le signe de la bouche cousue. Christian a remarqué notre manège. « Et à moi, Cathy, tu me le dirais ? » Alain m’a regardée, il s’est levé et il est allé chercher son album à fantasmes. « Voilà ce qui m’a permis de tenir ».

J’ai été vachement surprise parce qu’ils m’ont reconnue dès le premier dessin. Quand ils sont arrivés à la première page des gros plans sur ma chatte pleine d’une queue énorme, Monique a fait la moue, elle a demandé à Christian « Tu trouves que c’est réaliste ? Moi, je demande à voir… » Alain souriait, mais il a joué l’artiste offensé. « Bien sûr que oui ! On leur montre ? » Je bouillais de désir, alors tu penses bien que j’ai sauté sur l’occasion ! En fait, on attendait tous un signal pour passer aux choses pas sérieuses. « Puisque Monique affirme que ce dessin n’est pas réaliste, il faut le soumettre à un regard d’expert, une chance que nous ayons le meilleur en la matière, je vais pouvoir te prouver que tu te trompes, Monique ! » Il y a certains moments dans la vie qui forgent une amitié, qui la rendent indestructible, eh bé, ce moment-là… Bien sûr, on en a connus bien d’autres, mais celui-ci…

Pour faire exactement comme sur le dessin, il aurait fallu qu’on s’installe sur un canapé, mais Alain n’en avait pas, alors on est allés dans la chambre. Monique et Christian ont pris une chaise et se sont installés face à nous. Alain était presque assis sur le lit, le dos calé par des oreillers. Fatché, de le voir ainsi… j’étais tellement trempée qu’il m’a pénétrée d’un coup ! Christian regardait le dessin, nous regardait à nous. « Écarte un peu plus les cuisses, Cathy… encore un peu… non ! Un peu moins… cambre-toi un peu plus… encore… tes cuisses, Cathy… » Monique commentait aussi. C’est la première fois que j’ai remarqué ce détail, quand ils sont très excités, Monique et Christian ont une voix un peu métallique. Tu vois ce que je veux dire ? Monique n’était pas convaincue, alors elle donnait ses indications. « Enfonce-toi un peu plus, Aloune… Non ! Pas autant ! Oui ! C’est mieux… » Elle regardait le dessin. « Ah, mais non ! Recommence, mais moins vite… non… plus vite… plus profond… non… moins… » Christian reprenait « Écarte tes cuisses, Cathy… Alain, va plus au fond… Non, moins… Non plus ! Cambre-toi, Cathy ! » Monique faisait sa critique d’art « Tu vois que ce dessin n’est absolument pas réaliste ! Regarde, le clito de Cathy est bien plus gonflé dans la réalité ! »

Alain riait, il la traitait de bougresse. Monique s’est levée, elle est allée à côté de nous, elle a pris la main d’Alain, elle l’a posée sur mon minou. « Tu me traites de menteuse, en plus ?! » J’étais en train de jouir, Monique s’est penchée sur mon entrejambe, elle a regardé Christian. « Tu vois bien que c’est pas du tout comme sur le dessin ! » J’ai retiré la main d’Alain et je lui ai demandé de me décrire ce qui se passait dans la culotte de Monique, qui n’en portait pas, mais on se comprenait. « Elle commence à être légèrement excitée » Monique a failli tomber dans le panneau, heureusement que Christian a dit « Hé bé, excite-la assez pour que tu puisses la prendre comme tu… Stop ! Ne bouge plus ! Ça y est, c’est exactement comme sur… oh ce… c’est parfait… tout est parfait…! » Je le regardais se branler en nous matant tous les trois, moi empalée sur Alain qui faisait aller et venir ses doigts dans la chatte de Monique.

J’ai fait l’innocente et j’ai demandé à Monique de prendre ma place pour être sûre que sur le dessin c’était bien moi et pas elle. Quand elle s’est installée, je me suis assise à côté de Christian. Au plus je lui disais que c’était pareil, elle ou moi, au plus il me montrait les différences. J’avais posé ma tête sur son épaule et je le branlais en donnant des indications à Alain comme Monique l’avait fait plus tôt. J’ai mis longtemps à reconnaître qu’ils avaient raison et pour me faire pardonner, j’ai sucé Christian qui me griffait le crâne tant ses doigts se crispaient sous mes cheveux. Il entendait sa Monique gémir de plaisir, il la regardait jouir de son ami, j’étais à ses côtés, je le suçais, ça le rendait tellement heureux…! Quand Alain a dit « Ô, pute vierge, je viens, je viens ! », j’ai arrêté de sucer Christian et je lui ai dit « Montre-moi comme tu vas bien la baiser ta petite femme maintenant que mon homme a joui dans sa chatte et qu’il l’a bien fait jouir ».

Des clients se sont installés à la table d’à côté, nous avons décidé qu’il était temps de rentrer au village. Dans la voiture, Cathy a achevé son récit.

– Après tous ces efforts, nous sommes passés à table. Monique et Christian feuilletaient l’album à fantasmes. Elle était vraiment très excitée par les dessins de sodomie. « Ça m’excite beaucoup parce que je ne le ferai jamais. J’ai tellement peur d’avoir mal… » Nous parlions sans tabou, elle écoutait mes arguments de femme et nos hommes comprenaient les craintes des femmes à propos de cette pratique. Christian tournait les pages de l’album quand Alain lui a presque arraché des mains et l’a refermé comme il l’avait fait la veille, sauf que là, il n’avait plus l’excuse « Il est temps de dormir ». Je lui ai demandé s’il avait honte ou quoi. Il ne nous regardait plus et il avait l’air un peu triste, comme quand la fête s’interrompt brusquement alors qu’on s’amusait si bien. J’ai posé ma main sur la sienne pour lui dire qu’il pouvait garder ça pour lui. Il a regardé Christian « Vous allez me trouver ridicule » et il a ouvert l’album à la bonne page. Le papier était plus luxueux, le dessin plus appliqué et… pas du tout érotique. Il me représente assise à sa table, un bol de café devant moi et lui en train de me tendre une tartine de pain. En dessous, il avait écrit « Rêver un impossible rêve – Janvier 1974 ». Monique lui a demandé « Pourquoi “impossible” ? » Christian lui a demandé en quoi c’était ridicule. Et moi, je lui ai demandé pourquoi il avait fallu que Monique m’invite pour qu’on se revoie. « Je ne savais pas comment faire sans trahir Paulo… et puis… tu es tellement parfaite, je me sens si minable à côté de lui, de toi… Je n’aurais jamais osé… »

Alors c’est vrai que je l’ai un peu crié… « Si tu dis que tu es minable, maintenant que j’ai compris que je suis amoureuse de toi, tu dis que je suis amoureuse d’un minable et ça, je ne veux plus jamais l’entendre, tu m’entends ?! Plus jamais ! Et je vous prends à témoin, vous autres ! » Je venais de lui crier que j’étais amoureuse de lui, Alain était tellement surpris qu’il a ouvert la bouche en grand et ne la refermait pas. Monique lui a lancé une olive. Tu sais à quel point je l’aime, ma Monique, mais la prends jamais dans ton équipe à la pétanque parce qu’au lieu d’atterrir dans la bouche d’Alain, l’olive a failli me crever un œil ! Mais bon, au moins elle aura réussi à détendre l’atmosphère !

Avant de rentrer chez eux, Monique nous a demandé de prendre le temps de lire le cahier de sa Bonne-Maman pour qu’on puisse en parler ensemble, tous les quatre. Voilà, de ce jour-là, j’ai commencé à vivre avec Alain, mais je prenais toujours garde à faire semblant de dormir chez moi. Ça ne faisait pas un mois que je jouais cette comédie que la sœur à Paulo m’a surprise en m’attendant devant la porte de mon appartement. J’étais un peu gênée et comme je ne voulais pas qu’elle fasse un esclandre dans la cage d’escalier, je l’ai fait entrer chez moi. « Tu as rencontré quelqu’un, c’est ça ? Pourquoi tu t’en caches ? Je suis bien contente que tu cesses enfin de porter le deuil de Paulo, mais je suis bien triste que tu ne me fasses pas assez confiance pour me donner la bonne nouvelle ». Elle m’a prise dans ses bras et m’a souhaité tout le bonheur possible. Nous sommes restées très proches jusqu’à la fin, trente ans plus tard, mais elle n’a jamais su pour Paulo, la camionnette, les partouzes.

Quand nous sommes entrées dans la maison du Toine, Monique, Sylvie, Alain, Christian, Jimmy et Martial étaient en grande discussion à propos de la pandémie qui ne portait pas encore son nom, des mensonges d’État et de la répression qui s’abat chaque jour un peu plus violente sur les opposants à notre Napoléon III 2.0, comme l’appelle Monique. Je ne pus m’empêcher de sourire en l’imaginant faire enrager Aloune, la nuisette de Cathy à la main.

7 février 2020, les Pomponnettes font un beau cadeau à Blanche-Minette

*Georges Bizet, Henri Meilhac, Ludovic Halévy, L’amour est un oiseau rebelle in Carmen (1875)

La version de Carmen qui m’a fait découvrir la sensualité de cette œuvre, bien loin de l’interprétation lugubre de Maria Callas. Cette dernière remarque n’engageant que son autrice, c’est-à-dire ma pomme !