Les leçons de Sophie – Rigueur et discipline

Quand je suis arrivée au lycée, ce matin, au lendemain de cette révision chez Sophie, elle a fait semblant de ne pas me voir. Je me suis dirigée, d’un pas léger et rapide, vers son petit groupe d’amis qui devient aussi le mien, la tête haute, le regard clair. Elle s’est interrompue, comme si elle venait de remarquer ma présence.

– Oh… bonjour !

Tournée générale de bises en guise de salut et leur conversation a repris. Sujet du jour, les évaluations qui arrivent à grands pas et les ragots habituels, qui sort avec qui, mise à jour de nos informations, qui a fait quoi, qui a dit quoi, la boulangerie qui a modifié sa formule midi et propose désormais, en dessert, cette viennoiserie trop bonne.

– Pourquoi souris-tu comme ça ?

Que pourrais-je répondre à Clara ? Je hausse les épaules et marmonne un « je sais pas… pour rien… ». Il faudra que j’explique à Sophie que mes longues années de surdité ont aiguisé mon regard. Que décrypter chaque détail était ma façon de survivre dans ce monde dont je ne percevais aucun son. Que j’ai pu lire ses sentiments dans son regard. Elle a aimé ce plaisir fou que nous avons pris ensemble, mais elle ne veut pas que ça se sache. Tant mieux, moi non plus ! Lui dirai-je ou ne lui dirai-je pas ? Parce que je prends conscience du pouvoir que m’offre sa crainte et j’aime ça…

Je me suis amusée de faire de Sophie ma marionnette, dès le cours de maths. Elle est passée à mes côtés pour aller au tableau, à la demande du professeur. J’ai signé S O F I, la main devant ma bouche et j’ai posé mes doigts sur mes lèvres. J’en étais sûre, ça l’a troublée. Elle essayait de ne pas me regarder, mais ses yeux étaient irrémédiablement attirés par la danse de mes doigts. S O F I S O F I… En retournant à sa place, elle m’a bousculée. Personne n’a rien vu. La salle de classe est trop petite pour le nombre de tables, alors, les bras qui s’entrechoquent à cause des déplacements, n’attirent pas l’attention.

Je l’ai manipulée ainsi tout au long de la journée, n’arrêtant mon manège qu’aux interclasses, aux récréations et à la pause déjeuner. Quelqu’un aurait pu le remarquer, elle m’en aurait voulu, et le jeu aurait perdu de son intérêt.

Pour la dernière heure, alors que nous étions assises côte à côte, j’ai fait semblant de regarder vers la fenêtre, à ma gauche, alors qu’elle était assise à ma droite… S O F I… doigts sur ma bouche… S O F I… ma langue humidifie mes lèvres… S O F I… grande inspiration… S O F I… expiration lasse et comblée… Coup d’épaule discret de Sophie. Je l’ai regardée, un sourire innocent aux lèvres. Elle m’a fait les gros yeux, le rouge au front, les joues empourprées, a articulé un « Arrête ! » muet. J’ai souri de plus belle…

Fin des cours. À l’arrêt du bus, les élèves parlent de ce qui nous préoccupe tous, les évaluations à venir, les vacances qui semblent loin, encore du planning des évaluations, des révisions. J’évoque ma crainte de ces oraux, exercice que je maîtrise mal « à cause de… », laissant ma phrase pleine de sous-entendus, en suspens.

Les regards de compassion m’indiquent que j’ai atteint mon but… « pauvre petite fille sourde », j’aime bien me faire plaindre par ces gens qui ignorent tout de notre monde… J’entends, mais j’appartiens pour toujours à la communauté des sourds. Un univers plein de blagues, de rires, de tendresse, de larmes, de colères, de vacheries, d’amour et de haine, une communauté soudée par le mépris pour tous ces entendants qui s’apitoient sur notre sort sans chercher à nous connaître.

Sophie prononce enfin la phrase que j’attendais « Si tu as besoin d’aide… ». Je fais semblant d’hésiter « Je ne voudrais pas abuser… tu dois réviser aussi… ». Elle insiste, comme si c’était moi qui lui rendais service. Je me laisse convaincre, nous réviserons ensemble dès ce soir.

Nous voici dans ma chambre, j’ai prévenu ma mère que je ne voulais pas être dérangée par les irruptions de mon petit frère. Consciente de l’enjeu, elle m’a autorisée à tirer le verrou de ma porte.

Sophie découvre mon univers, ça me fait tout drôle de la voir assise sur mon lit, de lui expliquer que cette lampe… là, au-dessus de mon bureau, servait à me prévenir que je devais sortir de ma chambre, pour passer à table, par exemple.

– Pourquoi tu faisais ça, toute la journée ?

– Je faisais quoi ?

– Ça !

Elle fait n’importe quoi avec ses doigts ! Je les prends dans ma main et lui montre S… O… F… I…

– C’est mon prénom en langue des signes ?

– On n’épelle pas les prénoms, on se sert d’un signe qui te définit. Par exemple, pour moi, c’est…

Je lui montre comment je m’appelle pour les sourds.

– Et moi ? Ce serait quoi ?

Je mime ses cheveux frisés. Elle me demande de lui apprendre quelques mots…

– Déshabille-toi d’abord !

Son regard, son sourire n’ont pas de prix… Quand elle est nue, je tourne autour d’elle, caresse, soupèse ses jolis petits seins, écarte un peu ses cuisses, mes doigts retrouvent la douceur de son sexe…

– Embrasse-moi !

Elle m’obéit… sa langue dans ma bouche cherche la mienne… je la fais languir parce que j’aime sentir son désir… Je signe un nouveau mot entre ses cuisses et elle aime ça !

– Montre-moi… apprends-moi… montre-moi…

– Tu dois le mériter ! Déshabille-moi… montre-moi que tu en as envie !

Une chose est sûre, elle sait s’y prendre ! Comment réussit-elle à ne pas arracher mes vêtements ? Ses yeux brillent de désir, pourtant ses gestes, comme hier, sont lents et gracieux… délicats… J’aime ses baisers dans mon cou… sur mes épaules… sur mes seins… sur mon ventre…

J’aime quand elle se met à genoux devant moi, désormais nue, qu’elle sort sa langue, la tire et que je bouge sur elle… d’avant en arrière… et qu’elle me regarde docile et complice… Alors, je commence à épeler, à signer le mot du jour, sans lui en révéler la signification. Elle se redresse, essaie de reproduire mes gestes.

– NON ! Tu fais n’importe quoi ! Regarde ! C’est comme ça !

Elle essaie encore. Je glisse ma main entre ses cuisses. Elle en fait autant. Sa main entre les miennes, je vais défaillir…

– Comme ça… !

Sophie est appliquée… et sensible… elle parvient rapidement à signer comme il faut, mais je lui fais croire le contraire, parce que j’aime la toucher ainsi et qu’elle me touche comme elle le fait…

– Applique-toi ! Dis-moi que tu aimes ça ! Que tu aimes être mon élève…

– Oui… oooh… oui… j’aime ça… j’aime ça… !

– Montre-le moi ! Allume-moi ! Excite-moi !

Assise sur ma chaise de bureau, comme au spectacle, je regarde Sophie faire de son mieux pour que je la rejoigne, la touche, l’embrasse encore… Je ne m’en lasse pas… plus le plaisir que je ressens prend de l’ampleur, plus je deviens exigeante…

– Mieux que ça !

– Comme ça ?

Sophie se prend au jeu, comme si la situation lui permettait d’assouvir ses fantasmes de jeune fille rangée. Elle se caresse, lascive, offre son corps à ma vue, lèche ses lèvres en me regardant… vicieuse…

– Sois plus salope ! Fais ta salope !

Elle rougit un peu, mais ses yeux me sourient. Elle s’assied sur mon lit, les jambes écartées, se caresse devant moi… Je regarde ses mains aller de ses seins à son sexe et je voudrais qu’elles soient sur mon corps…

– Mieux que ça ! Sois cochonne ! Montre-moi tout !

Sophie écarte les lèvres de son sexe, l’offre à ma vue…

– Comme ça ?

– C’est mieux… montre-moi ton cul… ton joli petit cul… !

Elle se met à quatre pattes sur mon lit, je la regarde se caresser, folle de désir pour elle… je ne vais pas tenir très longtemps…

– Tu trouves que j’ai un joli petit cul ?

Dieu merci, elle m’offre cette occasion ! Je me lève, attrape mon écharpe qui traînait là, bâillonne sa jolie bouche…

– Tais-toi !

Et je signe, lettre après lettre, le mot entre ses cuisses. Que son corps est chaud ! Que sa peau est douce ! Que son sexe est gonflé et humide ! Je chuchote à son oreille…

– Tu aimes ça, hein ? ! Montre-moi que tu aimes ça ! Frotte-toi contre ma main… comme la jolie petite chienne en chaleur que tu es… oui… comme ça !

Je l’entends gémir dans mon foulard… Je la sens jouir sous mes doigts… Elle tombe sur le flanc… vaincue… comblée… et me caresse… avec fougue… avec tendresse… Ses yeux me supplient de lui ôter le bâillon… Ce que je fais.

Elle plonge dans ma bouche… m’inondant de ses « merci… merci… c’est si bon… merci… ! » elle couvre mon ventre de baisers… j’écarte mes cuisses… je les sens humides et je sais bien que la sueur n’y est pour rien… Son regard implorant « je peux ? »… que sa langue est agréable… comme elle me suce bien… ! À nouveau ces mots sales m’excitent… oh oui, j’aime ça… oui, j’aime quand tu me suces comme ça, mais je ne te le dirai pas… pas aujourd’hui, pas encore… Sans arrêter de me lécher, elle glisse sa main entre mes cuisses et s’applique… je reconnais les premières lettres, mais l’orgasme que Sophie m’offre m’empêche de « lire » les autres… Je me demande si on peut mourir de plaisir…

Allongées dans mon lit, nous nous embrassons, nous caressons, repues de plaisir, nous devenons tendres, nous nous disons des mots d’amour, nous nous promettons de profiter de la moindre occasion pour recommencer et jouir l’une de l’autre, de jouir l’une avec l’autre…

Alors que nous nous rhabillons, que nous guettons sur nos visages, dans nos regards, un signe qui pourrait trahir ce que nous avons fait au lieu de réviser, constatant, rassurées, qu’il n’en est rien, Sophie semble hésiter à me poser une question.

À l’arrêt du bus, juste avant qu’il n’arrive, elle se décide enfin.

– Quel est ce mot que tu m’as appris ?

Elle le signe avec moi et j’énonce les lettres S… O… U… M… I… S… S… I… O… N…

Fin de la deuxième leçon

Les leçons de Sophie – Arts plastiques

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