
Le samedi 13 septembre, comme prévu, Christian et moi nous rendîmes dans le repaire de Valentino. Cette première journée passée en leur compagnie restera parmi les plus radieuses de ma vie. Certains instants se sont gravés en moi comme des éclats de certitude, comme des fragments de bonheur pour que je n’oublie jamais que ce bonheur existe, qu’il ne tient qu’à moi de le créer.
Quand nous arrivâmes, Valentino nous accueillit « à l’italienne » les bras grands ouverts, des exclamations joyeuses et des embrassades chaleureuses. Christian se sentit immédiatement des siens. Bonne-Maman rayonnait.
Plus tard dans la journée, nous étions installées dans le jardin, Valentino avait demandé à Christian de l’accompagner. Nous riions de les entendre rire, et quand ils sortirent de la maison pour nous rejoindre, je sus exactement à quoi ressemblerait Christian quand il aurait l’âge de Valentino. Je me tournai vers Bonne-Maman pour le lui dire, mais c’est Rosalie qui avait pris sa place. Elle siffla, admirative « Y’a pas à dire, ils sont beaux… vraiment beaux, nos hommes ! » comme elle avait raison !
Nous trinquions, ravis de ce moment, au cidre que Rosalie préparait avec ses « pommiers à cidre », des plants qu’on lui avait offerts après la deuxième Guerre Mondiale, des plants de sa Normandie natale qu’elle avait plantés, fait fructifier, greffés, de ces pommiers d’autres étaient nés. Ce fut la première fois où je sentis une pointe de nostalgie quand elle évoquait la Normandie.
– Tu aimerais qu’on t’y emmène, qu’on y passe quelques jours quand je serai en vacances ?
– Mon petiot, tu es si gentil… ! Mais non ! Mon pays, c’est la Provence ! J’y ai trouvé tout ce dont je n’aurais jamais oser rêver… et puis, elle a dû tellement changer, ma Normandie… je n’y reconnaîtrais plus rien ! Et dans le cas contraire, ce serait pire ! Mais tu es tellement gentil de me l’avoir proposé ! Tellement gentil… !
Christian sourit, se tourna vers Valentino et lui demanda
– Tu pourrais me raconter ta vie… avant… avant Rosalie, je veux dire…
Valentino écarquilla les yeux, sursauta, interloqué
– Ma vie… AVANT ?
– Oui ! Ta vie AVANT, parce que depuis que tu connais Rosalie, je sais ce que tu ressens…
Il lui fit un clin d’œil en biais, dans notre direction. Rosalie et moi souriions sous cape. Le sourire de Valentino s’élargit encore. Il prit une grande inspiration avant de se lancer.
– Si tu demandes après Valentino, personne ne pourra te renseigner, parce que personne ne connaît plus Valentino… ça fait des années qu’il n’existe plus, Valentino… Grâce à ma Rosalina, j’ai pu changer d’identité et ainsi éviter le pire. Ma ! Tu ne peux pas le nier, amore mio ! C’est vrai ou c’est pas vrai ?
– Tu me donnes le beau rôle, j’ai juste profité… j’ai simplement saisi la chance quand elle s’est présentée…
– Mais le fait est que ça m’a sauvé la vie, non ?
Comme à regret, Rosalie acquiesça, se leva pour s’asseoir sur les genoux de Valentino. Tout en jouant avec l’encolure du maillot qu’il portait, elle dit d’une toute petite voix, presque plaintive
– Je n’aime pas quand tu me mets sur un piédestal ! Je ne veux pas que tu me voies plus haute que toi ! Je veux être ton égale, parce que je le suis ! Et toi, tu as… oh… et puis, tu n’as qu’à raconter, ils verront bien…
Elle l’embrassa à la commissure des lèvres et sourit quand Valentino la houspilla en italien, ce qui fit partir Christian dans un fou-rire incontrôlé.
– Parli italiano?
– Non, mais je comprends un peu…
Rosalie leva les yeux au ciel, mais elle était hilare… elle allait me traduire ce que Valentino venait de lui dire quand il l’interrompit, les moulinets de ses bras faillirent la faire tomber.
– Christian, mon garçon, je te souhaite que Monique ne connaisse pas les ruses qui allument la flamme quand tu n’es pas d’accord avec elle et que tu peux lui prouver qu’elle a tort ! Mais, je te souhaite qu’elle les connaisse, ces ruses, tout le reste du temps !
– Parce que tu ne les connais pas, toi, ces ruses ? Qui est capable d’enflammer chaque cellule de mon corps quand bon lui semble ? Hein ? Dis-moi, c’est qui ?
– Sono io!
Valentino souriait, le regard faussement candide, mais le sourcil coquin. Rosalie lui fit les gros yeux pour la forme, mais leur sourires se répondirent… Je me souviens précisément du bonheur que je ressentais à les voir bouillir de désir, à les sentir vivants, à me dire que si nous n’avions pas été là, leurs chamailleries se seraient terminées en étreinte torride, à me les imaginer « réglant leurs comptes sur l’oreiller » après notre départ…
Christian les regardait, s’amusant de cet échange, puis il posa ses yeux sur moi, se leva soudainement, s’excusa « J’ai un truc à dire à Monique… en tête à tête » Valentino lui donna sa permission d’un geste de la main et dans un grand sourire « Tu es ici chez toi, mon garçon ! »
Quand il fut certain de ne plus être ni vu, ni entendu, Christian m’expliqua enfin.
– Monique, je crois que je suis taré… Je regarde Valentino et Rosalie et je nous vois… Toi et moi ! J’ai envie de toi, de te culbuter là… à deux pas d’eux…
Je m’approchai de lui, me collai contre son corps, le caressai, glissai ma main sous son tee-shirt. Tout en le débraguettant, je lui demandai
– Où est le problème ? Quel est le problème ?
– Oh… Monique… tu… ta…
– Coupe ton cerveau et laisse-toi guider par ton corps, mon amour !
Je le suçai, pour la première fois, à quelques pas de la maison de Valentino, j’aimais sentir ses doigts dans mes cheveux, j’aimais quand ses mains attrapaient, caressaient mes joues, Christian faisait aller et venir ma bouche le long de son sexe, glissant ses doigts entre mes lèvres, psalmodiant des « Oh… oh… oh… Monique ! Oui… oh… oh… oui ! Comme ça, Monique… oh… ! »
J’avais lancé ma robe au loin, sous le regard inquiet et un peu interloqué de Christian
– Mais… que fais-tu ?
– Je suis encore plus tarée que toi, je crois !
Et je lui fis cet aveu à l’oreille
– Si tu savais comme l’idée qu’ils nous voient m’excite… !
Nous nous allongeâmes, nous caressâmes, nous embrassâmes. J’aurais aimé qu’un inconnu passât par là et me baisât devant Christian, hélas les lieux étaient vraiment déserts… Je me levai, marchai en direction de la maison, jouant de ma nudité pour exciter davantage Christian. Il me rattrapa, me plaqua contre un arbre et me caressa.
Ce méli-mélo de sensations, dont celle de me sentir livrée à la vue du premier passant, à celle de Rosalie, de Valentino, me faisait vaciller, j’étais sur le point de tomber dans les pommes…
– Tu sens comme la situation m’excite ? Ah… si nous avions plus de temps devant nous… !
– Puisque nous n’en avons pas tant que ça, pourquoi ne me baises-tu pas ? Comme ça… vite fait… comme des lapins… ?
– Monique ! Tu aimes quand ça dure longtemps ! Et ton plaisir ? Tu le prendrais comment, ton plaisir ?
– Je le prends déjà, mon amour ! Je le prends déjà… ! Et puis… tu vois le symbole ? Savoir que la première fois où nous sommes allés tous les deux chez Valentino, nous avons fait l’amour à l’ombre de leurs pommiers…
Christian riait, enivré par tant de bonheur, son rire était incroyablement tendre… Il me fit l’amour comme je le souhaitais. Je sentais son gland dur, bouillant d’excitation, écarter les lèvres de mon sexe comme on ouvre un abricot bien mûr, d’une simple pression du pouce ; comme souvent dans ce cas-là, ses doigts étaient de la partie. Je veux dire qu’il ne les retira, avec luxe de précautions, qu’après quelques va-et-vient.
J’aimais me sentir ainsi remplie, cette sensation d’être au-delà de l’impudeur…
Il allait et venait, un peu plus rude à mesure que sa queue prenait de la vigueur, que ses mouvements prenaient de l’assurance. Je m’ouvrais avec ravissement, le guidant, l’encourageant, lui demandant d’aller plus fort, plus vite… Je voulais sentir ses couilles percuter mes lèvres, j’étais folle de ces percussions. Ses mots crus me faisaient jouir tout autant que ses doigts sur mon clito, que sa main sur mon épaule. J’aurais voulu me pencher davantage, comme il me le demandait, mais j’aimais tellement le contact rugueux du tronc de ce pommier contre ma poitrine, contre mon ventre, entre mes bras…
– Dans ce cas, accroche-toi de toutes tes forces, ma chérie !
Christian me souleva, tenant mes jambes de ses mains puissantes, me demandant de les écarter « mais pas trop » avant de préciser « contracte tes cuisses comme si tu voulais les resserrer… oui… comme ça… c’est si bon quand tu te resserres autour de ma bite… »
Je faillis tomber à plusieurs reprises, dans cette sorte de brouette japonaise, improvisée en pleine nature, mais que c’était bon… que c’était bon ! Christian allait et venait, « tapant au fond » ce qui déclenchait mes cris de plaisir, ces cris qui m’ont toujours fait perdre la tête, ces cris comme autant de preuves que nous ne sommes pas les maîtres de la nature, mais que nous n’en sommes qu’un élément parmi tous les autres… J’ai craint, l’espace d’une seconde, que Valentino et Rosalie les entendent, mais je savais aussi que ces cris les réjouiraient s’ils devaient atteindre leurs oreilles.
Je sentais l’écorce sous mes doigts, j’avais la sensation que la sève de ce pommier se mêlait à mon sang… À nouveau, je prenais conscience de la nature, d’en être un élément relié à tous les autres, le vent, le soleil, les arbres, l’herbe jaunie sous mes pieds, les cailloux, le ciel, les nuages, les fleurs, les abeilles, tous les animaux et les humains… Monique, fille de Mère-Nature…
Bon sang ! Qu’est-ce qui m’a pris de le dire à Christian quand nous rejoignions Rosalie et Valentino ? Pourquoi n’ai-je pas été plus attentive à la saveur de son éclat de rire ? Quarante-deux ans ont passé et je le paie encore !
Quand nous arrivâmes devant la maisonnette, nous entendîmes Rosalie et Valentino qui s’envoyaient en l’air. Alors, nous nous assîmes à la place où nous étions avant que Christian ne se lève pour me « dire un truc ». Je bus un verre de cidre, puis un autre…
Que j’aimais les exclamations de Valentino ! Pour la première fois de ma vie, j’entendais l’amour en italien et ce cri… un cri animal… Il y avait toute la sensualité de l’univers dans ce cri… Il me fallut quelques trop longues secondes avant de réaliser que ce cri était deux, que la voix de Rosalie se tissait avec celle de Valentino.
Que j’ai aimé leur regard, leur sourire quand ils nous ont rejoints ! Rosalie n’avait même pas essayé de se recoiffer un peu. Certes, je ne l’ai jamais connue avec ses longs cheveux blonds, pour autant, c’était la première fois que je la voyais les cheveux en bataille.
Elle prit un faux air sérieux, tu sais, quand on fait semblant d’être sérieuse, mais qu’on a envie que tout le monde sache que « c’est pour de faux ».
– Valentino avait un truc à me dire… en tête à tête…
Elle se servit un verre et le buvait quand je leur expliquai cette sensation de ne faire qu’une avec la nature, quand Christian me faisait l’amour alors que j’enlaçais le pommier… là-bas… Rosalie avala de travers. Elle toussait quand Valentino me fusilla du regard et me cria dessus avec sa grosse voix et son accent rocailleux
– Mais tais-toi donc, malheureuse ! Tu vas me la faire mourir à dire des choses comme ça !
Puis, se tournant vers elle, d’une voix douce et caressante
– C’est rien, Rosalinetta… elle ne sait pas… elle apprendra un jour…
– Je suis sa grand-mère, Valentino… c’est à moi de le lui dire… de lui apprendre…
Bonne-Maman se leva, me prit par la main, me demanda de lui montrer le pommier témoin et complice de cette étreinte. Je savais, je pressentais ce qu’elle allait me dire, comment ils l’avaient planté, comment il avait été le témoin de leurs ébats, peut-être allait-elle me montrer, me faire remarquer leurs initiales entrecroisées, gravées dans l’écorce…
Nous marchions côte à côte, main dans la main, nos cheveux blonds en désordre, les siens étaient parsemés de cheveux blancs, mais nos yeux étaient du même bleu. Elle sentait l’amour tout autant que moi. Ce n’était pas qu’une odeur de sperme, mais celle des corps qui ont bouillonné de désir et dont le désir a été assouvi.
Je lui désignai le pommier dont je m’étais sentie parente quand Christian me faisait l’amour. Rosalie caressa ma joue, son sourire était incroyablement tendre… Elle me désigna les branches, le tronc, les feuilles…
– Quand un pommier ressemble à ça…
Elle cueillit un fruit, que je n’avais pas remarqué, me le tendit
– … c’est un amandier !
Je compris enfin la raison de l’hilarité de Christian, que Valentino me taquinait quand il m’avait crié dessus et je sus immédiatement que cette histoire me poursuivrait ma vie durant !