À la Saint-Valentin, faisons-nous du bien ! En guise de conclusion

Je me réveille comme monte la marée, j’émerge un peu, puis je replonge dans un demi-sommeil avant d’émerger un peu plus et de replonger un peu moins. Je suis dans les bras de notre voisin. Les aléas du sommeil ont eu pour conséquence de nous voir tous trois allongés sur le même flanc.

Entre deux plongées dans le sommeil, ma main caresse paresseusement le corps de mon époux. Je ne saurais dire combien de fois j’ai émergé avant de réaliser que je le caresse comme me caresse notre voisin. Quand il émerge ou quand il plonge, son visage bouge un peu et sa barbe naissante irrite la peau de mon épaule. Seules nos respirations apaisées se font entendre.

Bandes-tu, fringant voisin ? Pour connaître la réponse à cette interrogation muette, j’ondule jusqu’à plaquer mes fesses, mes reins contre son corps. Sa main se fait plus ferme et me maintient dans cette position, ainsi nous ondulons de concert. J’ai le temps de sentir son sexe se muer en « grosse pine bien dure » avant de plonger dans un sommeil si léger que je parviens à diriger mes rêves.

Notre voisin devient multiple. Il est centaure à la bite gigantesque faisant passer celle de Priape pour le zizi d’un nouveau-né. Je suis bergère dangereusement penchée au-dessus du vide. Le centaure arrive au triple galop et m’embroche juste à temps pour m’éviter une chute fatale.

Je suis lavandière au lavoir, les autres femmes se sont dispersées en poussant des cris d’effroi à l’arrivée du centaure. Il me prend d’un seul coup. Nos regards se croisent dans les reflets de l’eau. Il y lit ma supplique « Plus fort ! Plus fort ! » ses énormes couilles rebondissent de mes fesses à la plante de mes pieds. Soudain, l’homme se sépare du taureau et tandis que celui-ci va et vient dans mon vagin, l’homme aussi petit que le taureau est grand, se glisse entre mes cuisses pour sucer, lécher, téter mon clitoris.

J’émerge de ce rêve en regrettant que c’en soit un. Mon époux se tourne vers moi, sans doute réveillé par mes ondulations, il regarde la main de notre voisin caresser mes seins et l’autre se perdre entre mon ventre et mon entrecuisse. À sa demande, je me retourne vers celui qui n’a pas encore émergé de sa dernière plongée dans le sommeil. Sa bouche est si tentante… je la caresse du bout de mon index. Je me redresse un peu pour frotter ma joue contre la sienne rugueuse. Je ferme les yeux pour me délecter de ce plaisir. Quand je les rouvre, c’est pour les faire glisser le long de son corps. Hélas, l’objet de ma curiosité est recouvert par le drap.

Notre voisin émerge enfin. Il me regarde, puis regarde mon mari, qui répond à son interrogation muette en désignant le drap. Dans un geste théâtral, et avec un joli sourire, notre voisin se dévoile tout à fait. Je sens chaque cellule de mon corps se gonfler de désir. Que le corps de cet homme m’excite !

– Bien dormi ?

– Oui, mais le réveil est un peu moins… Non ! Ne te méprends pas ! On peut parler sérieusement dans le lit ou préférez-vous qu’on aille dans le salon ?

Je redoute ce qu’il va nous dire, même sa caresse sur ma joue peine à me rassurer.

– On s’était mis d’accord sur un plan à trois. Du sexe décomplexé, autant que faire se peut, du rire et encore un peu de sexe dans le cadre d’une relation amicale de bon voisinage. Nous étions bien d’accord sur les termes de ce contrat, mais…

Il regarde sa main glisser le long de ma hanche.

– Mais… comment dire ? Depuis cette nuit, je ne peux plus me voiler la face. Je suis tombé amoureux de vous, de nous. Je ne te désire pas, mais je ne suis jamais plus heureux que lorsque je te regarde baiser ta femme et quand tu me regardes la baiser. Pardon… je mens encore… ça fait déjà bien longtemps que je ne la baise plus, mais que je lui fais l’amour, que nous faisons l’amour. Par ricochet, quand vous faites l’amour devant moi, nous faisons l’amour ensemble… Vous comprenez ce que je veux dire ? Je ne veux pas vous obliger à modifier les termes de notre accord, mais je ne veux pas faire semblant de ne pas être amoureux.

– Je comprends, mais avant de prendre la moindre décision, si nous mangions un peu ? Je réfléchis moins bien le ventre vide. Et toi, ma chérie, qu’en penses-tu ?

– Je réfléchirai mieux après un baiser… je voudrais me blottir encore une fois entre vos bras…

Après un long câlin, nous voici dans le salon. Le café a refroidi dans nos bols. Notre voisin nous raconte combien ses nuits passées dans son appartement lui sont devenues pénibles, combien il attend le matin et le prétexte des parties d’échecs, pour passer du temps avec nous. Même quand nous ne baisons pas. Il nous dit tout cela du bout des lèvres, parce que cette confession lui est pénible, parce qu’il n’a pas l’habitude de montrer ses failles, ses faiblesses.

Il arrive que des évidences aient besoin qu’on les pointe du doigt pour éclater au grand jour. Le fameux « bon sang, mais c’est bien sûr ! ». Nous réalisons que nous sommes un peu plus heureux quand notre voisin est avec nous, que nous respirons mieux. Soulagés, nous décidons de voir où cette nouvelle direction nous mènera et nous reprenons la conversation là où nous l’avions laissée hier.

– Et alors, finalement, ce dessin ça donne quoi ?

Mon mari le tend à notre voisin, qui siffle d’admiration. Je les fais rire en leur expliquant que je nous vois nous trois dans le froissement du drap comme trois petites barques se dirigeant vers l’énorme vague du plaisir qui nous submergera. Ils peuvent bien ricaner, je les vois nettement. Je m’entête.

– Mais si ! Regardez… là… là… et là !

– Et ici, ce serait donc la vague de plaisir ?

– Oui !

– Mais c’est qu’elle a raison, ta petite femme !

– Quand tu auras compris que j’ai toujours raison, on perdra moins de temps dans de vaines discussions, mais bon… rassure-toi, mon mari ne l’admet toujours pas !

Mon époux sourd à ma remarque désobligeante, sourit. Il est heureux, le reste ne lui importe pas. Notre voisin se demande s’il doit passer par chez lui ce matin ou si ce ne sera pas nécessaire. Tout dépendra de ce que nous avons prévu au programme du jour.

Je marmonne un truc du genre « Pff… pour le savoir il me faut consulter mon agenda qui est très rempli ». Je les quitte le temps d’aller vérifier mon emploi du temps, je tourne les pages du vieil éphéméride posé sur le buffet, à côté du téléphone fixe. Je ne peux retenir une exclamation joyeuse et surprise, entre juron et éclat de rire. J’arrache le feuillet et le leur tends.

– Personnellement, j’aurais bien ma petite idée…!

– Cher ami, il est des signes adressés par les dieux qu’il ne faut jamais ignorer !

– Approchez, charmante hôtesse et reprenons le vouvoiement sur le champ !