Chroniques matrimoniales – Sous l’objectif

Le photographe installait son matériel, réglait ses éclairages. Je notai avec amusement la bosse capricieuse dans son pantalon. Elle était apparente, puis semblait disparaître dans les plis du tissu avant de le tendre à nouveau. Le Balafré m’observait avec la gourmandise d’un chat devant une jatte de crème.

Je voulais me déshabiller rapidement, mais il me demanda de ne rien en faire. Voulais-je jouer le jeu et m’effeuiller devant l’objectif ? À ma question « S’agit-il là de ton voeu ? » Il répondit par un éclat de rire « Certainement pas ! » Je fis semblant d’être mécontente de sa réponse, mais j’y mis une telle mauvaise foi, qu’il ne fut pas dupe, ne serait-ce une seconde.

Quand son matériel fut enfin installé, le photographe me demanda de m’effeuiller au ralenti. Je devais décomposer chacun de mes gestes, j’aimais ses commentaires et ceux du Balafré. J’aimais qu’ils apprécient et encouragent mes mimiques et attitudes « Pure, candide et salope à la fois ». Je ne portai aucune lingerie, aucun sous-vêtement, ce qui les déçut un peu. Je demandai au Balafré de m’imiter et de se dévêtir devant l’objectif, ce qu’il refusa fermement. Le photographe soutenait le même point de vue, ce qui me mit assez en colère.

D’une main ferme, je déboutonnai le jean du Balafré, le débraguettai et dans un même mouvement, le baissai ainsi que son slip. Je désignai son sexe et m’exclamai « Vous pensez vraiment que ce n’est pas sexy aux yeux d’une femme ? ! »

D’abord surpris de ma soudaine virulence, je parvins sans grande difficulté à les rallier à mon point de vue. Le Balafré consentit à un effeuillage, à l’unique condition que je ne le lâche pas du regard. Son trouble me troublait. Je l’exhortai « Excite-moi ! Excite-moi comme tu en as toujours rêvé ! Excite-moi comme si j’étais la femme de ta vie et ce que soit l’unique moyen de me conquérir ! ». Ma dernière injonction l’aiguillonna plus que je ne l’aurais imaginé. Comme si mes mots l’avaient plongé dans un état second, il oublia toutes ses craintes, toute sa timidité, toute pudeur. Ses yeux plantés dans les miens, mes yeux plantés dans les siens, nous oubliâmes pendant un instant, la présence du photographe. Nous nous faisions déjà l’amour alors que nos corps étaient distants de plusieurs mètres.

J’aimais observer le tremblement de ses mains. J’avais remonté sa fermeture Éclair, mais dans ma hâte de le regarder faire, j’avais oublié de rattacher l’unique bouton à la ceinture. Je me plaçai à la gauche de notre complice pour mieux l’admirer. D’un geste sensuel, mais néanmoins brutal, il écarta les deux pans de tissu, ce qui fit descendre la fermeture Éclair d’un coup. Je hochai la tête pour lui signifier ma désapprobation, revins vers lui, lui remontai sa braguette, agrafai le bouton. Avant de reprendre ma place, je lui murmurai « Laisse-toi guider ! Laisse-toi faire ! Laisse-moi faire ! »

Il s’accrocha à mon regard et sans un mot, sans un geste, je parvins à lui montrer comment faire. Il déboutonna lentement sa ceinture, titilla le bout métallique de sa fermeture Éclair, qu’il ouvrit au ralenti, presque cran à cran, il écarta d’abord le pan droit de son pantalon, puis le gauche. Je ne me souviens plus s’il dansait, s’il ondulait déjà…

Quand les deux pans furent écartés, je lus la détresse dans son regard, dans ce léger sursaut des sourcils. Je m’approchai de lui, suivie de près par le photographe, m’agenouillai et lui descendis le pantalon en prenant mon air le plus salope. Le photographe en aurait pour son argent, mais surtout, surtout je ne voulais pas qu’ils puissent remarquer le trouble qui me submergeait depuis peu, depuis ce strip-tease télécommandé du regard.

Le Balafré sursauta, mais il me sembla qu’il avait compris la raison de ce changement d’attitude. Quand il fut totalement nu, nous demandâmes à l’imprimeur ce qu’il lui plairait de photographier.

Tout d’abord ta chatte offerte et puis vous deux quand vous…

J’étais d’accord pour m’exhiber devant son objectif, je trouvais l’idée super excitante. Oh oui ! J’avais vraiment envie d’être au-delà de l’impudeur ! Quand j’y repense, 42 ans plus tard, je me sens envahie par cette boule de feu, ce désir fou de montrer au monde entier celle que j’étais ! La réaction du Balafré me surprit un peu.

Pour cette première séance, je voudrais que tu photographies son visage, son regard quand je la baise, quand elle jouit…

Quelle idée merveilleuse ! Je souris en réalisant que pour le Balafré, cette séance serait suivie d’autres… J’en étais tellement heureuse !

– Et toi, Monique, qu’est-ce que tu veux ?

– Offrir ma chatte à son objectif… j’aime bien l’idée ! Mais j’aime encore mieux la tienne, celle de photographier mon visage, mes yeux… parce que je ne les ai jamais vus quand je jouis… j’aimerais bien savoir à quoi je ressemble… même si je me doute que je dois être super jolie, vue l’ardeur que nous mettez tous à me faire jouir !

Le photographe était muet de stupéfaction, les yeux écarquillés, la mâchoire pendante, le Balafré éclata de rire et me traita de coquine.

Je m’allongeai sur la table installée à la hâte dans le studio photo, les fesses à demi dans le vide, les jambes écartées, je me livrais davantage à chaque « clic-clac » de l’appareil photo. Bon sang ! Que j’aimais cette sensation ! J’écartais un peu plus mes cuisses, comme le Balafré me le demandait, j’écartais mes lèvres, dévoilant tous les trésors de ma vulve, je sentais mes doigts glisser dans mes replis doux et humides…

– Vous arrivez à voir comme je mouille ?

Pour toute réponse, le photographe déglutit bruyamment, le Balafré marmonna un « oui » dans un grognement animal et terriblement excitant.

– Parce que je ne savais pas si c’était visible…

T’inquiète, Monique ! C’est à peu près aussi visible que ça…

En disant ces mots, le Balafré caressa sa longue cicatrice brune avec l’ongle de son index.

– C’est pas du jeu !

Qu’est-ce qui n’est « pas du jeu » ?

Quand tu fais ça… tu me rends folle !

Parce que tu ne nous rends pas fous, toi ? !

Le photographe se retourna et partit chercher un autre appareil. J’aimais écouter ce bruit particulier d’une pellicule qu’on rembobine. Je m’étais assise et souriais, je me sentais tellement bien, à l’aise, dans mon élément ! Au bon endroit, au bon moment. Le Balafré s’assit à mes côtés, passa sa main dans mes cheveux, me demanda « Je peux ? » avant de m’embrasser passionnément. J’aurais pu m’évanouir de bonheur… Nos lèvres, nos langues, nos salives, nos peaux, nos mains, tout ce qui nous constituait s’assemblait à la perfection.

Je n’eus pas le temps de me demander s’il en avait lui aussi conscience, qu’il me dit « Tu repousses les limites du bonheur » avant d’ajouter « À chaque fois, je crois avoir atteint le plaisir parfait et la fois suivante, tu m’en offres davantage… »

Le photographe était face à moi, pourtant, je ne l’avais pas vu revenir. La séance photo avait été improvisée, il ne pouvait pas y consacrer autant de temps qu’il l’aurait souhaité. À sa demande, nous accélérâmes le mouvement.

546ca3ca38d7ac80981797ecd4f468b8Je m’allongeai pour la seconde fois sur cette table, écartai les jambes, à la demande du Balafré, posai mes chevilles sur ses épaules. Il rappela la consigne au photographe « Que ses yeux et son visage » avant de me pénétrer.

Que j’aimais cette sensation ! Sentir mon sexe s’ouvrir pour accueillir le sien ! Je me concentrais pour ne pas perdre une miette de ces frémissements, pour garder en mémoire cette lente pénétration et la mélodie du souffle du Balafré.

À quoi penses-tu, Monique ?

En fait… je ne sens pas ta cicatrice… en fait…

Il éclata de rire en m’ébouriffant les cheveux. J’eus l’impression d’avoir déjà vécu cette scène, mais dans une autre vie. Je me gardai bien de le lui dire, par crainte de gâcher la magie de cet instant. Le photographe tournait autour de la table, se plaignant du manque de moyens, de la lumière qui ne lui convenait pas, « si j’avais su… ! »

Je voulus lui répondre d’un ton léger que ce n’était rien, qu’on reviendrait vite pour d’autres séances, mais ma voix trahit mon excitation, le plaisir que je prenais. Le Balafré se fit plus directif quant à la façon de me photographier. Il savait exactement ce qu’il voulait voir fixé sur le papier, comme s’il vivait enfin la scène dont il avait rêvé toute sa vie.

J’aimais ses longs va-et-vient, assez rapides, très profonds… j’aimais l’art avec lequel il me maintenait si haut dans le plaisir… Il savait précisément où j’en étais et avait compris que je lui laissais le rôle du maître du jeu… pour cette partie tout du moins !

Ne rate pas son regard quand elle jouira ! Je compte sur toi !

En 1975, les appareils photo n’avaient pas le mode « rafale » comme ceux que tu connais, je ne sais même pas si ceux avec un moteur existaient déjà… Mais quand bien même auraient-ils existé, celui-ci n’en était pas pourvu. Le photographe ne pouvait compter que sur son intuition, sa chance et sa rapidité pour faire avancer le négatif à l’intérieur de son appareil. Il s’en plaignit.

Comment être sûr que…

Je tournai un peu la tête vers lui, le débraguettai, extirpai son sexe dur dont le gland perlait déjà, avant le sucer goulûment.

Excellente idée, Monique ! Il n’hésitera pas !

J’entendis le photographe déglutir avec difficulté, je remarquai l’objectif qui tremblait, bougeait dans tous les sens… un juron, puis « Je n’arrive… même pas… outch ! à voir si… … hmmm… mise… au point… mais… que tu suces bien ! Oh oui ! Comme… »

Le Balafré lui rappela sèchement ce qu’on attendait de lui, je lui souris autant que je pouvais le faire avec cette queue dans ma bouche. Il me sourit en retour, me fit un clin d’oeil « Tiens-toi prêt ! Elle ne va pas tarder à jouir ! »

Tout en allant et venant, il écarta mes lèvres d’une main, faisant jaillir mon clito… Oui ! En le découvrant ainsi, j’eus la sensation qu’il faisait jaillir mon clito comme un diable sort de sa boîte… Il répéta « Tiens-toi prêt ! » et, alors que je m’attendais à la caresse de son pouce, il me souleva à peine, se pencha davantage et souffla doucement dessus. Mon ectoplasme bondit hors de moi, se heurta au plafond avant de réintégrer mon corps en une fraction de seconde. Je n’eus pas le temps d’observer la scène, entendis comme assourdi, le « clic-clac », un juron avant de sentir le sperme du photographe couler dans ma gorge.

Elle suce toujours comme ça quand elle jouit ?

Toujours !

Enivrés de plaisir, nous riions comme trois gamins facétieux. Le photographe retourna à sa boutique, le Balafré passa un doigt interrogateur sur mon front.

Pourquoi cette ride de contrariété, Monique ?

Tu n’as même pas joui…

– La journée ne fait que commencer, Monique !

Peut-être, mais mon car passera dans moins d’une heure…

Nous étions rhabillés, il me prit dans ses bras et me chuchota

Si je te promets de jouir en toi, tu m’autoriserais à te raccompagner dans ma toute petite auto ?

Ton amour de Torpédo ?

Nous nous figeâmes, comme foudroyés. Pourquoi ce refrain que Pierrot et Rosalie entonnaient parfois quand j’étais petite, quand je ne connaissais d’eux que Papé et Bonne-Maman, m’était venu à l’esprit ? Et pourquoi le Balafré semblait aussi stupéfait ? Nous repassâmes par la boutique pour convenir d’une nouvelle séance photo.

Vous pouvez venir quand ?

Je peux venir tous les soirs, les samedis après-midi, les dimanches et les mercredis… et toi ?

Pareil !

Tu as aussi congé le mercredi ? !

J’ai aussi congé le mercredi !

Quelle coïncidence ! Et comment ça se fait ?

Pour la même raison que toi !

Je n’en revenais pas, mais je n’étais pas certaine d’avoir bien compris.

Tu… tu… tu es « dame de service » ? !

Le photographe éclata de rire.

Tu ne sais pas ?

Presque, Monique ! Je suis instituteur !

Je le regardai, épatée. Aujourd’hui encore, j’ignore pourquoi je dis, sur ce ton précis « Maître d’école… ! Mazette ! » Ils rirent encore plus fort et de bon coeur. Nous prîmes rendez-vous et je sortis aux côtés du Balafré, en le regardant d’une façon qui l’amusa beaucoup.

Ne me regarde pas comme ça, Monique ! Je ne suis pas Haby !

T’es p’tète pas Haby, mais t’es… maître d’école !

– Tu as raison ! Je suis maître d’école… mazette !

Nous riions, complices, nous bousculant à coups de hanches, à coups d’épaules, comme deux vieux potes, nous ne nous étions pas concertés, mais il enseignait dans une petite ville de province, mon alliance étincelait à mon annulaire. D’instinct nous connaissions par coeur la partition que nous devions jouer en public, si nous voulions garder secrète la nature de notre relation. Nous la connaissions par coeur, mais c’était la première fois que nous l’éxécutions.

Le Balafré haussa le ton pour me proposer de me raccompagner chez moi.

– Tu n’auras pas à faire le trajet en autocar…

Il s’était chargé de l’antienne, je m’occupai du répons…

Quelle bonne idée ! Christian sera si content de te voir ! Tu dîneras avec nous ?

Si ça ne vous ennuie pas…

Si ça devait nous ennuyer, je ne te l’aurais pas proposé, mon cher !

Je claquais déjà ma portière quand je donnai ma dernière réplique. Peu avant de sortir de la ville, maintenant que personne ne pouvait nous entendre, je lui demandai

On fait quoi ?

Le Balafré haussa les sourcils d’un air lubrique.

Oui… mais où ? Chez moi ? À la crique ? Au château ? Non… il est trop tôt pour le château… Où as-tu envie de me baiser ? De jouir en moi, avec moi ?

Chez toi, mais…

Mais ?

Je voudrais que Christian soit présent…

Mais il ne rentrera pas avant…

Je calculai mentalement le nombre d’heures qui nous séparaient de son retour.

En attendant, on pourrait se promener… faire un tour en voiture… parler un peu… Ça te contrarie, on dirait…

Au contraire ! Mais je pensais… je ne pensais pas que tu en avais envie…

Je m’interrompis, sursautai, surprise de l’évidence avec laquelle l’idée venait de s’imposer à moi.

Et si on allait papoter avec Rosalie ? Parce que je voudrais bien savoir qui tu crois avoir reconnu…

Le visage du Balafré s’illumina

Ah Monique, si tu n’étais pas déjà mariée avec Christian…

Tu me proposerais de coucher avec toi ?

– Ton insolence me perdra, Monique !

Me perdra, tu veux dire…

Non ! Me perdra…

Son regard se noya dans la route qui s’étirait devant nous.

Comme l’écrivait Beaumarchais « Tout finit par des chansons »

Chroniques matrimoniales – La belle alanguie

Sculpture d’Yves Pirès

Lors d’une visite que Christian et moi fîmes à Valentino et Rosalie, elle évoqua un jeu qui « l’émoustillait de fort belle manière » quand elle avait mon âge. J’étais captivée par son récit et je sus dès les premiers mots que je m’en offrirai une partie dès que pos­sible. J’eus à peine le temps de me demander comment Valentino vivait ce récit, qu’il s’exclama

Quand une femme a tout à la fois ce courage, cette inconscience, cette légèreté, cette insouciance, cette liberté, comme ne pas être fou d’amour pour elle ?

Il l’avait ensuite regardée avant de poursuivre dans un grand sourire

Et si, en plus, c’est la plus belle des femmes…

Les joues de Rosalie avaient rosi. Qu’ils étaient beaux !

Sur le chemin du retour, Christian et moi souriions en silence. La météo était capri­cieuse en ce mois d’octobre 1975, mais bien que la matinée fut fraîche, l’après-midi de ce dimanche s’annonçait assez clémente pour que je me rende avec Christian « un mois pile après notre mariage » à la crique, là même où ma grand-mère s’était ainsi allon­gée, vêtue d’un délicat déshabillé de soie et de dentelle que Marie-Louise, son amie de la haute, lui avait offert. Comme mon grand-père, son Pierrot, l’avait fait, Christian déroula un matelas grossier pour ne pas prendre le risque d’abîmer le tissu fragile. Il me banda les yeux, m’embrassa dans le cou, sur la bouche, à nouveau le cou, la joue, le lobe de mon oreille, me chuchota « amuse-toi bien ! » et s’en alla.

Je me couchai sur le flanc. Les questions tournaient dans ma tête comme les boules du Loto. Combien de temps devrais-je attendre ? Qui viendra me baiser ? Combien seront-ils ? Y aura-t-il des spectateurs ? Si oui, Christian sera-t-il parmi eux ?

J’avais perdu toute notion du temps quand il me sembla entendre des bruits de pas. Je sursautai, attentive, mais fus incapable de déterminer si c’était le pas d’un homme ou ceux de plusieurs. Je me demandais même si je n’avais pas rêvé ce léger craque­ment sec quand je sentis le tissu de mon déshabillé se soulever et une main remonter lentement le long de ma cuisse.

À qui appartenait cette main ? Je ne parvenais même pas à savoir si elle était massive ou délicate, si les doigts étaient trapus ou effilés ! Tout ce que je savais, c’est que sa caresse m’électrisait. Je décidai de ne pas gâcher mes sensations en cherchant à mettre un nom sur cet inconnu, mais de me laisser aller, de m’abandonner au plaisir.

Quand je racontai cette première fois à Rosalie et à Nathalie, elles me dirent que c’est aussi le choix qu’elles avaient fait un demi-siècle plus tôt et m’affirmèrent que le plaisir en était plus grand, l’abandon plus total.

Je me laissais guider par ces picotements qui hérissaient mes poils. Je repliai ma jambe, faisant remonter lentement mon genou vers ma poitrine, puis l’écartai, la soulevai, l’écartai davantage, avec la grâce d’une danseuse. J’étais bouillante de désir, je voulais que ces mains inconnues m’écartèlent, m’ouvrent tout à fait, se montrent curieuses et impudiques. Il me sembla percevoir un cliquetis tout près de moi.

Je m’imaginai ainsi, exposée à l’objectif curieux d’un photographe lubrique. Alors, de mes doigts j’écartai les lèvres de mon sexe, le livrant ainsi totalement à la vue, il était chaud, humide. À chaque « clic ! » je m’offrais davantage. Je sentis un gland me péné­trer, dans cette position que Rosalie et Nathalie nommaient « la belle alanguie », cette queue prenait possession de mon sexe qui ne demandait rien d’autre. Je sentis une main prendre la mienne et la poser sur mon pubis. Je me caressais au rythme des va-et-vient de cet homme. Sa main caressait mon ventre tandis que l’autre titillait mon mamelon.

Je me cambrai autant qu’il m’était possible de le faire, j’ondulais comme un serpent pour qu’il me pénètre plus encore, pour que nos deux corps n’en fassent plus qu’un. Je gémissais dans une plainte comme une prière « Encore… encore… plus fort… plus fort… encore… encore… » Mais cet homme ne semblait pas l’entendre. Son souffle régulier dans ma nuque, il prenait son temps, retirant ma main juste avant que je jouisse pour m’obliger à retenir mon orgasme.

Il me connaissait si bien ! Ce n’était pas Joseph dont le petit sexe n’aurait jamais pu me remplir ainsi. Ce ne pouvait être Alain, pour la raison inverse. L’homme était si­lencieux, ce n’était donc pas le Bavard, même si Rosalie m’avait conseillé de ne pas me fier à cette caractéristique des hommes de cette famille « si bavards, mais qui savent garder le silence quand cela s’avère nécessaire ». Je secouai ma tête comme on s’ébroue, pour me contraindre à ne pas chercher à savoir qui me baisait ainsi.

Reconnectée à mes sensations, je perçus à nouveau des cliquetis irréguliers et un or­gasme fulgurant me happa sans que je l’aie senti venir. Aussi paradoxal que ça puisse paraître, alors que je me concentrais sur mes sensations, cet orgasme me surprit. J’avais l’impression que mes tripes allaient sortir de ma bouche en même temps que mon cri.

Mon vagin palpitait encore autour de cette queue quand l’inconnu accéléra ses va-et-vient et s’enfonça HAN ! d’un coup de rein, pour jouir au plus profond de moi. Il se retira sans un mot. Encore quelques « clic ! » et je perçus les bruissements de vêtements qu’on ramasse, qu’on enfile à la hâte, le pan du déshabillé retrouva sa place initiale. Je ne suis pas certaine d’avoir entendu des bruits de pas.

Ainsi que nous l’avions décidé, je ne bougeai pas de ma place, gardai le bandeau sur mes yeux et attendis que Christian vienne me délivrer. Je m’assoupis, il me réveilla en dénouant le tissu qui m’avait rendue aveugle en me demandant d’une voix terrible­ment sexy si j’avais eu de la visite. Je me relevai, le bousculai pour le faire tomber sur ses fesses et pouvoir ainsi écarter mes cuisses, mes lèvres à hauteur de ses yeux.

Je ne sais pas… tu vois quelque chose ?

Son regard pétillait d’excitation lubrique, le bout de sa langue humectait ses lèvres avec une gourmandise rare.

Prends-moi !

Nous fîmes l’amour avec tendresse, avec rage, nos yeux hurlaient de plaisir. Quand nous nous décidâmes à rentrer au village, il retira délicatement mon déshabillé et me tendit « une robe décente ». Nous éclatâmes de rire en réalisant que la décence actuelle ne descendait pas plus bas que le haut de mes cuisses. Je cherchais du regard la culotte qu’il aurait dû m’apporter, mais Christian me dit « C’est plus bandant quand je te sais le cul à l’air ! »

Quelques jours plus tard, je trouvai une photo dans la poche de mon manteau, elle y avait été glissée la veille au soir, puisque nous avions profité de l’absence de Bonne-Maman pour organiser une partouze dans sa maison, ce qui offrait l’avantage de pouvoir nous servir du banc de prières et de contrition. Malheureusement pour ma curio­sité, les invités avaient été nombreux et je ne parvins pas à reconnaître la physiono­mie de ce bout de sexe qui pénétrait le mien sur ce cliché. Mais je vis immédiate­ment qu’il s’agissait d’un tirage professionnel…

En 1975, quand un laboratoire photo devait développer et tirer des clichés porno­graphiques, il était tenu de les refuser, voire de signaler le client aux autorités. Quel photographe aurait accepté une telle série ? Comme un flash, la réponse me vint à l’esprit. Je pensai à l’imprimeur qui s’était chargé de nos faire-part de mariage et avait même participé aux réjouissances de notre nuit de noces. Il y était venu avec ses ap­pareils photo, je me souvins qu’il tenait, attenant à son imprimerie, un petit magasin de photographe.

Le mercredi suivant, puisque je ne travaillais pas, je pris le car et me rendis dans la ville où il exerçait. J’entrai dans sa boutique, me dirigeai vers le comptoir, nous nous souriions, complices. Une maman prenait rendez-vous pour faire « la photo annuelle des enfants ». Quand elle sortit, je posai la photo sur le comptoir. Il la regarda attentive­ment, mais ne répondit pas à ma question. Il caressait la photo du regard, la scrutait sous tous les angles avec une excitation qu’il ne cherchait pas à dissimuler. Notre conversation ressemblait à un dialogue de sourds, mais j’y prenais un plaisir fou.

Qui vous a déposé ça ?

Oh ! Quelle belle prise de vue !

Qui vous a remis la pellicule ?

Oh ! Regardez… si l’on observe bien…

Je n’arrive pas à savoir qui…

Quel heureux homme ! Regardez la délicatesse…

Ne me faites pas languir ! C’est vous qui avez fait ces photos ?

… la délicatesse de ce sexe qui s’ouvre… Hélas, non ! Je n’y étais pas…

Il caressait la photo du bout de l’index et déglutissait bruyamment. Je posai ma main sur la sienne, plantai mes yeux dans les siens, me penchai par-dessus le comptoir pour lui demander de ma voix la plus féline, la plus sexy, s’il bandait dur en me ma­tant ainsi. Il libéra sa main, prit un ton professionnel.

Je vais consulter mes registres pour retrouver la trace de cette commande

Il se retourna et partit dans l’arrière-boutique. Je sursautai en entendant tinter la clo­chette de la porte. Un client était entré et s’approchait dans mon dos. Je n’eus que le temps de poser ma main sur la photo pour la dissimuler à sa vue. Je savais que si je me retournais, ce client lirait mon trouble sur mon visage. Il était tout près de moi quand il me dit

Quand tu te penches ainsi, mets au moins une culotte, Monique ! Sinon, tu vas tous nous rendre fous de désir !

En disant ces mots, le Balafré glissa la tranche de sa main entre mes cuisses.

C’était toi ? !

Tu es déçue ?

Tu sais bien que non !

L’imprimeur revint, un vieux registre à la main et le sourire aux lèvres.

Que puis-je faire pour ces messieurs-dames ?

Je me dirigeai vers la porte de la boutique, tirai le verrou, retournai le panonceau qui indiqua dès lors que le magasin était fermé, revins vers le comptoir et répondis à sa question.

Une séance photo, par exemple… !

Le Balafré marmonna un juron enthousiaste. Il ne travaillait pas ce jour-là. Nous sui­vîmes l’imprimeur dans son studio photo.

Le Balafré et Monique se dévoilent sous l’objectif du photographe

Chroniques matrimoniales – La fille de Mère-Nature

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Dessin de Milo Manara

Le samedi 13 septembre, comme prévu, Christian et moi nous rendîmes dans le repaire de Valentino. Cette première journée passée en leur compagnie restera parmi les plus radieuses de ma vie. Certains instants se sont gravés en moi comme des éclats de certitude, comme des fragments de bonheur pour que je n’oublie jamais que ce bonheur existe, qu’il ne tient qu’à moi de le créer.

Quand nous arrivâmes, Valentino nous accueillit « à l’ita­lienne » les bras grands ouverts, des exclamations joyeuses et des embrassades chaleureuses. Christian se sentit immédiate­ment des siens. Bonne-Maman rayonnait.

Plus tard dans la journée, nous étions installées dans le jar­din, Valentino avait demandé à Christian de l’accompagner. Nous riions de les entendre rire, et quand ils sortirent de la maison pour nous rejoindre, je sus exactement à quoi res­semblerait Christian quand il aurait l’âge de Valentino. Je me tournai vers Bonne-Maman pour le lui dire, mais c’est Rosalie qui avait pris sa place. Elle siffla, admirative « Y’a pas à dire, ils sont beaux… vraiment beaux, nos hommes ! » comme elle avait raison !

Nous trinquions, ravis de ce moment, au cidre que Rosalie préparait avec ses « pommiers à cidre », des plants qu’on lui avait offerts après la deuxième Guerre Mondiale, des plants de sa Normandie natale qu’elle avait plantés, fait fructifier, greffés, de ces pommiers d’autres étaient nés. Ce fut la pre­mière fois où je sentis une pointe de nostalgie quand elle évoquait la Normandie.

Tu aimerais qu’on t’y emmène, qu’on y passe quelques jours quand je serai en vacances ?

Mon petiot, tu es si gentil… ! Mais non ! Mon pays, c’est la Pro­vence ! J’y ai trouvé tout ce dont je n’aurais jamais oser rêver… et puis, elle a dû tellement changer, ma Normandie… je n’y reconnaî­trais plus rien ! Et dans le cas contraire, ce serait pire ! Mais tu es tellement gentil de me l’avoir proposé ! Tellement gentil… !

Christian sourit, se tourna vers Valentino et lui demanda

Tu pourrais me raconter ta vie… avant… avant Rosalie, je veux dire…

Valentino écarquilla les yeux, sursauta, interloqué

Ma vie… AVANT ?

Oui ! Ta vie AVANT, parce que depuis que tu connais Rosalie, je sais ce que tu ressens…

Il lui fit un clin d’œil en biais, dans notre direction. Rosalie et moi souriions sous cape. Le sourire de Valentino s’élargit encore. Il prit une grande inspiration avant de se lancer.

Si tu demandes après Valentino, personne ne pourra te renseigner, parce que personne ne connaît plus Valentino… ça fait des années qu’il n’existe plus, Valentino… Grâce à ma Rosalina, j’ai pu chan­ger d’identité et ainsi éviter le pire. Ma ! Tu ne peux pas le nier, amore mio ! C’est vrai ou c’est pas vrai ?

Tu me donnes le beau rôle, j’ai juste profité… j’ai simplement saisi la chance quand elle s’est présentée…

Mais le fait est que ça m’a sauvé la vie, non ?

Comme à regret, Rosalie acquiesça, se leva pour s’asseoir sur les genoux de Valentino. Tout en jouant avec l’encolure du maillot qu’il portait, elle dit d’une toute petite voix, presque plaintive

Je n’aime pas quand tu me mets sur un piédestal ! Je ne veux pas que tu me voies plus haute que toi ! Je veux être ton égale, parce que je le suis ! Et toi, tu as… oh… et puis, tu n’as qu’à raconter, ils ver­ront bien…

Elle l’embrassa à la commissure des lèvres et sourit quand Valentino la houspilla en italien, ce qui fit partir Christian dans un fou-rire incontrôlé.

Parli italiano?

Non, mais je comprends un peu…

Rosalie leva les yeux au ciel, mais elle était hilare… elle allait me traduire ce que Valentino venait de lui dire quand il l’in­terrompit, les moulinets de ses bras faillirent la faire tomber.

Christian, mon garçon, je te souhaite que Monique ne connaisse pas les ruses qui allument la flamme quand tu n’es pas d’accord avec elle et que tu peux lui prouver qu’elle a tort ! Mais, je te souhaite qu’elle les connaisse, ces ruses, tout le reste du temps !

Parce que tu ne les connais pas, toi, ces ruses ? Qui est capable d’enflammer chaque cellule de mon corps quand bon lui semble ? Hein ? Dis-moi, c’est qui ?

Sono io!

Valentino souriait, le regard faussement candide, mais le sourcil coquin. Rosalie lui fit les gros yeux pour la forme, mais leur sourires se répondirent… Je me souviens précisé­ment du bonheur que je ressentais à les voir bouillir de désir, à les sentir vivants, à me dire que si nous n’avions pas été là, leurs chamailleries se seraient terminées en étreinte torride, à me les imaginer « réglant leurs comptes sur l’oreiller » après notre départ…

Christian les regardait, s’amusant de cet échange, puis il posa ses yeux sur moi, se leva soudainement, s’excusa « J’ai un truc à dire à Monique… en tête à tête » Valentino lui donna sa permis­sion d’un geste de la main et dans un grand sourire « Tu es ici chez toi, mon garçon ! »

Quand il fut certain de ne plus être ni vu, ni entendu, Christian m’expliqua enfin.

Monique, je crois que je suis taré… Je regarde Valentino et Rosalie et je nous vois… Toi et moi ! J’ai envie de toi, de te culbuter là… à deux pas d’eux…

Je m’approchai de lui, me collai contre son corps, le caressai, glissai ma main sous son tee-shirt. Tout en le débraguettant, je lui demandai

Où est le problème ? Quel est le problème ?

Oh… Monique… tu… ta…

Coupe ton cerveau et laisse-toi guider par ton corps, mon amour !

Je le suçai, pour la première fois, à quelques pas de la maison de Valentino, j’aimais sentir ses doigts dans mes cheveux, j’aimais quand ses mains attrapaient, caressaient mes joues, Christian faisait aller et venir ma bouche le long de son sexe, glissant ses doigts entre mes lèvres, psalmodiant des « Oh… oh… oh… Monique ! Oui… oh… oh… oui ! Comme ça, Monique… oh… ! »

J’avais lancé ma robe au loin, sous le regard inquiet et un peu interloqué de Christian

Mais… que fais-tu ?

Je suis encore plus tarée que toi, je crois !

Et je lui fis cet aveu à l’oreille

Si tu savais comme l’idée qu’ils nous voient m’excite… !

Nous nous allongeâmes, nous caressâmes, nous embras­sâmes. J’aurais aimé qu’un inconnu passât par là et me baisât devant Christian, hélas les lieux étaient vraiment déserts… Je me levai, marchai en direction de la maison, jouant de ma nudité pour exciter davantage Christian. Il me rattrapa, me plaqua contre un arbre et me caressa.

Ce méli-mélo de sensations, dont celle de me sentir livrée à la vue du premier passant, à celle de Rosalie, de Valentino, me faisait vaciller, j’étais sur le point de tomber dans les pommes…

Tu sens comme la situation m’excite ? Ah… si nous avions plus de temps devant nous… !

Puisque nous n’en avons pas tant que ça, pourquoi ne me baises-tu pas ? Comme ça… vite fait… comme des lapins… ?

Monique ! Tu aimes quand ça dure longtemps ! Et ton plaisir ? Tu le prendrais comment, ton plaisir ?

Je le prends déjà, mon amour ! Je le prends déjà… ! Et puis… tu vois le symbole ? Savoir que la première fois où nous sommes allés tous les deux chez Valentino, nous avons fait l’amour à l’ombre de leurs pommiers…

Christian riait, enivré par tant de bonheur, son rire était incroyablement tendre… Il me fit l’amour comme je le sou­haitais. Je sentais son gland dur, bouillant d’excitation, écar­ter les lèvres de mon sexe comme on ouvre un abricot bien mûr, d’une simple pression du pouce ; comme souvent dans ce cas-là, ses doigts étaient de la partie. Je veux dire qu’il ne les retira, avec luxe de précautions, qu’après quelques va-et-vient.

J’aimais me sentir ainsi remplie, cette sensation d’être au-delà de l’impudeur…

Il allait et venait, un peu plus rude à mesure que sa queue prenait de la vigueur, que ses mouvements prenaient de l’as­surance. Je m’ouvrais avec ravissement, le guidant, l’encoura­geant, lui demandant d’aller plus fort, plus vite… Je voulais sentir ses couilles percuter mes lèvres, j’étais folle de ces per­cussions. Ses mots crus me faisaient jouir tout autant que ses doigts sur mon clito, que sa main sur mon épaule. J’aurais voulu me pencher davantage, comme il me le demandait, mais j’aimais tellement le contact rugueux du tronc de ce pommier contre ma poitrine, contre mon ventre, entre mes bras…

Dans ce cas, accroche-toi de toutes tes forces, ma chérie !

Christian me souleva, tenant mes jambes de ses mains puis­santes, me demandant de les écarter « mais pas trop » avant de préciser « contracte tes cuisses comme si tu voulais les resserrer… oui… comme ça… c’est si bon quand tu te resserres autour de ma bite… »

Je faillis tomber à plusieurs reprises, dans cette sorte de brouette japonaise, improvisée en pleine nature, mais que c’était bon… que c’était bon ! Christian allait et venait, « tapant au fond » ce qui déclenchait mes cris de plaisir, ces cris qui m’ont toujours fait perdre la tête, ces cris comme autant de preuves que nous ne sommes pas les maîtres de la nature, mais que nous n’en sommes qu’un élément parmi tous les autres… J’ai craint, l’espace d’une seconde, que Valentino et Rosalie les entendent, mais je savais aussi que ces cris les réjouiraient s’ils devaient atteindre leurs oreilles.

Je sentais l’écorce sous mes doigts, j’avais la sensation que la sève de ce pommier se mêlait à mon sang… À nouveau, je prenais conscience de la nature, d’en être un élément relié à tous les autres, le vent, le soleil, les arbres, l’herbe jaunie sous mes pieds, les cailloux, le ciel, les nuages, les fleurs, les abeilles, tous les animaux et les humains… Monique, fille de Mère-Nature…

Bon sang ! Qu’est-ce qui m’a pris de le dire à Christian quand nous rejoignions Rosalie et Valentino ? Pourquoi n’ai-je pas été plus attentive à la saveur de son éclat de rire ? Quarante-deux ans ont passé et je le paie encore !

Quand nous arrivâmes devant la maisonnette, nous enten­dîmes Rosalie et Valentino qui s’envoyaient en l’air. Alors, nous nous assîmes à la place où nous étions avant que Christian ne se lève pour me « dire un truc ». Je bus un verre de cidre, puis un autre…

Que j’aimais les exclamations de Valentino ! Pour la première fois de ma vie, j’entendais l’amour en italien et ce cri… un cri animal… Il y avait toute la sensualité de l’univers dans ce cri… Il me fallut quelques trop longues secondes avant de réaliser que ce cri était deux, que la voix de Rosalie se tissait avec celle de Valentino.

Que j’ai aimé leur regard, leur sourire quand ils nous ont rejoints ! Rosalie n’avait même pas essayé de se recoiffer un peu. Certes, je ne l’ai jamais connue avec ses longs cheveux blonds, pour autant, c’était la première fois que je la voyais les cheveux en bataille.

Elle prit un faux air sérieux, tu sais, quand on fait semblant d’être sérieuse, mais qu’on a envie que tout le monde sache que « c’est pour de faux ».

Valentino avait un truc à me dire… en tête à tête…

Elle se servit un verre et le buvait quand je leur expliquai cette sensation de ne faire qu’une avec la nature, quand Christian me faisait l’amour alors que j’enlaçais le pommier… là-bas… Rosalie avala de travers. Elle toussait quand Valentino me fusilla du regard et me cria dessus avec sa grosse voix et son accent rocailleux

Mais tais-toi donc, malheureuse ! Tu vas me la faire mourir à dire des choses comme ça !

Puis, se tournant vers elle, d’une voix douce et caressante

C’est rien, Rosalinetta… elle ne sait pas… elle apprendra un jour…

Je suis sa grand-mère, Valentino… c’est à moi de le lui dire… de lui apprendre…

Bonne-Maman se leva, me prit par la main, me demanda de lui montrer le pommier témoin et complice de cette étreinte. Je savais, je pressentais ce qu’elle allait me dire, comment ils l’avaient planté, comment il avait été le témoin de leurs ébats, peut-être allait-elle me montrer, me faire remarquer leurs ini­tiales entrecroisées, gravées dans l’écorce…

Nous marchions côte à côte, main dans la main, nos che­veux blonds en désordre, les siens étaient parsemés de che­veux blancs, mais nos yeux étaient du même bleu. Elle sen­tait l’amour tout autant que moi. Ce n’était pas qu’une odeur de sperme, mais celle des corps qui ont bouillonné de désir et dont le désir a été assouvi.

Je lui désignai le pommier dont je m’étais sentie parente quand Christian me faisait l’amour. Rosalie caressa ma joue, son sourire était incroyablement tendre… Elle me désigna les branches, le tronc, les feuilles…

Quand un pommier ressemble à ça…

Elle cueillit un fruit, que je n’avais pas remarqué, me le tendit

… c’est un amandier !

Je compris enfin la raison de l’hilarité de Christian, que Valentino me taquinait quand il m’avait crié dessus et je sus immédiatement que cette histoire me poursuivrait ma vie durant !

L’anniversaire de Catherine – Première partie