Pour fixer le lichen au granit

Avec la même contrainte de mots et d’illustration que celle du texte « Danse avec les moules« , P_apanoel a écrit cet haïku, mais môssieur n’ayant pas de blog, je le publie ici

Marée - brelan - bibi

Brelan de captives au crochet 

La marée en flaques

Qui lave ? Bibi.

Instantané – Danse avec les moules

– Quelle marrade !

Je n’aurais jamais trouvé de mots plus justes que ceux de Sylvie. « Les quat’zamis » voici comment nous nous surnommions depuis l’enfance, Sylvie, Martine, Fabienne et moi, Chantal.

Fabienne allait se marier dans quelques jours et nous avions fêté son enterrement de vie de jeune fille à la campagne. Le thème de la fête avait été le poker, puisque le futur de Fabienne en était très amateur. Nous nous étions déguisées en carré d’as, hélas, un effeuilleur avait levé l’as de carreau, Martine, et de carré d’as, nous étions devenues brelan.

Un brelan bien éméché, dont le maquillage coulait depuis assez longtemps pour le rendre méconnaissable. Notre anonymat garanti, nous chantions à tue-tête dans l’unique rue du village, en gesticulant plus que dansant.

Nous étions sorties du village depuis quelques kilomètres quand nous arrivâmes sur ce qui fut un quai fluvial avant que le cours d’eau ne soit détourné pour permettre la navigation de plus gros bateaux sur le confluent.

Nous avions dévalé une petite butte en hurlant le générique de « La petite maison dans la prairie », nous étions tombées une après l’autre en riant. Nous avions huit ans et aucun adulte alentour pour nous interdire de nous amuser !

– Quelle marrade !

Marée - brelan - bibiÀ cet instant, Fabienne nous appela, nous désigna un bloc de pierre isolé, comme perdu, qui lui faisait penser à une divinité païenne. De nous trois, elle était manifestement la plus ivre ! Sylvie lui demanda pourquoi.

– Regarde, cet anneau… c’est la créole qu’elle porte à l’oreille… c’est ici qu’on initiait les vierges aux choses du sexe…

– Qu’est-ce que tu racontes ? T’es bourrée, Fabienne !

Alors qu’en toute logique, Sylvie aurait dû me soutenir, elle se joignit à Fabienne et me jeta un regard en biais, désapprobateur, suspicieux.

– Non ! Je ne dis pas ça… parce que je suis…

– Parce que tu es ?

– Vous savez bien, quoi !

Elles voulaient me l’entendre dire et je prenais un immense plaisir à l’idée de ce qui allait suivre. Comme si je confessais le plus terrible des péchés, je baissai la tête et marmonnai

– Je suis encore vierge…

Les bras croisés devant elles, enfin satisfaites, elle lâchèrent un « Voilà… c’est dit ! » Nous nous regardâmes, cette idée saugrenue de rituel s’était muée en une perspective sensuelle, inattendue et nous jaugions dans le regards des autres à quel point l’envie d’y succomber nous tentait.

Quelques minutes plus tard, je me retrouvai à demi nue, le poignet droit attaché à la « créole » avec le ruban qui avait jusque là retenu mon bibi noir. Ce bibi qui devait donner à mon crâne la forme arrondie de la feuille centrale d’un trèfle. La pierre était fraîche, encore humide de la pluie qui était tombée durant la nuit, il me semblait qu’elle sentait la marée.

Sylvie m’embrassa pendant que Fabienne me caressait, puis Sylvie me caressa pendant que Fabienne m’embrassait. C’est ainsi que débuta mon « initiation aux choses du sexe » par mes deux amies, en un rituel païen.

Trente ans après cette première cérémonie, nous nous retrouvons trois fois par an près de la « Statue à la créole » pour parfaire mon initiation. Malgré mes trois mariages et mes quatre enfants, il nous paraît évident qu’il me reste beaucoup à apprendre… 😉

Une dernière étape dans cette promenade

Instantané – Les mésaventures de F&C

Deux garçonnets, appelons-les F&C, F comme Filou, car celui-ci l’était, C comme… Comme parce que ça m’amuse de le nommer ainsi, passaient tout leur temps libre à enchaîner les bêtises, comme d’autres enfilent les perles.

Ils n’étaient pas bien âgés, F&C, mais déjà très intéressés par tout ce qui évoquait l’ivresse des sens. Ils avaient expérimenté les orgies de sucreries, de chips, de charcuteries diverses et variées, en y repensant, leurs tripes se tordaient de douleur. Quelles indigestions ! Parce qu’ils n’avaient pas tiré les leçons de leur première soirée « vomi et mal au bide ».

Ils avaient expérimenté l’ivresse, avec le même résultat auquel s’était ajouté une gueule de bois mémorable. Le tabac leur avait également donné mal au crâne et rendu leur bouche pâteuse, sans compter ces quintes de toux, la crainte que leurs parents repèrent l’odeur de tabac froid qui leur collait aux cheveux, aux vêtements… ! S’ils avaient su où s’en procurer, F&C auraient à coup sûr, cherché l’ivresse dans d’autres substances prohibées, encore heureux qu’ils étaient moins futés qu’ils ne le pensaient !

Mais l’ivresse qui les attirait plus que toutes les autres, était l’ivresse sensuelle. Leur corps se transformait, ils ne se sentaient plus garçonnets bien qu’ayant conscience qu’ils n’étaient pas encore des adolescents et encore moins des hommes. Ils avaient voulu se connecter sur un site réservé aux adultes, mais n’avaient pas osé cliquer sur « ENTRER » parce qu’ils n’étaient pas majeurs. Une autre fois, ils avaient menti, mais leur ordinateur avait émis un « Hum hum ! » avec la voix sévère de la maman de C. quand elle remarquait une bêtise en cours de réalisation. Ne sachant pas trop comment l’ordinateur avait pu savoir, ils décidèrent de ne pas tenter le diable et de s’en tenir là.

F. arriva un jour avec une idée et tout un bric-à-brac. Il avait fait un rêve prémonitoire où la solution lui était apparue. Il avait tout bien noté la procédure et réussit à convaincre C. de sauter le pas, d’agir pendant tout ce mercredi comme deux adultes. Ils pourraient boire et fumer sans être ni malades, ni incommodés, mais surtout, l’énorme avantage était de pouvoir enfin naviguer sur ces sites réservés aux adultes, de voir des femmes à poil, enfin… sans poil, mais toutes nues, de voir des couples « faire des trucs cochons ». Bref ce mercredi s’annonçait sous les meilleurs auspices… Comme râla quand Filou lui expliqua qu’ils devaient porter des lunettes de glacier, un nœud papillon, une chemise. Il détesta immédiatement ce pull à losanges que son ami avait apporté pour lui.

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Voici à quoi ils ressemblaient

– Il ne faut pas sourire, parce que les grands ne savent plus sourire. C’est ça que l’ordinateur repère quand il demande ton âge.

– Mais pourquoi les lunettes noires ?

– Pour qu’on ne puisse pas voir nos yeux, ainsi l’ordinateur ne nous reconnaîtra pas ! Et puis… il y aura peut-être des éclairs, des flashs de lumière quand j’actionnerai la machine à devenir grand…

deux tits garçons déguisés étape 1Le premier essai ne fut pas concluant. Pas concluant du tout !

– T’as juste réussi à colorer en rose le mur derrière nous ! Mes parents vont me tuer…

– Mais fais-moi confiance ! Je te dis que j’ai rêvé et que je SAIS comment faire ! Continue à ne pas sourire, je passe à l’étape suivante…

– T’es sûr de toi ? De ce que tu fais ? T’es sûr, hein ?

– Euh… arrête de m’embrouiller ! Je sais qu’il y a une formule à dire en tournant le bitoniau, mais… oh ! Tu m’as embrouillé ! Je ne sais plus si c’est l’alphabet à l’envers ou compter de 12 à 63 en rotant !

– QUOI ?! Tu veux dire que je vais avoir une chambre toute rose tout le temps? Une chambre de FILLE?! Je préfère encore que mes parents me tuent direct !

F. actionna le potentiomètre, le boîtier émit d’étranges onomatopées de robots… un éclair… F&C demeurèrent impassibles. Tendus vers ce rêve qui leur tendait les bras. Pouvoir être grands pendant une après-midi, faire tout ce qu’être adulte permet, mais sans les problèmes afférents.deux tits garçons déguisés essai transparence

– Regarde ! Tu vois, ça marche !

– Quoi « ça marche » ? 

– Le mur n’est plus rose et… dans mon rêve il y avait aussi ce truc vert autour de nous…

En effet, un halo vert phosphorescent les entourait et ils se sentaient… Ils étaient incapables de trouver les mots pour décrire ce qu’ils ressentaient… comme si les cellules de leur corps se séparaient, s’éloignaient les unes des autres, comme s’ils devenaient transparents et que personne ne le remarquait.

Numérisation_20180225F. sortit une petite carte de sa poche. Elle y était depuis presque une semaine. L’instituteur du CM2 était en retard, il courait dans les escaliers quand son cartable s’était ouvert, déversant son contenu sur les marches, il avait ramassé ses affaires à la hâte, mais Filou avait « malencontreusement » dissimulé la carte de visite en posant le pied dessus. Il s’était ensuite enfermé dans les toilettes pour la regarder et y avait vu un signe. La nuit suivante, il l’avait déposée sous son oreiller et c’est précisément cette nuit-là qu’il avait fait son rêve prémonitoire. Si ça c’était pas une preuve… !

Il demanda à C. d’allumer son ordinateur, de se connecter sur internet et le cœur battant tapa d’un index fébrile le nom du site tout en récitant l’alphabet à l’envers. Par précaution, il avait réussi à convaincre C. de compter de 12 à 63 en rotant « à voix haute ».

deux tits garçons déguisés étape 2

– Regarde… ! Tu vois ? Ça marche !

– Je vois juste que t’as transformé les murs de ma chambre en écrans, c’est cool, mais… c’est tout ! Il y a toujours le truc… 

– Fais-moi confiance ! Parle avec une grosse voix, qu’on ne se fasse pas prendre bêtement ! Et on clique… en tournant le bitoniau… t’es prêt ?

– Oui !

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Leurs cellules se séparèrent davantage, s’éloignant tant les unes des autres qu’un retour à l’état antérieur devenait impossible. Une image d’abord floue, comme un mirage. Ils l’avaient atteint leur putain de Graal ! Quelle victoire sur les grands et les scientifiques, ils y étaient parvenus !

ève tourbillon

L’image tourbillonna à toute vitesse, il leur semblait même qu’elle émettait un long sifflement tellement aigu que seules leurs oreilles pouvaient le percevoir. Leur coeur battait de plus en plus fort, ils allaient enfin réussir, c’était sûr et certain désormais !

 

 

Mais il ne faut jamais mentir à un écran d’ordinateur, si on est mineur, on n’entre pas ! Exception faite des hommes qui travaillent dans les mines, qu’elles soient de charbon, d’or, de sel ou de diamants ! Voici comment s’est achevée cette mésaventure arrivée à F&C.

deux tits garçons déguisés bien punis

Si vous ressentez l’envie de plonger dans le merveilleux, je vous propose le souvenir de cette sieste.