Chroniques matrimoniales – Sous l’objectif

Le photographe installait son matériel, réglait ses éclairages. Je notai avec amusement la bosse capricieuse dans son pantalon. Elle était apparente, puis semblait disparaître dans les plis du tissu avant de le tendre à nouveau. Le Balafré m’observait avec la gourmandise d’un chat devant une jatte de crème.

Je voulais me déshabiller rapidement, mais il me demanda de ne rien en faire. Voulais-je jouer le jeu et m’effeuiller devant l’objectif ? À ma question « S’agit-il là de ton voeu ? » Il répondit par un éclat de rire « Certainement pas ! » Je fis semblant d’être mécontente de sa réponse, mais j’y mis une telle mauvaise foi, qu’il ne fut pas dupe, ne serait-ce une seconde.

Quand son matériel fut enfin installé, le photographe me demanda de m’effeuiller au ralenti. Je devais décomposer chacun de mes gestes, j’aimais ses commentaires et ceux du Balafré. J’aimais qu’ils apprécient et encouragent mes mimiques et attitudes « Pure, candide et salope à la fois ». Je ne portai aucune lingerie, aucun sous-vêtement, ce qui les déçut un peu. Je demandai au Balafré de m’imiter et de se dévêtir devant l’objectif, ce qu’il refusa fermement. Le photographe soutenait le même point de vue, ce qui me mit assez en colère.

D’une main ferme, je déboutonnai le jean du Balafré, le débraguettai et dans un même mouvement, le baissai ainsi que son slip. Je désignai son sexe et m’exclamai « Vous pensez vraiment que ce n’est pas sexy aux yeux d’une femme ? ! »

D’abord surpris de ma soudaine virulence, je parvins sans grande difficulté à les rallier à mon point de vue. Le Balafré consentit à un effeuillage, à l’unique condition que je ne le lâche pas du regard. Son trouble me troublait. Je l’exhortai « Excite-moi ! Excite-moi comme tu en as toujours rêvé ! Excite-moi comme si j’étais la femme de ta vie et ce que soit l’unique moyen de me conquérir ! ». Ma dernière injonction l’aiguillonna plus que je ne l’aurais imaginé. Comme si mes mots l’avaient plongé dans un état second, il oublia toutes ses craintes, toute sa timidité, toute pudeur. Ses yeux plantés dans les miens, mes yeux plantés dans les siens, nous oubliâmes pendant un instant, la présence du photographe. Nous nous faisions déjà l’amour alors que nos corps étaient distants de plusieurs mètres.

J’aimais observer le tremblement de ses mains. J’avais remonté sa fermeture Éclair, mais dans ma hâte de le regarder faire, j’avais oublié de rattacher l’unique bouton à la ceinture. Je me plaçai à la gauche de notre complice pour mieux l’admirer. D’un geste sensuel, mais néanmoins brutal, il écarta les deux pans de tissu, ce qui fit descendre la fermeture Éclair d’un coup. Je hochai la tête pour lui signifier ma désapprobation, revins vers lui, lui remontai sa braguette, agrafai le bouton. Avant de reprendre ma place, je lui murmurai « Laisse-toi guider ! Laisse-toi faire ! Laisse-moi faire ! »

Il s’accrocha à mon regard et sans un mot, sans un geste, je parvins à lui montrer comment faire. Il déboutonna lentement sa ceinture, titilla le bout métallique de sa fermeture Éclair, qu’il ouvrit au ralenti, presque cran à cran, il écarta d’abord le pan droit de son pantalon, puis le gauche. Je ne me souviens plus s’il dansait, s’il ondulait déjà…

Quand les deux pans furent écartés, je lus la détresse dans son regard, dans ce léger sursaut des sourcils. Je m’approchai de lui, suivie de près par le photographe, m’agenouillai et lui descendis le pantalon en prenant mon air le plus salope. Le photographe en aurait pour son argent, mais surtout, surtout je ne voulais pas qu’ils puissent remarquer le trouble qui me submergeait depuis peu, depuis ce strip-tease télécommandé du regard.

Le Balafré sursauta, mais il me sembla qu’il avait compris la raison de ce changement d’attitude. Quand il fut totalement nu, nous demandâmes à l’imprimeur ce qu’il lui plairait de photographier.

Tout d’abord ta chatte offerte et puis vous deux quand vous…

J’étais d’accord pour m’exhiber devant son objectif, je trouvais l’idée super excitante. Oh oui ! J’avais vraiment envie d’être au-delà de l’impudeur ! Quand j’y repense, 42 ans plus tard, je me sens envahie par cette boule de feu, ce désir fou de montrer au monde entier celle que j’étais ! La réaction du Balafré me surprit un peu.

Pour cette première séance, je voudrais que tu photographies son visage, son regard quand je la baise, quand elle jouit…

Quelle idée merveilleuse ! Je souris en réalisant que pour le Balafré, cette séance serait suivie d’autres… J’en étais tellement heureuse !

– Et toi, Monique, qu’est-ce que tu veux ?

– Offrir ma chatte à son objectif… j’aime bien l’idée ! Mais j’aime encore mieux la tienne, celle de photographier mon visage, mes yeux… parce que je ne les ai jamais vus quand je jouis… j’aimerais bien savoir à quoi je ressemble… même si je me doute que je dois être super jolie, vue l’ardeur que nous mettez tous à me faire jouir !

Le photographe était muet de stupéfaction, les yeux écarquillés, la mâchoire pendante, le Balafré éclata de rire et me traita de coquine.

Je m’allongeai sur la table installée à la hâte dans le studio photo, les fesses à demi dans le vide, les jambes écartées, je me livrais davantage à chaque « clic-clac » de l’appareil photo. Bon sang ! Que j’aimais cette sensation ! J’écartais un peu plus mes cuisses, comme le Balafré me le demandait, j’écartais mes lèvres, dévoilant tous les trésors de ma vulve, je sentais mes doigts glisser dans mes replis doux et humides…

– Vous arrivez à voir comme je mouille ?

Pour toute réponse, le photographe déglutit bruyamment, le Balafré marmonna un « oui » dans un grognement animal et terriblement excitant.

– Parce que je ne savais pas si c’était visible…

T’inquiète, Monique ! C’est à peu près aussi visible que ça…

En disant ces mots, le Balafré caressa sa longue cicatrice brune avec l’ongle de son index.

– C’est pas du jeu !

Qu’est-ce qui n’est « pas du jeu » ?

Quand tu fais ça… tu me rends folle !

Parce que tu ne nous rends pas fous, toi ? !

Le photographe se retourna et partit chercher un autre appareil. J’aimais écouter ce bruit particulier d’une pellicule qu’on rembobine. Je m’étais assise et souriais, je me sentais tellement bien, à l’aise, dans mon élément ! Au bon endroit, au bon moment. Le Balafré s’assit à mes côtés, passa sa main dans mes cheveux, me demanda « Je peux ? » avant de m’embrasser passionnément. J’aurais pu m’évanouir de bonheur… Nos lèvres, nos langues, nos salives, nos peaux, nos mains, tout ce qui nous constituait s’assemblait à la perfection.

Je n’eus pas le temps de me demander s’il en avait lui aussi conscience, qu’il me dit « Tu repousses les limites du bonheur » avant d’ajouter « À chaque fois, je crois avoir atteint le plaisir parfait et la fois suivante, tu m’en offres davantage… »

Le photographe était face à moi, pourtant, je ne l’avais pas vu revenir. La séance photo avait été improvisée, il ne pouvait pas y consacrer autant de temps qu’il l’aurait souhaité. À sa demande, nous accélérâmes le mouvement.

546ca3ca38d7ac80981797ecd4f468b8Je m’allongeai pour la seconde fois sur cette table, écartai les jambes, à la demande du Balafré, posai mes chevilles sur ses épaules. Il rappela la consigne au photographe « Que ses yeux et son visage » avant de me pénétrer.

Que j’aimais cette sensation ! Sentir mon sexe s’ouvrir pour accueillir le sien ! Je me concentrais pour ne pas perdre une miette de ces frémissements, pour garder en mémoire cette lente pénétration et la mélodie du souffle du Balafré.

À quoi penses-tu, Monique ?

En fait… je ne sens pas ta cicatrice… en fait…

Il éclata de rire en m’ébouriffant les cheveux. J’eus l’impression d’avoir déjà vécu cette scène, mais dans une autre vie. Je me gardai bien de le lui dire, par crainte de gâcher la magie de cet instant. Le photographe tournait autour de la table, se plaignant du manque de moyens, de la lumière qui ne lui convenait pas, « si j’avais su… ! »

Je voulus lui répondre d’un ton léger que ce n’était rien, qu’on reviendrait vite pour d’autres séances, mais ma voix trahit mon excitation, le plaisir que je prenais. Le Balafré se fit plus directif quant à la façon de me photographier. Il savait exactement ce qu’il voulait voir fixé sur le papier, comme s’il vivait enfin la scène dont il avait rêvé toute sa vie.

J’aimais ses longs va-et-vient, assez rapides, très profonds… j’aimais l’art avec lequel il me maintenait si haut dans le plaisir… Il savait précisément où j’en étais et avait compris que je lui laissais le rôle du maître du jeu… pour cette partie tout du moins !

Ne rate pas son regard quand elle jouira ! Je compte sur toi !

En 1975, les appareils photo n’avaient pas le mode « rafale » comme ceux que tu connais, je ne sais même pas si ceux avec un moteur existaient déjà… Mais quand bien même auraient-ils existé, celui-ci n’en était pas pourvu. Le photographe ne pouvait compter que sur son intuition, sa chance et sa rapidité pour faire avancer le négatif à l’intérieur de son appareil. Il s’en plaignit.

Comment être sûr que…

Je tournai un peu la tête vers lui, le débraguettai, extirpai son sexe dur dont le gland perlait déjà, avant le sucer goulûment.

Excellente idée, Monique ! Il n’hésitera pas !

J’entendis le photographe déglutir avec difficulté, je remarquai l’objectif qui tremblait, bougeait dans tous les sens… un juron, puis « Je n’arrive… même pas… outch ! à voir si… … hmmm… mise… au point… mais… que tu suces bien ! Oh oui ! Comme… »

Le Balafré lui rappela sèchement ce qu’on attendait de lui, je lui souris autant que je pouvais le faire avec cette queue dans ma bouche. Il me sourit en retour, me fit un clin d’oeil « Tiens-toi prêt ! Elle ne va pas tarder à jouir ! »

Tout en allant et venant, il écarta mes lèvres d’une main, faisant jaillir mon clito… Oui ! En le découvrant ainsi, j’eus la sensation qu’il faisait jaillir mon clito comme un diable sort de sa boîte… Il répéta « Tiens-toi prêt ! » et, alors que je m’attendais à la caresse de son pouce, il me souleva à peine, se pencha davantage et souffla doucement dessus. Mon ectoplasme bondit hors de moi, se heurta au plafond avant de réintégrer mon corps en une fraction de seconde. Je n’eus pas le temps d’observer la scène, entendis comme assourdi, le « clic-clac », un juron avant de sentir le sperme du photographe couler dans ma gorge.

Elle suce toujours comme ça quand elle jouit ?

Toujours !

Enivrés de plaisir, nous riions comme trois gamins facétieux. Le photographe retourna à sa boutique, le Balafré passa un doigt interrogateur sur mon front.

Pourquoi cette ride de contrariété, Monique ?

Tu n’as même pas joui…

– La journée ne fait que commencer, Monique !

Peut-être, mais mon car passera dans moins d’une heure…

Nous étions rhabillés, il me prit dans ses bras et me chuchota

Si je te promets de jouir en toi, tu m’autoriserais à te raccompagner dans ma toute petite auto ?

Ton amour de Torpédo ?

Nous nous figeâmes, comme foudroyés. Pourquoi ce refrain que Pierrot et Rosalie entonnaient parfois quand j’étais petite, quand je ne connaissais d’eux que Papé et Bonne-Maman, m’était venu à l’esprit ? Et pourquoi le Balafré semblait aussi stupéfait ? Nous repassâmes par la boutique pour convenir d’une nouvelle séance photo.

Vous pouvez venir quand ?

Je peux venir tous les soirs, les samedis après-midi, les dimanches et les mercredis… et toi ?

Pareil !

Tu as aussi congé le mercredi ? !

J’ai aussi congé le mercredi !

Quelle coïncidence ! Et comment ça se fait ?

Pour la même raison que toi !

Je n’en revenais pas, mais je n’étais pas certaine d’avoir bien compris.

Tu… tu… tu es « dame de service » ? !

Le photographe éclata de rire.

Tu ne sais pas ?

Presque, Monique ! Je suis instituteur !

Je le regardai, épatée. Aujourd’hui encore, j’ignore pourquoi je dis, sur ce ton précis « Maître d’école… ! Mazette ! » Ils rirent encore plus fort et de bon coeur. Nous prîmes rendez-vous et je sortis aux côtés du Balafré, en le regardant d’une façon qui l’amusa beaucoup.

Ne me regarde pas comme ça, Monique ! Je ne suis pas Haby !

T’es p’tète pas Haby, mais t’es… maître d’école !

– Tu as raison ! Je suis maître d’école… mazette !

Nous riions, complices, nous bousculant à coups de hanches, à coups d’épaules, comme deux vieux potes, nous ne nous étions pas concertés, mais il enseignait dans une petite ville de province, mon alliance étincelait à mon annulaire. D’instinct nous connaissions par coeur la partition que nous devions jouer en public, si nous voulions garder secrète la nature de notre relation. Nous la connaissions par coeur, mais c’était la première fois que nous l’éxécutions.

Le Balafré haussa le ton pour me proposer de me raccompagner chez moi.

– Tu n’auras pas à faire le trajet en autocar…

Il s’était chargé de l’antienne, je m’occupai du répons…

Quelle bonne idée ! Christian sera si content de te voir ! Tu dîneras avec nous ?

Si ça ne vous ennuie pas…

Si ça devait nous ennuyer, je ne te l’aurais pas proposé, mon cher !

Je claquais déjà ma portière quand je donnai ma dernière réplique. Peu avant de sortir de la ville, maintenant que personne ne pouvait nous entendre, je lui demandai

On fait quoi ?

Le Balafré haussa les sourcils d’un air lubrique.

Oui… mais où ? Chez moi ? À la crique ? Au château ? Non… il est trop tôt pour le château… Où as-tu envie de me baiser ? De jouir en moi, avec moi ?

Chez toi, mais…

Mais ?

Je voudrais que Christian soit présent…

Mais il ne rentrera pas avant…

Je calculai mentalement le nombre d’heures qui nous séparaient de son retour.

En attendant, on pourrait se promener… faire un tour en voiture… parler un peu… Ça te contrarie, on dirait…

Au contraire ! Mais je pensais… je ne pensais pas que tu en avais envie…

Je m’interrompis, sursautai, surprise de l’évidence avec laquelle l’idée venait de s’imposer à moi.

Et si on allait papoter avec Rosalie ? Parce que je voudrais bien savoir qui tu crois avoir reconnu…

Le visage du Balafré s’illumina

Ah Monique, si tu n’étais pas déjà mariée avec Christian…

Tu me proposerais de coucher avec toi ?

– Ton insolence me perdra, Monique !

Me perdra, tu veux dire…

Non ! Me perdra…

Son regard se noya dans la route qui s’étirait devant nous.

Comme l’écrivait Beaumarchais « Tout finit par des chansons »

Chroniques matrimoniales – La belle alanguie

Sculpture d’Yves Pirès

Lors d’une visite que Christian et moi fîmes à Valentino et Rosalie, elle évoqua un jeu qui « l’émoustillait de fort belle manière » quand elle avait mon âge. J’étais captivée par son récit et je sus dès les premiers mots que je m’en offrirai une partie dès que pos­sible. J’eus à peine le temps de me demander comment Valentino vivait ce récit, qu’il s’exclama

Quand une femme a tout à la fois ce courage, cette inconscience, cette légèreté, cette insouciance, cette liberté, comme ne pas être fou d’amour pour elle ?

Il l’avait ensuite regardée avant de poursuivre dans un grand sourire

Et si, en plus, c’est la plus belle des femmes…

Les joues de Rosalie avaient rosi. Qu’ils étaient beaux !

Sur le chemin du retour, Christian et moi souriions en silence. La météo était capri­cieuse en ce mois d’octobre 1975, mais bien que la matinée fut fraîche, l’après-midi de ce dimanche s’annonçait assez clémente pour que je me rende avec Christian « un mois pile après notre mariage » à la crique, là même où ma grand-mère s’était ainsi allon­gée, vêtue d’un délicat déshabillé de soie et de dentelle que Marie-Louise, son amie de la haute, lui avait offert. Comme mon grand-père, son Pierrot, l’avait fait, Christian déroula un matelas grossier pour ne pas prendre le risque d’abîmer le tissu fragile. Il me banda les yeux, m’embrassa dans le cou, sur la bouche, à nouveau le cou, la joue, le lobe de mon oreille, me chuchota « amuse-toi bien ! » et s’en alla.

Je me couchai sur le flanc. Les questions tournaient dans ma tête comme les boules du Loto. Combien de temps devrais-je attendre ? Qui viendra me baiser ? Combien seront-ils ? Y aura-t-il des spectateurs ? Si oui, Christian sera-t-il parmi eux ?

J’avais perdu toute notion du temps quand il me sembla entendre des bruits de pas. Je sursautai, attentive, mais fus incapable de déterminer si c’était le pas d’un homme ou ceux de plusieurs. Je me demandais même si je n’avais pas rêvé ce léger craque­ment sec quand je sentis le tissu de mon déshabillé se soulever et une main remonter lentement le long de ma cuisse.

À qui appartenait cette main ? Je ne parvenais même pas à savoir si elle était massive ou délicate, si les doigts étaient trapus ou effilés ! Tout ce que je savais, c’est que sa caresse m’électrisait. Je décidai de ne pas gâcher mes sensations en cherchant à mettre un nom sur cet inconnu, mais de me laisser aller, de m’abandonner au plaisir.

Quand je racontai cette première fois à Rosalie et à Nathalie, elles me dirent que c’est aussi le choix qu’elles avaient fait un demi-siècle plus tôt et m’affirmèrent que le plaisir en était plus grand, l’abandon plus total.

Je me laissais guider par ces picotements qui hérissaient mes poils. Je repliai ma jambe, faisant remonter lentement mon genou vers ma poitrine, puis l’écartai, la soulevai, l’écartai davantage, avec la grâce d’une danseuse. J’étais bouillante de désir, je voulais que ces mains inconnues m’écartèlent, m’ouvrent tout à fait, se montrent curieuses et impudiques. Il me sembla percevoir un cliquetis tout près de moi.

Je m’imaginai ainsi, exposée à l’objectif curieux d’un photographe lubrique. Alors, de mes doigts j’écartai les lèvres de mon sexe, le livrant ainsi totalement à la vue, il était chaud, humide. À chaque « clic ! » je m’offrais davantage. Je sentis un gland me péné­trer, dans cette position que Rosalie et Nathalie nommaient « la belle alanguie », cette queue prenait possession de mon sexe qui ne demandait rien d’autre. Je sentis une main prendre la mienne et la poser sur mon pubis. Je me caressais au rythme des va-et-vient de cet homme. Sa main caressait mon ventre tandis que l’autre titillait mon mamelon.

Je me cambrai autant qu’il m’était possible de le faire, j’ondulais comme un serpent pour qu’il me pénètre plus encore, pour que nos deux corps n’en fassent plus qu’un. Je gémissais dans une plainte comme une prière « Encore… encore… plus fort… plus fort… encore… encore… » Mais cet homme ne semblait pas l’entendre. Son souffle régulier dans ma nuque, il prenait son temps, retirant ma main juste avant que je jouisse pour m’obliger à retenir mon orgasme.

Il me connaissait si bien ! Ce n’était pas Joseph dont le petit sexe n’aurait jamais pu me remplir ainsi. Ce ne pouvait être Alain, pour la raison inverse. L’homme était si­lencieux, ce n’était donc pas le Bavard, même si Rosalie m’avait conseillé de ne pas me fier à cette caractéristique des hommes de cette famille « si bavards, mais qui savent garder le silence quand cela s’avère nécessaire ». Je secouai ma tête comme on s’ébroue, pour me contraindre à ne pas chercher à savoir qui me baisait ainsi.

Reconnectée à mes sensations, je perçus à nouveau des cliquetis irréguliers et un or­gasme fulgurant me happa sans que je l’aie senti venir. Aussi paradoxal que ça puisse paraître, alors que je me concentrais sur mes sensations, cet orgasme me surprit. J’avais l’impression que mes tripes allaient sortir de ma bouche en même temps que mon cri.

Mon vagin palpitait encore autour de cette queue quand l’inconnu accéléra ses va-et-vient et s’enfonça HAN ! d’un coup de rein, pour jouir au plus profond de moi. Il se retira sans un mot. Encore quelques « clic ! » et je perçus les bruissements de vêtements qu’on ramasse, qu’on enfile à la hâte, le pan du déshabillé retrouva sa place initiale. Je ne suis pas certaine d’avoir entendu des bruits de pas.

Ainsi que nous l’avions décidé, je ne bougeai pas de ma place, gardai le bandeau sur mes yeux et attendis que Christian vienne me délivrer. Je m’assoupis, il me réveilla en dénouant le tissu qui m’avait rendue aveugle en me demandant d’une voix terrible­ment sexy si j’avais eu de la visite. Je me relevai, le bousculai pour le faire tomber sur ses fesses et pouvoir ainsi écarter mes cuisses, mes lèvres à hauteur de ses yeux.

Je ne sais pas… tu vois quelque chose ?

Son regard pétillait d’excitation lubrique, le bout de sa langue humectait ses lèvres avec une gourmandise rare.

Prends-moi !

Nous fîmes l’amour avec tendresse, avec rage, nos yeux hurlaient de plaisir. Quand nous nous décidâmes à rentrer au village, il retira délicatement mon déshabillé et me tendit « une robe décente ». Nous éclatâmes de rire en réalisant que la décence actuelle ne descendait pas plus bas que le haut de mes cuisses. Je cherchais du regard la culotte qu’il aurait dû m’apporter, mais Christian me dit « C’est plus bandant quand je te sais le cul à l’air ! »

Quelques jours plus tard, je trouvai une photo dans la poche de mon manteau, elle y avait été glissée la veille au soir, puisque nous avions profité de l’absence de Bonne-Maman pour organiser une partouze dans sa maison, ce qui offrait l’avantage de pouvoir nous servir du banc de prières et de contrition. Malheureusement pour ma curio­sité, les invités avaient été nombreux et je ne parvins pas à reconnaître la physiono­mie de ce bout de sexe qui pénétrait le mien sur ce cliché. Mais je vis immédiate­ment qu’il s’agissait d’un tirage professionnel…

En 1975, quand un laboratoire photo devait développer et tirer des clichés porno­graphiques, il était tenu de les refuser, voire de signaler le client aux autorités. Quel photographe aurait accepté une telle série ? Comme un flash, la réponse me vint à l’esprit. Je pensai à l’imprimeur qui s’était chargé de nos faire-part de mariage et avait même participé aux réjouissances de notre nuit de noces. Il y était venu avec ses ap­pareils photo, je me souvins qu’il tenait, attenant à son imprimerie, un petit magasin de photographe.

Le mercredi suivant, puisque je ne travaillais pas, je pris le car et me rendis dans la ville où il exerçait. J’entrai dans sa boutique, me dirigeai vers le comptoir, nous nous souriions, complices. Une maman prenait rendez-vous pour faire « la photo annuelle des enfants ». Quand elle sortit, je posai la photo sur le comptoir. Il la regarda attentive­ment, mais ne répondit pas à ma question. Il caressait la photo du regard, la scrutait sous tous les angles avec une excitation qu’il ne cherchait pas à dissimuler. Notre conversation ressemblait à un dialogue de sourds, mais j’y prenais un plaisir fou.

Qui vous a déposé ça ?

Oh ! Quelle belle prise de vue !

Qui vous a remis la pellicule ?

Oh ! Regardez… si l’on observe bien…

Je n’arrive pas à savoir qui…

Quel heureux homme ! Regardez la délicatesse…

Ne me faites pas languir ! C’est vous qui avez fait ces photos ?

… la délicatesse de ce sexe qui s’ouvre… Hélas, non ! Je n’y étais pas…

Il caressait la photo du bout de l’index et déglutissait bruyamment. Je posai ma main sur la sienne, plantai mes yeux dans les siens, me penchai par-dessus le comptoir pour lui demander de ma voix la plus féline, la plus sexy, s’il bandait dur en me ma­tant ainsi. Il libéra sa main, prit un ton professionnel.

Je vais consulter mes registres pour retrouver la trace de cette commande

Il se retourna et partit dans l’arrière-boutique. Je sursautai en entendant tinter la clo­chette de la porte. Un client était entré et s’approchait dans mon dos. Je n’eus que le temps de poser ma main sur la photo pour la dissimuler à sa vue. Je savais que si je me retournais, ce client lirait mon trouble sur mon visage. Il était tout près de moi quand il me dit

Quand tu te penches ainsi, mets au moins une culotte, Monique ! Sinon, tu vas tous nous rendre fous de désir !

En disant ces mots, le Balafré glissa la tranche de sa main entre mes cuisses.

C’était toi ? !

Tu es déçue ?

Tu sais bien que non !

L’imprimeur revint, un vieux registre à la main et le sourire aux lèvres.

Que puis-je faire pour ces messieurs-dames ?

Je me dirigeai vers la porte de la boutique, tirai le verrou, retournai le panonceau qui indiqua dès lors que le magasin était fermé, revins vers le comptoir et répondis à sa question.

Une séance photo, par exemple… !

Le Balafré marmonna un juron enthousiaste. Il ne travaillait pas ce jour-là. Nous sui­vîmes l’imprimeur dans son studio photo.

Le Balafré et Monique se dévoilent sous l’objectif du photographe

Chroniques matrimoniales – La vie n’est rien sans l’amitié

Quand nous entrâmes, nous fûmes accueillis par Pierrot, Toine et Nathalie. Valentino semblait mal à l’aise, gêné comme s’il avait revêtu un costume qui n’était pas à sa taille, coupé à ses mesures. Il répondait à nos question parfois de façon très détaillée, mais le plus souvent très laconique. Il semblait avoir perdu de son assurance, tout en ayant gagné des certitudes. C’était très étrange. Petit à petit, un malaise s’installait, nous étions loin des retrouvailles joyeuses que nous nous étions imaginées. Pierrot parut plonger dans les yeux de Valentino, il hocha la tête, ils se levèrent et sortirent dans le jardin. Je racontai nos retrouvailles à Toine et à Nathalie puis la discussion s’éteignit comme une chandelle totalement consumée.

Il fallut leur retour à l’intérieur de la maison pour que je m’aperçoive de la faim qui me tenaillait. Je réalisai par là même que Valentino n’avait pas mangé non plus. J’étais à mes fourneaux quand Pierrot me prit par la taille, son souffle chaud dans ma nuque me réchauffait le cœur, il me murmura

– Ne t’en fais pas, ma Rosalie… Valentino a besoin de tuer ses démons, il a besoin de moi comme j’ai eu besoin de Nathalie, comme Toine a eu besoin de toi.

Comme si ses mots m’avaient ôté un poids sur les épaules, je respirai à plein poumons. La lumière parut refaire son apparition dans la maison en même temps que la légèreté. Valentino, Toine et Nathalie entrèrent dans la cuisine comme si notre éclat de rire avait été le signal convenu. Tout en disposant deux assiettes sur la table, Pierrot répondit à la question muette que tous nous posaient.

Cette créature est une diablesse ! Non ! Pire ! C’est une…

Toine entra immédiatement dans son jeu.

Une… une Normande, tu veux dire ?

Exactement ! Tu ne crois pas si bien dire !

Comme intimidé par l’assiette posée devant lui, Valentino nous regardait, Toine frotta une gousse d’ail sur une tranche de pain rassis, y versa un filet d’huile, la lui tendit et d’une voix très douce, que je ne lui avais pas entendue depuis des années, l’invita à manger. Valentino croqua dedans, ferma les yeux pour mieux goûter ce moment, avant de manger la soupe que je venais de réchauffer. Après quelques minutes d’un silence interrompu par le bruit de nos cuillères, il leva ses yeux emplis de larmes.

Merci !

Nathalie, toujours aussi curieuse, nous demanda la raison de notre éclat de rire et pourquoi Pierrot me traitait de diablesse.

Je venais de lui dire que Valentino a besoin de chasser ses cauchemars, qu’il a besoin de moi comme j’ai eu besoin de toi, comme Toine a eu besoin de Rosalie à notre retour…

Ouh, fan de Diou ! Tu veux dire tout… tout pareil ? !

Prenant l’assistance à témoin, je désignai Nathalie

Ah… tu vois !

Toine se bidonnait, Valentino sourit enfin. D’un sourire où l’indulgence s’unissait à une tendresse incroyable, au soulagement aussi. Avant que le jour se lève, Toine partit avec lui pour lui indiquer une cachette sûre en attendant des jours meilleurs. Nathalie rentra dans ses foyers, je restai seule avec Pierrot.

Que signifient ce regard et ce sourire ?

Je suis tellement heureuse…

Que Valentino soit de retour parmi nous ?

Oui, mais…

Mais ?

Mais surtout que tu sois l’homme que tu es, mon Pierrot ! Et tous… la Nathalie, le Toine… Barjaco aussi… vous êtes tous si… si… je ne trouve pas le mot !

Pierrot caressait ma joue, m’embrassait dans le cou, me répétant son amour. Nous sortîmes de la maison. J’avais laissé un mot sur la table de la cuisine pour qu’Antonella et Léonie ne s’inquiètent pas. Ce n’était pas la première fois qu’elles trouveraient la maison vide à leur réveil et savaient parfaitement se débrouiller toutes seules.

Imitant Pierrot, j’enfourchai ma bicyclette. Depuis toutes ces années, la région n’avait plus aucun secret pour moi, je connaissais chaque lieu où l’on pouvait s’ébattre à l’abri des regards indiscrets et à la vue des regards complices. Je calculai mentalement et à toute vitesse, le temps dont nous disposions, la distance qui nous séparait des différents endroits susceptibles de nous convenir, quand Pierrot fit allusion à ma façon de diriger un attelage « à la mode normande ». Je compris où il voulait que nous allions. C’était notre cachette, notre endroit rien qu’à nous, aucun autre homme ne m’y avait jamais culbutée et Pierrot n’y avait jamais culbuté aucune autre femme. Cette grange au milieu de nulle part, où nous avions fait une halte après sa demande en mariage et notre passage chez le notaire.

Il n’aurait pas pu choisir meilleur endroit. Vingt ans après, j’étais dans le même état d’esprit que ce premier samedi du mois de mai 1919. Je montai à l’échelle quand il me complimenta, dès qu’il me rejoignit, je lui dis « Question beauté et fraîcheur, tu n’es pas en reste, mon Pierrot ! » Il fit semblant de ne pas avoir compris, « avé ton assent… »

Je lui répétai au moins dix fois, modulant ma voix, variant ses inflexions, tournant autour de lui comme un maquignon le ferait dans une foire aux bestiaux. Je faisais mine de tâter ses muscles, tout en le déshabillant. Quand il fut totalement nu, je caressai ses gonades du dos de la main, remontai le long de son membre et, le regardant droit dans les yeux, lui répétai une fois encore

– Question beauté et fraîcheur, tu n’es pas en reste, mon Pierrot !

Vingt années s’étaient écoulées, mon corps s’était épanoui, mais comme je l’aimais mon corps qui me le rendait si bien ! J’aimais l’aisance avec laquelle il s’emboîtait à celui de Pierrot. Mon Pierrot qui me scrutait, semblant chercher à découvrir des trésors qu’il connaissait pourtant par cœur.

Laisse-toi faire, ma Rosalie…

Il écarta mes cuisses d’une caresse délicate. J’étais debout face à lui. Avant de s’agenouiller devant moi, il caressa mon « joli petit ventre », me sourit en faisant semblant de découvrir la blondeur de ma toison, « blonde comme les blés », embrassa mon cou, mes épaules, mes seins.

Je n’en pouvais plus de désir, mes jambes tremblaient tant mon impatience était grande. Je manquai de défaillir quand ses doigts écartèrent mes lèvres. Il me demanda d’une voix craintive, comme on quémande une faveur, s’il pouvait encore « se régaler les yeux de tant de beauté ».

Dès sa requête « laisse-toi faire », je savais qu’il me voulait passive. Je veux dire, je savais que je ne devais prendre aucune initiative, je ne devais ni le caresser, ni l’embrasser, pourtant, j’en crevais d’envie, je ne devais anticiper aucune de ses caresses, aucun de ses baisers, pourtant je me sentais brûler de désir.

Quand sa langue me lécha, je laissai échapper un grognement animal, mes mains s’agrippèrent à ses cheveux, j’aurais dû me taire, mais je psalmodiai « Ô Pierrot ! Ô mon Pierrot ! Oh, c’est si bon ! » entre deux cris bien plus sauvages, entre deux plaintes de plaisir animal.

Sa voix était rauque lorsque, ses mains sur mes hanches, il me demanda de danser sur sa langue. Mes yeux étaient clos, ma tête rejetée en arrière, pourtant, j’aurais pu décrire l’étincelle de son regard rien qu’en sentant son souffle sur ma peau…

Je me demandais combien de temps allait durer ce supplice qu’il s’infligeait ainsi quand une onde de plaisir me traversa de part en part avec la puissance d’une lame de fond. S’il ne m’avait pas tenue aussi fermement, je serais tombée à la renverse… Il poussa un cri, une sorte de juron amusé, j’ouvris enfin les yeux, desserrai mes doigts et regardai dans ma paume, les cheveux que je venais de lui arracher.

Comment me faire pardonner, mon Pierrot ?

Il s’allongea sur le sol où ne subsistaient, ici et là, que quelques brins de paille séchée et me demanda de le chevaucher. Je m’accroupis au-dessus de son membre. Bon sang ! Son gland était d’un pourpre presque noir ! J’avais appris à estimer la puissance de son désir, le degré de son excitation à la couleur de son gland. Au plus il était sombre, au plus il était proche de l’explosion. Je ne voulais pas qu’il jouisse trop vite, je voulais qu’il profite lui aussi, lui offrir autant de plaisir qu’il m’en offrait.

Ma Rosalie, nous n’avons plus trop de temps devant nous !

En disant ces mots, il m’empala brutalement. Mon plaisir explosa une nouvelle fois et le cri qu’il poussa en jouissant remonta le long de ma colonne vertébrale. Nous préférions ne pas nous arracher l’un à l’autre tout de suite après son orgasme. J’aimais, nous aimions profiter de ces longues minutes où mon puits d’amour palpitait autour de son sexe qui perdait peu à peu de sa raideur. Nous aimions nous dire de jolies phrases, les yeux dans les yeux, son sourire répondant à mes mots, le mien répondant aux siens. Il caressa ma joue.

Ma Rosalie, si je te demandais ce que tu veux, que me répondrais-tu ?

Que les vingt prochaines années soient aussi belles que les vingt dernières…

Pierrot fit la moue. Ce n’était pas la réponse qu’il avait espérée, je le savais parfaitement. L’air contrit, je haussai les épaules et me plaignis

Mais c’est ta faute, Pierrot ! Si tu ne m’avais pas ôté le corsage…

avant de lui tirer la langue et de lui faire un clin d’œil malicieux. Il me traita de bougresse et nous roulâmes enlacés dans la poussière de paille, comme deux gamins heureux de profiter d’une récréation inattendue.

ba9d5ab3a97d228cfe9c6b0d929f6bbaIl était temps de nous rhabiller, d’enfourcher nos bicyclettes et d’aller travailler. Quand nos chemins se séparèrent, il allait aux champs et moi dans les bureaux du père de Toine, Pierrot me houspilla « C’était bien la peine de te couper les cheveux… ! » et ôta les brins de paille qui s’y étaient logés avant de m’embrasser et de me souhaiter « la bonne journée ».

Le récit de Rosalie se poursuit ici…

 

Mais entre temps, Monique nous raconte d’autres jolis souvenirs, si vous souhaitez les découvrir, cliquez donc là !