La nouvelle vie d’Odette – Si t’es fière d’être Blanche-Neige, tape-toi sept nains !

Après une discussion entre consœurs, Sylvie et Cathy m’ont fait un cadeau dont je n’aurais jamais osé rêver. Nous avions longuement parlé de cette sensation ambiguë de nous sentir salopes et d’aimer ça. J’écoutais Sylvie me raconter le plaisir qu’elle avait pris à chaque fois où, les yeux bandés, elle s’était faite tripoter, baiser par des inconnus qui pour la plupart le lui sont restés. De fil en aiguille, l’idée de me faire ce cadeau a pris forme. C’est ainsi qu’au tout début de février, les yeux bandés, je montai dans la voiture de Monique qui me conduisit dans un lieu inconnu.

J’entrai dans une pièce, puis dans une autre. Monique me déshabilla, me fit m’allonger sur le dos. Elle menotta mes mains à une barre au-dessus de ma tête. Je sentis des mains inconnues attraper mes chevilles et les attacher à des étriers. Quand ce fut fait, Monique ôta le bandeau de mes yeux. Je constatai qu’une partie de mon corps se trouvait dans une pièce et que l’autre était dans une seconde, la frontière entre les deux se situait au niveau de mon nombril. Je ne pourrai donc par voir qui me baiserait et comme le dit Cathy,

– Pour ajouter du piment à l’affaire, tous les hommes qui te baiseront mettront une capote, que ce soient des confrères ou de parfaits inconnus ! Qu’est-ce qu’on dit à ses consœurs, Blanche-Minette ?

– Pomponnettes Power !

Cathy s’attendait à un simple « merci », mais elle, Sylvie et Monique répétèrent, enthousiastes, ce qui est devenu notre cri de ralliement. Mireille ne pouvait pas être présente, mais elle s’était consolée en se disant que la prochaine fois, elle serait là.

– Et pour que tu ne meures pas idiote, je t’ai préparé un documentaire pédagogique.

Un casque sur mes oreilles diffusait mes chansons préférées, le documentaire projeté au plafond était une compilation de vidéos de glory holes, les passages que Sylvie trouvait les plus excitants. La diffusion de ces images me donnait une idée de ce qui m’attendait et de ce qui se passerait de l’autre côté de la paroi. Je me sentais couler d’excitation bien avant l’arrivée du premier homme qui me toucha, me doigta comme s’il cherchait à deviner comment il serait dans ma chatte. Je faillis en jouir parce que je savais qu’il ne m’avait jamais baisée avant. Cet homme me baisait sans me connaître, presque sans respect. En tout cas, sans y mettre le moindre sentiment. Il prenait son plaisir en ne pensant qu’à lui et j’aimais ça.

Il se retira et un autre inconnu prit sa place. Mieux membré, à moins que sa façon de triturer l’intérieur de mes cuisses, de les pincer n’ait contracté mon vagin. Pendant qu’il me baisait, d’autres mains écartaient mes fesses et je sentais un doigt aller et venir le long de ma raie. Ça y est, tu y es, tu jouis comme une chienne, salope ! Cette pensée me comblait de bonheur. Une autre main écartait davantage mes lèvres et caressait mon clitoris d’une façon rugueuse. Ils étaient donc trois autour de moi.

Je ne parvenais pas à détourner mon regard du plafond, je voyais ces hommes passer d’une femme à l’autre, le plaisir qu’elles prenaient semblait faire écho au mien. Non ! Quatre, ils sont au moins quatre ! Pendant que les trois premiers continuaient leurs attouchements, un quatrième me suçait les orteils.

Celui qui me baisait se retira. Celui qui avait astiqué mon clito me prit très vite, très fort. Il sortait de ma chatte et me doigtait pour tenter de me faire squirter, mais il s’y prenait si mal qu’il n’avait aucune chance d’y parvenir. Il me reprit, tout aussi délicieusement rugueux. Il me semble l’avoir entendu grogner avant de se retirer, mais je pense avoir imaginé ce grognement.

Je souris en reconnaissant la queue d’Alain me pénétrer. Je me fis la promesse de partager avec mes consœurs la pensée qui me traversa l’esprit. Alain est le seul homme qui ne pourra jamais baiser incognito. Il est non seulement monté comme un taureau, mais bon sang, qu’il baise bien ! Aussi bien que Jean-Luc, ou alors pas loin. Les attouchements de mains inconnues avaient repris.

Je suivais les conseils avisés de Sylvie et de Cathy et ne cherchais pas à deviner qui me baisait, ni quand il cesserait pour laisser la place à un autre. Je ne cherchais pas plus à anticiper de quelle façon s’y prendrait le suivant. Je gardais les yeux rivés au plafond et ne les fermais que lorsque la musique éveillait en moi une source supplémentaire d’excitation. Je ne sais pas qui avait concocté cette playlist, dont certains morceaux eux aussi inconnus me donnaient la chair de poule.

Les hommes se succédaient, je reconnaissais parfois certaines caresses, certains membres. Leurs propriétaires me demeuraient inconnus, mais à leur façon de s’y prendre, je savais qu’ils m’avaient déjà baisée quelques minutes auparavant. Que j’aimais ce luxe de pouvoir jouir sans retenue, sans pudeur de ces hommes qui ne connaîtraient rien d’autre de moi que la blancheur de mon pubis et la moiteur torride de mon vagin !

Les orgasmes se succédaient avec une rapidité déconcertante. J’ai aimé quand un homme m’a prise et que des doigts (les siens ?) ont rejoint sa queue dans mon vagin.

Je fixais le plafond, mais le plaisir recouvrait ma vue d’un voile sensuel qui me rendait presque aveugle. Mon ventre vibrait comme un volcan au bord de l’éruption. Tous mes sens s’entrechoquaient, je ne distinguais plus les notes de musique de mes propres gémissements. Et mon ventre vibrait davantage. Je me laissais emporter dans ce tourbillon avec un plaisir sans nom.

Un homme me pénétra, s’agrippant à mes hanches tandis que d’autres doigts écartaient mes lèvres, effleuraient savamment mon clitoris ne se contentant pas de s’arrêter au gland. La musique semblait venir d’ailleurs. Je me revis à Londres quand avec Jimmy nous avions goûté au plaisir subtil d’une étreinte dans les toilettes d’un pub entre deux sets d’un groupe de rock. La musique présente mais indistincte qui se mélange au brouhaha des conversations anonymes et par conséquent incompréhensibles, des souffles, des respirations.

La main qui se détache de ma hanche. Le son de ce doigt qui se dresse vers moi. Celui d’un visage qui se tourne. She’s cheating ! She’s cheating ! La mélodie du sourire de Jimmy qui fait signe à son ami de se taire. Chut ! La voix du Bavard. Tu triches, capoune ! Le son de sa gifle qui renvoie mon ectoplasme de l’autre côté de la paroi. J’ai eu le temps d’entendre les battements du cœur de Jimmy et son amour pour moi, l’excitation de Christian attendant son tour en respirant comme on siffle, les ailes de son nez vibrantes de désir.

Ai-je eu le temps de leur crier « Encore ! Encore ! » avant de décoller pour mieux plonger dans l’océan infini du plaisir ? Quand je remonte à la surface, à l’exacte frontière de la conscience, quand j’aspire une grande bouffée de réalité, j’ai une pensée pour mes consœurs dont la présence à mes côtés me semble palpable ainsi que leur soutien et je me sens envahie d’une reconnaissance infinie envers Jimmy et son amour qui me permettent de vivre enfin la vie qui est la mienne et dont j’ai failli ignorer l’existence. Plus que jamais l’idée d’unir mon nom au sien dans les registres officiels me semble essentielle pour laisser une trace à tout jamais.

Je me sens décoller une seconde fois et plonger à nouveau dans l’océan infini du plaisir. J’y plonge plus profondément et quand je remonte à la surface, toutes mes pensées se concentrent sur mon plaisir, sur celui que prend cet homme dans mon vagin et de cet autre forcément à genoux dont la langue court le long de la raie de mes fesses vers mon anus. Trop entravée pour réussir à me cambrer, je me délecte de cette frustration. L’homme qui me baise, accélère soudain. Se retire et d’un seul mouvement, m’encule jusqu’à la garde.

Je décolle aussitôt accompagnée d’un bruissement d’ailes, mais avant d’entendre le souffle, le sang de cet homme et de pouvoir le reconnaître, je plonge tout au fond de cet océan de jouissance. J’ai l’impression d’éclabousser mon partenaire comme si nous étions tous les deux au milieu des flots. Il se fige quelques instants, se retire pour laisser la place à un autre au moment précis où je refais surface. La pression de sa main sur ma cuisse lève son anonymat. Je suis stupéfaite et incrédule. Mes sens ne peuvent que me tromper. Il est impossible qu’il soit là. Pourtant ses mains, puissantes, caleuses… Mon ectoplasme ne m’est d’aucune utilité, suspendu au-dessus de moi, il ne me fait entendre que la rumeur, les bruissements de mon propre plaisir.

Un autre décollage, je sens les vibrations dans mon ventre et un courant allant de la plante de mes pieds jusqu’à mes mollets, comme un circuit parallèle. Des mains malaxent mes fesses. Un homme me prend. Je plonge. Des images stroboscopiques se superposent à celles projetées au plafond. Une clairière de forêt en plein été, des hommes qui se branlent pour moi. Des mains qui me touchent. Des mains qui remontent ma jupe. Ces queues inconnues sous mes yeux, rien que pour moi. Ma chatte offerte à la vue des hommes derrière ces queues. L’orgasme est violent. Je remonte à la surface. Des doigts ont pris la place du sexe précédent. Mon ventre ondule. Je m’accroche aux notes de musique, aux images projetées. Combien de fois ai-je vu ce passage ? Qu’il est doué cet homme dans sa façon de me baiser ! La mélodie de ses va-et-vient comme le contre-chant des slut !slut !que je crois lire sur les lèvres de ces hommes.

– Mais c’est ça que tu veux voir, capoune ? Vé coumpan, t’as vu comme elle me fait oui de la tête ? Vé, petite Blanche-Minette, t’as vu comme tu me fais bander quand tu me regardes avé la gourmandise ? Qué « chut ! » ? De toute façon, elle sait déjà qu’on est de la fête. Qu’est-ce t’as à rigoler, coumpan ? Qué wizard ? Tu trouves que ça pue ?!

L’éclat de rire de Jimmy et d’Alain.

– Il dit que t’es un sorcier, couillon !

– Vous me fézé débander avé vos conneries ! Té, qu’elle te réclame, Jimmy ! Je te laisse la place.

La curiosité de mon ectoplasme a ses limites, il réintègre mon corps dans ce bruissement d’ailes que j’ai appris à reconnaître. Jimmy oublie qu’il est là pour me baiser, au lieu de ça, il me fait l’amour. Je me concentre à nouveau sur les images projetées au plafond et sur la voix d’Irène Papas que j’ai reconnue à la première écoute. I was, I am, I am to come, I was*. Jimmy s’efface pour céder sa place à un inconnu. Au plafond, des voyeurs se branlent en attendant leur tour.

Le casque de mon walkman sur mes oreilles, assise sur un transat, j’écarte les cuisses et je me masturbe en regardant le ciel comme si mon image se reflétait dans les nuages. Mes mamelons pointent sous le chemisier que je me suis acheté la veille, la mousseline de soie ajoute à mon excitation. Je sais qu’il remarque tous ces détails et qu’il se branle dans son jardin, n’attendant que mon regard pour cesser de m’observer et faire semblant d’être excité par les photos du Penthouse d’août 1983. Je décolle une fois de plus m’arrachant à ce souvenir que je croyais oublié pour plonger dans la réalité du plaisir que je prends maintenant.

Mon cri me déchire les tympans autant que les cordes vocales. Je ne veux pas savoir pourquoi j’ai joui si fort, ni comment, ni par qui. Tout ce qui m’importe c’est la puissance du plaisir que je viens de prendre. Je me surprends à jouir en égoïste et à me contrefoutre de savoir si le sien a été à la hauteur de mon orgasme.

Des mains libèrent mes chevilles de leurs entraves. Sylvie me rejoint, détache mes mains, me pose une question que je n’entends pas, me sourit, retire le casque de mes oreilles. Pas besoin de te demander si tu as apprécié ! Elle noue le bandeau sur mes yeux, me guide jusqu’à la voiture de Monique. Sylvie à ma gauche, Cathy à ma droite, je me sens comme une reine de beauté entourée de ses dauphines pendant les quelques mètres que nous parcourons.

La voiture démarre, je leur offre l’exclusivité du récit de cette journée. Ce n’est qu’à l’approche du mas que Sylvie dénoue le bandeau. Je les regarde et plus que jamais comprends ce que signifie faire partie de la Confrérie du Bouton d’Or et les en remercie.

Chevauchée fantastique

*∞ in 666, Aphrodite’s Child (1972)

La nouvelle vie d’Odette – Tout autour de toi, vite, vite il vient, s’en va, puis il revient *

Vaï, au lieu de nous retourner au village, ramène-nous à Aubagne…

Nous venions de nous installer à la terrasse d’un café quand nos téléphones sonnèrent. Je rassurai Sylvie et lui précisai dans un éclat de rire que les propos que tenaient Cathy ne reflétaient pas l’exacte vérité et lui fis promettre de la rétablir auprès de son époux.

– Qu’est-ce qui te fait dire que je parlais à Alain ?

Je pris un air « on ne me la fait pas ».

– « T’inquiète chéri, tout va bien, mais tu connais Odette et ses bavardages incessants. Je te rappelle quand on reprend la route »

Cathy éclata de rire.

– C’était Monique !

– « Chérie » pouvait prêter à confusion, je n’ai pas entendu le e muet…

Cathy sursauta, visiblement sidérée.

– Tu… tu es en train de me dire que Monique… que Monique serait… une fille ?!

– Au lieu de te moquer de moi, raconte-moi la suite, après la sonnerie du réveil !

– Quand Monique est venue me chercher, le soleil se couchait, la place était vide, il n’y avait personne dans les rues, mais au moment de rentrer… Même s’il n’était que six heures du matin, même si Alain me déposait en voiture, je ne voulais pas prendre le risque de croiser quelqu’un en nuisette et les fesses à l’air. Ni Monique, ni moi n’y avions songé dans l’excitation de la veille… Alain m’a prêté un short et une de ses chemises, je ne pouvais pas caser mes nichons dans ses tee-shirts. Il fallait que je parte très vite pour ne pas croiser quelqu’un là-bas, la sœur à Paulo ou un de ses enfants ou son mari… tu vois ? Pour ces mêmes raisons, je ne pouvais pas demander à Alain de monter jusque chez moi ou lui demander d’attendre en bas. Il a souri et il m’a dit « Dans ces conditions, je garde ta nuisette en otage, tu ne la récupéreras qu’en échange de mes vêtements ! »

Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas été aussi avenante avec les clients de la boulangerie que je le fus ce dimanche matin. Autant distraite aussi ! À peine je me suis dit que le temps s’écoulait trop lentement, qu’il était déjà l’heure de fermer la boulangerie. Je suis rentrée chez moi, j’ai préparé mon déjeuner en chantonnant alors que je n’avais même pas allumé le poste. Après manger, je me suis allongée pour me faire une bonne sieste. Alain m’avait donné rendez-vous sur le chemin qui mène au village et nous devions nous y retrouver en fin d’après-midi pour une nuit de plaisir « et plus si affinité ». Il avait ri en disant ces mots qu’on voyait fleurir sur les petites annonces. Je ne travaillais pas le lundi et ses congés avaient débuté le samedi.

Je devais être plus fatiguée que je le croyais parce que je dormais profondément quand la sonnette a retenti. Je me suis réveillée en sursaut, j’ai ouvert la porte. Monique était là, souriante. « Je ne te dérange pas ? » Elle est entrée, elle a eu un petit sourire gêné « Ah. Tu n’es pas seule… Je me disais bien… » Je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire. D’un coup de menton, elle me désigna le short et la chemise d’Alain sur le dossier de la chaise. Fan, j’aurais pu m’étouffer de rire ! Je lui ai expliqué pourquoi ils étaient là. « En plus, j’ai toqué plusieurs fois, comme tu ne répondais pas j’ai sonné, et comme tu as mis longtemps à ouvrir… Je me suis dit que tu n’étais pas seule et je préfère être seule pour… » Monique cherchait ses mots, on était plantées là, comme deux cruches. Elle s’est assise, je lui ai servi un café qu’elle touillait en fixant les tourbillons dans la tasse. Elle a levé les yeux vers moi, elle a souri. « Non, pas besoin de sucre, de toute façon, je n’aime pas le café ! » Elle a pris une grande inspiration. « À propos d’hier soir… je voulais te dire… j’étais un peu jalouse… » « De moi ?! » « Mais non ! D’Aloune et de Christian ! Quand je t’ai vue, maintenant que je te vois… j’ai la bouche sèche, le cœur qui s’emballe, la chatte humide… J’ai envie de toi, qu’on se caresse, qu’on s’embrasse, qu’on fasse l’amour, mais rien que toi et moi. Rien que pour nous deux. C’est la première fois que ça m’arrive de me caresser en pensant à une nana. Si tu ne veux pas, c’est pas grave, je n’insisterai pas, ça ne changera rien à l’amitié que je te porte, mais c’est justement au nom de notre amitié que j’ai voulu te dire toute la vérité. » Fatché ! En moins de vingt-quatre heures, je me prenais deux déclarations d’amour et de la part de deux personnes qui me plaisaient bien. « Finis ton café et rejoins-moi dans ma chambre ! » Pourquoi j’ai dit ça ? Je crois que je serai morte et enterrée avant de le savoir ! Monique s’est levée en même temps que moi, elle m’a fait un clin d’œil, elle a souri et elle a jeté le contenu de sa tasse dans l’évier. « Pas de temps à perdre avec ces conneries ! »

J’ai adoré la fougue de notre premier baiser, comme si nos bouches se connaissaient, comme si nos langues avaient toujours tournoyé ensemble. J’ai été surprise de l’impatience de Monique à retirer ma robe, sa maladresse et ses jurons quand il s’est agi de dégrafer mon soutien-gorge. C’était la première fois qu’une nana s’y essayait avec moi et je crois bien qu’aucun de mes amants ne s’y est aussi mal pris. Excitée, troublée, je ne pouvais contenir mon fou-rire. Hou fan ! Ça l’énervait encore plus ! Pour la faire enrager, j’avais refusé de l’aider « Si tu veux voir mes nichons, tu dois le mériter ». Fatché, on dit des miennes, mais les colères de Monique… c’est quelque chose ! Et ses menaces… hou ! D’ailleurs, c’est quand elle a parlé d’aller chercher une paire de ciseaux que j’ai cédé. Monique, tu sais à quel point je l’aime, mais elle change souvent la vérité historique pour raconter comme ça l’arrange. C’est pour ça qu’elle ne parle jamais de cet épisode… mais telle que je me la connais, elle serait capable de dire que c’est par pudeur !

Cathy riait, émue à ce souvenir. Soudain, sa voix prit les accents de la confidence.

– Je crois qu’elle est la seule femme de ma connaissance qui n’a jamais eu besoin de porter un soutien-gorge… C’est avec moi qu’elle s’est acheté son premier. Elle n’en porte que pour exciter le Balafré et le Bavard.

Sa voix baissa encore d’un ton.

– Tu sais comment elle les appelle ? Les pièges à couillons ! Mais le plus amusant c’est qu’elle adorait, qu’elle adore toujours me voir en porter et ceux qu’elle m’offre… hou ! Elle les choisit toujours plus beaux les uns que les autres…

Quand on a été complètement nues, on a réalisé que ce serait la première fois qu’on coucherait avec une nana pour notre propre plaisir. Ne crois pas que j’avais été forcée de le faire avant, non pas du tout ! Monique avait vaguement caressé une autre femme avant moi, mais que les nichons et moi quand je l’avais fait… Je pourrais presque te dire que je ne l’avais jamais fait, parce que ce qui me plaisait c’était d’exciter les hommes en mimant… tu vois ? Je n’y mettais pas de cœur, mes partenaires non plus… On savait ce qu’il fallait faire, ce que les hommes voulaient voir, s’attendaient à voir alors on faisait comme ils pensaient que deux femmes font ensemble. On assurait le spectacle parce qu’on aimait ce sentiment de puissance… faire semblant et être excitées par leur excitation. J’y avais pris du plaisir, mais c’était pas un plaisir né d’un désir profond, d’un désir réel pour une autre femme. Tu comprends ? Alors, avec Monique on se sentait comme deux pucelles, on a bien été obligées de faire confiance à nos corps, à notre instinct, à notre amour naissant. Nos mains tremblaient de désir, nos corps sursautaient de surprise sous nos premières caresses. Monique découvrait le plaisir que lui offraient mes seins et celui qu’elle pouvait leur offrir. Elle s’émerveillait à haute voix, fan ! Que ses mots, ses baisers, ses caresses me rendaient belle ! Et comme j’aimais ses deux petits œufs sur le plat, comme elle les appelait ! Quand nos mains ont glissé plus bas… Je n’avais jamais vu une vraie-vraie blonde, ni un bond aussi blond du bas. Elle m’a fait promettre de ne jamais la surnommer « Bouton d’or », mais sans m’en donner la raison… Bé, de toute façon, j’ai vite appris pourquoi… Arrête de m’interrompre, tu m’embrouilles dans mes souvenirs et je vais encore oublier le principal !

– Mais je n’ai rien dit !

– Ouais, ouais, il y a des silences qui sont plus pires que des questions et pis, je me comprends !

Cathy but son verre d’un trait, héla le serveur pour en commander un autre. Quand il l’eut apporté, elle reprit son récit.

– C’est fou comme un minou peut être délicieux quand on aime la femme à qui on…

– Le broute ?

Cathy me mit une tape sèche sur le dos de la main.

– L’honore ! T’es brave et tout, Blanche-Minette, mais question romantisme, t’as des progrès à faire ! Où que j’en étais ? Je ne me lassais pas de découvrir le sien avec la langue, avec les doigts, avec les yeux… Et j’étais tout autant surprise du plaisir que m’offraient ses doigts, sa bouche et ses yeux… Elle jouissait de moi et moi d’elle rien que pour nous deux. Nous nous sommes promis de nous garder des moments rien qu’à nous, rien qu’à elle et à moi, de nous faire l’amour sans homme pour nous espincha… rien que Monique et Cathy, Cathy et Monique. Même si quelques semaines plus tard on l’a fait devant ceux qui sont devenus nos confrères, on a toujours gardé nos moments rien qu’à nous. Et quand on fait l’amour devant eux, à chaque fois, c’est qu’on a vraiment envie l’une de l’autre. C’est beaucoup plus fort que ce que j’avais vécu avant, mais je crois que les hommes ne s’en sont jamais aperçu.

Monique était venue à vélo, elle ne savait pas que j’avais rendez-vous avec Alain. On a fait le chemin côte à côte, moi avec mon sac rempli de tout ce que j’aurais besoin pour ces deux jours, Monique avec son vélo à la main. Alain nous attendait à l’endroit convenu et Christian était avec lui. Ils s’étaient croisés au village et quand Alain lui avait dit « J’ai rendez-vous avec la belle Catherine ce soir, elle restera jusqu’à mardi matin », Christian lui avait répondu « Elles seront peut-être ensemble, Monique voulait passer du temps avec elle ». Comme la veille, on est montées à l’arrière, sauf que là, on a fait le trajet le coffre ouvert à cause du vélo. Alain me demandait toutes les trente secondes si ça ne m’ennuyait pas qu’on ne soit pas que tous les deux et toutes les trente secondes, je lui répondais que non.

Té, tu m’as encore fait oublier un détail avec tes questions dans tes yeux ! Sur le chemin avant qu’on voie l’auto, j’ai demandé à Monique si elle allait dire à Christian pour nous deux, que c’était pas que du sexe, qu’il y avait du véritable amour. Elle m’a répondu que oui, bien sûr qu’il comprendrait. Je n’en étais pas aussi sûre qu’elle, alors, elle m’a parlé du cahier qu’elle nous avait remis la veille, celui écrit par Rosalie. Elle ne m’a pas dit ce qu’il contenait, mais qu’en le lisant, je comprendrai pourquoi elle était aussi sûre de son fait.

Monique n’était jamais entrée dans l’appartement d’Alain. Elle était surprise qu’il en ait choisi un si petit. Alors, il lui a expliqué que le bail incluait la location d’un box pour y garer son auto et que ça n’avait pas de prix, surtout l’été avec celles des touristes qui encombraient les rues et surtout certains avaient du mal à manœuvrer avec leur caravane. Elle a fait le tour des lieux. On l’a entendue éclater de rire, elle est revenue vers nous en tendant ma nuisette avec ses deux mains, elle l’avait trouvée sur l’oreiller. Elle la faisait danser devant elle « Tu nous avais caché ça, Aloune ! Tu dois être super sexy avec ! » Au plus Alain essayait de lui expliquer, au plus elle se montrait de mauvaise foi, jurant que je ne portais pas de nuisette la veille que j’étais venue en robe. Elle tenait absolument qu’il nous montre comment il était sexy en nuisette…

Cathy s’essuya le coin des yeux humides d’avoir tant ri à l’évocation de ce souvenir qui l’amusait encore quarante-six ans plus tard.

– « Me dis pas que ça t’excite pas, Aloune ! Tu bandes tellement que ton pantalon va exploser ! » « Tu mériterais que je te chasse à coup de pieds au cul, Monique ! Tu as de la chance que je te sois aussi reconnaissant ! Me regarde pas comme ça ! Si tu n’avais pas décidé de rester, je ne sais pas quand j’aurai trouvé le courage de faire signe à la belle Catherine… Je ne sais même pas si je l’aurais trouvé un jour ! » Il l’a prise dans ses bras, lui a fait un gros bisou sur le crâne avant de lui faire les gros yeux « Mais que je ne t’y reprenne pas ! » Alain a mis de la musique, il nous servait à boire quand Monique lui a demandé où il cachait ses revues pornos, celles qu’il rapportait de ses voyages. Elle le soupçonnait d’aller en Hollande pour en trouver des plus salées. Alain m’a interrogée du regard. Je lui ai fait le signe de la bouche cousue. Christian a remarqué notre manège. « Et à moi, Cathy, tu me le dirais ? » Alain m’a regardée, il s’est levé et il est allé chercher son album à fantasmes. « Voilà ce qui m’a permis de tenir ».

J’ai été vachement surprise parce qu’ils m’ont reconnue dès le premier dessin. Quand ils sont arrivés à la première page des gros plans sur ma chatte pleine d’une queue énorme, Monique a fait la moue, elle a demandé à Christian « Tu trouves que c’est réaliste ? Moi, je demande à voir… » Alain souriait, mais il a joué l’artiste offensé. « Bien sûr que oui ! On leur montre ? » Je bouillais de désir, alors tu penses bien que j’ai sauté sur l’occasion ! En fait, on attendait tous un signal pour passer aux choses pas sérieuses. « Puisque Monique affirme que ce dessin n’est pas réaliste, il faut le soumettre à un regard d’expert, une chance que nous ayons le meilleur en la matière, je vais pouvoir te prouver que tu te trompes, Monique ! » Il y a certains moments dans la vie qui forgent une amitié, qui la rendent indestructible, eh bé, ce moment-là… Bien sûr, on en a connus bien d’autres, mais celui-ci…

Pour faire exactement comme sur le dessin, il aurait fallu qu’on s’installe sur un canapé, mais Alain n’en avait pas, alors on est allés dans la chambre. Monique et Christian ont pris une chaise et se sont installés face à nous. Alain était presque assis sur le lit, le dos calé par des oreillers. Fatché, de le voir ainsi… j’étais tellement trempée qu’il m’a pénétrée d’un coup ! Christian regardait le dessin, nous regardait à nous. « Écarte un peu plus les cuisses, Cathy… encore un peu… non ! Un peu moins… cambre-toi un peu plus… encore… tes cuisses, Cathy… » Monique commentait aussi. C’est la première fois que j’ai remarqué ce détail, quand ils sont très excités, Monique et Christian ont une voix un peu métallique. Tu vois ce que je veux dire ? Monique n’était pas convaincue, alors elle donnait ses indications. « Enfonce-toi un peu plus, Aloune… Non ! Pas autant ! Oui ! C’est mieux… » Elle regardait le dessin. « Ah, mais non ! Recommence, mais moins vite… non… plus vite… plus profond… non… moins… » Christian reprenait « Écarte tes cuisses, Cathy… Alain, va plus au fond… Non, moins… Non plus ! Cambre-toi, Cathy ! » Monique faisait sa critique d’art « Tu vois que ce dessin n’est absolument pas réaliste ! Regarde, le clito de Cathy est bien plus gonflé dans la réalité ! »

Alain riait, il la traitait de bougresse. Monique s’est levée, elle est allée à côté de nous, elle a pris la main d’Alain, elle l’a posée sur mon minou. « Tu me traites de menteuse, en plus ?! » J’étais en train de jouir, Monique s’est penchée sur mon entrejambe, elle a regardé Christian. « Tu vois bien que c’est pas du tout comme sur le dessin ! » J’ai retiré la main d’Alain et je lui ai demandé de me décrire ce qui se passait dans la culotte de Monique, qui n’en portait pas, mais on se comprenait. « Elle commence à être légèrement excitée » Monique a failli tomber dans le panneau, heureusement que Christian a dit « Hé bé, excite-la assez pour que tu puisses la prendre comme tu… Stop ! Ne bouge plus ! Ça y est, c’est exactement comme sur… oh ce… c’est parfait… tout est parfait…! » Je le regardais se branler en nous matant tous les trois, moi empalée sur Alain qui faisait aller et venir ses doigts dans la chatte de Monique.

J’ai fait l’innocente et j’ai demandé à Monique de prendre ma place pour être sûre que sur le dessin c’était bien moi et pas elle. Quand elle s’est installée, je me suis assise à côté de Christian. Au plus je lui disais que c’était pareil, elle ou moi, au plus il me montrait les différences. J’avais posé ma tête sur son épaule et je le branlais en donnant des indications à Alain comme Monique l’avait fait plus tôt. J’ai mis longtemps à reconnaître qu’ils avaient raison et pour me faire pardonner, j’ai sucé Christian qui me griffait le crâne tant ses doigts se crispaient sous mes cheveux. Il entendait sa Monique gémir de plaisir, il la regardait jouir de son ami, j’étais à ses côtés, je le suçais, ça le rendait tellement heureux…! Quand Alain a dit « Ô, pute vierge, je viens, je viens ! », j’ai arrêté de sucer Christian et je lui ai dit « Montre-moi comme tu vas bien la baiser ta petite femme maintenant que mon homme a joui dans sa chatte et qu’il l’a bien fait jouir ».

Des clients se sont installés à la table d’à côté, nous avons décidé qu’il était temps de rentrer au village. Dans la voiture, Cathy a achevé son récit.

– Après tous ces efforts, nous sommes passés à table. Monique et Christian feuilletaient l’album à fantasmes. Elle était vraiment très excitée par les dessins de sodomie. « Ça m’excite beaucoup parce que je ne le ferai jamais. J’ai tellement peur d’avoir mal… » Nous parlions sans tabou, elle écoutait mes arguments de femme et nos hommes comprenaient les craintes des femmes à propos de cette pratique. Christian tournait les pages de l’album quand Alain lui a presque arraché des mains et l’a refermé comme il l’avait fait la veille, sauf que là, il n’avait plus l’excuse « Il est temps de dormir ». Je lui ai demandé s’il avait honte ou quoi. Il ne nous regardait plus et il avait l’air un peu triste, comme quand la fête s’interrompt brusquement alors qu’on s’amusait si bien. J’ai posé ma main sur la sienne pour lui dire qu’il pouvait garder ça pour lui. Il a regardé Christian « Vous allez me trouver ridicule » et il a ouvert l’album à la bonne page. Le papier était plus luxueux, le dessin plus appliqué et… pas du tout érotique. Il me représente assise à sa table, un bol de café devant moi et lui en train de me tendre une tartine de pain. En dessous, il avait écrit « Rêver un impossible rêve – Janvier 1974 ». Monique lui a demandé « Pourquoi “impossible” ? » Christian lui a demandé en quoi c’était ridicule. Et moi, je lui ai demandé pourquoi il avait fallu que Monique m’invite pour qu’on se revoie. « Je ne savais pas comment faire sans trahir Paulo… et puis… tu es tellement parfaite, je me sens si minable à côté de lui, de toi… Je n’aurais jamais osé… »

Alors c’est vrai que je l’ai un peu crié… « Si tu dis que tu es minable, maintenant que j’ai compris que je suis amoureuse de toi, tu dis que je suis amoureuse d’un minable et ça, je ne veux plus jamais l’entendre, tu m’entends ?! Plus jamais ! Et je vous prends à témoin, vous autres ! » Je venais de lui crier que j’étais amoureuse de lui, Alain était tellement surpris qu’il a ouvert la bouche en grand et ne la refermait pas. Monique lui a lancé une olive. Tu sais à quel point je l’aime, ma Monique, mais la prends jamais dans ton équipe à la pétanque parce qu’au lieu d’atterrir dans la bouche d’Alain, l’olive a failli me crever un œil ! Mais bon, au moins elle aura réussi à détendre l’atmosphère !

Avant de rentrer chez eux, Monique nous a demandé de prendre le temps de lire le cahier de sa Bonne-Maman pour qu’on puisse en parler ensemble, tous les quatre. Voilà, de ce jour-là, j’ai commencé à vivre avec Alain, mais je prenais toujours garde à faire semblant de dormir chez moi. Ça ne faisait pas un mois que je jouais cette comédie que la sœur à Paulo m’a surprise en m’attendant devant la porte de mon appartement. J’étais un peu gênée et comme je ne voulais pas qu’elle fasse un esclandre dans la cage d’escalier, je l’ai fait entrer chez moi. « Tu as rencontré quelqu’un, c’est ça ? Pourquoi tu t’en caches ? Je suis bien contente que tu cesses enfin de porter le deuil de Paulo, mais je suis bien triste que tu ne me fasses pas assez confiance pour me donner la bonne nouvelle ». Elle m’a prise dans ses bras et m’a souhaité tout le bonheur possible. Nous sommes restées très proches jusqu’à la fin, trente ans plus tard, mais elle n’a jamais su pour Paulo, la camionnette, les partouzes.

Quand nous sommes entrées dans la maison du Toine, Monique, Sylvie, Alain, Christian, Jimmy et Martial étaient en grande discussion à propos de la pandémie qui ne portait pas encore son nom, des mensonges d’État et de la répression qui s’abat chaque jour un peu plus violente sur les opposants à notre Napoléon III 2.0, comme l’appelle Monique. Je ne pus m’empêcher de sourire en l’imaginant faire enrager Aloune, la nuisette de Cathy à la main.

7 février 2020, les Pomponnettes font un beau cadeau à Blanche-Minette

*Georges Bizet, Henri Meilhac, Ludovic Halévy, L’amour est un oiseau rebelle in Carmen (1875)

La version de Carmen qui m’a fait découvrir la sensualité de cette œuvre, bien loin de l’interprétation lugubre de Maria Callas. Cette dernière remarque n’engageant que son autrice, c’est-à-dire ma pomme !

La nouvelle vie d’Odette – L’oiseau que tu croyais surprendre battit de l’aile et s’envola. L’amour est loin, tu peux l’attendre, tu ne l’attends plus, il est là. *

Peu avant d’arriver au village, Cathy me demanda si j’étais d’accord pour poursuivre son « road-movie ». Nous avons donc traversé le village, continué vers le Nord.

– Ça faisait presque neuf mois que Paulo était sous terre quand Monique est entrée dans la boulangerie. Je me souviens encore du bruit du rideau de perles et du carillon au-dessus de la porte. Je l’ai regardée, j’ai tout de suite vu qu’elle savait qui j’étais. Alors, j’ai regardé vers la place et j’ai vu l’auto de Christian. « Bonjour, je m’appelle Monique, j’aimerais te parler seule à seule ». Je me suis pensé qu’elle allait me dire « Christian c’est mon homme, alors requin… loin des côtes ! » Mais elle avait un si joli sourire. Je voyais bien qu’elle ne voulait pas faire un esclandre public, alors je lui ai proposé de me retrouver chez moi pendant ma pause… Là, dans mon petit appartement au-dessus de la boucherie… au premier étage. Hou fan, si j’avais pu deviner ! J’aurais fermé la boulangerie tout de suite, je ne serais pas restée une heure, plus d’une heure à me cailler les sangs !

Cathy prit une profonde inspiration et sur le ton de la confidence poursuivit son récit.

– On a parlé normalement. Et puis je lui ai dit que j’étais contente de la visite de ma remplaçante. Qu’est-ce qu’elle m’a pas crié ! Hou ! Qu’est-ce que j’avais pas dit là !

Imitant tant bien que mal l’accent parisien, mais mimant Monique à la perfection.

– Quelle remplaçante ?! Personne ne pourra jamais prendre ta place ! Tu m’entends ?! Personne ! Tu es unique ! Regarde-moi ! Comment je pourrais être ta remplaçante ?! Tu es irremplaçable ! Elle m’a raconté ses vacances, ses rencontres, c’est là qu’elle m’a dit que je leur manquais à tous. Elle m’a demandé si ça ne me manquait pas un peu à moi aussi. Je lui ai répondu que non, que ça ne me manquait pas un peu. Que ça me manquait beaucoup. C’était la première fille avec qui je me sentais en confiance… Elle m’a demandé de lui parler de la camionnette et quand je lui racontais… Elle écoutait avec de la gourmandise dans les yeux ! Ça me faisait tout drôle parce que c’était la première amie que j’avais. Je l’ai tout de suite su… qu’on serait amies. On aurait dû être rivales, mais non. J’ai tout de suite su qu’on ne le serait jamais. Et cette amie qui me tombait miraculeusement du ciel partirait dans quelques heures pour Paris. Elle était aussi dépitée que moi, mais elle m’a promis de revenir passer quelques jours avec sa grand-mère dès que possible, que quand elle reviendrait, elle passerait me voir et qu’on s’organiserait une petite fête pour fêter ça. Je lui avais dit qu’elle était la femme idéale pour Christian et elle m’avait dit que j’étais la femme idéale pour Alain. On avait rigolé parce qu’elle m’avait raconté comment elle s’amusait à l’appeler Aloune et comment ça l’escagassait beaucoup-beaucoup. J’ai repris le travail et je ne pouvais pas m’empêcher de sourire en pensant à ce qu’elle m’avait dit d’Alain. Je savais que je guetterai l’arrivée du facteur parce qu’on s’était promis de s’écrire presque chaque jour pour faire mieux connaissance. Je n’avais pas le téléphone à l’époque.

J’avais fini de dîner quand on a toqué à ma porte. Monique était là. « J’ai pas pu prendre le train. Ma vie est ici. Je le sens là », elle a mis la main sur son cœur, « et là aussi », elle l’a mise entre ses cuisses. « Je m’installe au village chez ma Bonne-Maman ». Je la sentais comme embêtée, comme si elle cherchait ses mots. « Tu voudrais bien passer la première soirée de ma nouvelle vie avec nous ? » « Avec vous ?! » « Euh… avec Christian, moi… » Hou ce regard coquin ! « Et Aloune ! » Et le pire du pire, tu sais quoi, Blanche-Minette ? Et le pire, elle m’a remerciée, à moi d’accepter et qu’elle était sincère ! Je voulais me changer parce que j’étais en nuisette, mais Monique m’a dit de ne rien en faire, que quand j’avais ouvert la porte, elle avait cru que je portais une tenue sexy pour regarder la télé. « Attends au moins que je mette une culotte ! » « Si ça te semble indispensable… » On a descendu les escaliers en pouffant comme deux gamines qui font le mur pour aller s’encanailler en ville.

Quand Alain nous a vues… fan de Diou ! C’était comme s’il était témoin d’une apparition de la Vierge ! Euh… oui… la Vierge, c’est peut-être pas… Mais je ne vois pas comment te l’expliquer autrement. Il ouvrait des yeux larges comme la main. « Ô, pute vierge ! » On est montées à l’arrière de l’auto, Christian nous espinchavo dans le rétro et Alain se retournait toutes les trente secondes, comme s’il y croyait pas. « Ô, pute vierge, la Cathy ! La Cathy et la Monique ! Ô, pute vierge ! » Avec Monique, on se tenait la main et on rigolait. On était des amies de toujours qui venaient de faire connaissance, alors, on avait des réflexes de l’enfance, comme se tenir la main pour partager notre gaieté.

 Cette première soirée dans la petite chambre de Monique… hou ! Je retrouvais mon Christian, heureux comme un pape d’avoir trouvé sa moitié et de la partager. Mon Alain était tellement heureux qu’il m’a demandée en mariage ! J’ai répondu oui parce que je savais pas s’il était vraiment sincère, mais que j’avais envie d’y croire. Mais surtout, je faisais la connaissance de Monique… Tu sais, je m’étais déjà gouinée dans des partouzes, mais comme ça… On n’avait pas vraiment de désir, mais on savait que ça excitait les hommes et on aimait ça… les exciter comme ça, facilement. Mais Monique, quand elle m’a regardée c’était autre chose. Elle me désirait vraiment pour moi, pour elle, pour la femme que j’étais et qu’elle trouvait belle. Christian et Alain n’auraient pas été là, elle m’aurait désirée tout pareil. J’ai remarqué le sourire de Christian, il m’a fait un petit clin d’œil discret. J’ai regardé Monique et je suis tombée amoureuse de leur amour et puis, j’ai regardé Alain…

 Je me suis assise sur le bord du lit, je déboutonnais la braguette d’Alain en prenant tout mon temps, pour ne pas oublier. Il se laissait faire, immobile comme une statue. Je le regardais, il avait fermé ses yeux et sa main s’est animée. Il a caressé mes cheveux… Ça faisait neuf mois que je n’avais pas sucé un homme et quand j’ai senti son gland entre mes lèvres, sous ma langue, c’est comme si je me réveillais d’un mauvais rêve. J’aurais voulu le sucer plus longtemps, mais il s’est retiré de ma bouche. Il m’a prise dans ses bras et m’a fait danser, collé-serré. « Tu m’as tellement manqué, Catherine ! Tu m’as tellement manqué ! » Je voyais Christian dans le dos de Monique, il se branlait en nous regardant danser. Il n’avait pas changé en neuf mois et restait le Christian que je connaissais, celui qui prend son plaisir en regardant faire les autres, à attendre qu’ils aient fini pour faire l’amour à celle qu’il convoite. Mais ce qui me troublait davantage, c’était de voir Monique se caresser en nous regardant, à sortir le bout de sa langue quand les mains d’Alain me caressaient et les petites étoiles dans ses yeux…

 De les voir tous les deux si excités et surtout de sentir le membre gros et dur d’Alain contre mon ventre… hou ! J’aurais pu m’évanouir de désir ! Je me suis allongée sur le lit, j’ai supplié Alain de me prendre, je n’en pouvais plus, c’est comme si mon corps me disait « J’ai trop attendu ». Alain m’a fait un de ses beaux sourires, j’ai fermé les yeux pour mieux profiter de ce moment, mais de sa voix la plus douce, il m’a demandé de les garder ouverts. « Je veux voir ton regard, jolie Catherine ». Il me pénétrait tout doucement, au ralenti. Je profitais au mieux de cette sensation si familière qui m’était pourtant devenue étrangère. Je fixais mon attention sur cette première pénétration depuis mon deuil. Je regardais Alain, mais je ne le voyais pas, je voyais à l’intérieur de mon vagin… le gland d’Alain qui progressait en moi. Soudain, ma vue est redevenue normale, j’ai vu son regard, son visage, la salive à la commissure de ses lèvres et sa voix… sa voix comme s’il ne croyait pas ce qu’il était en train de vivre ! « Oh que c’est bon, que c’est bon, ma Catherine… ma Catherine ! »

 Je ne voulais pas reconnaître que l’amour puisse naître aussi facilement, qu’Alain puisse être amoureux de moi et moi de lui. Je ne voulais pas non plus qu’il s’imagine que j’avais changé, que je serai monogame. Comme s’il avait lu dans mes pensées, Christian s’est approché de moi. Il sait comment y faire pour que je ne résiste pas à l’envie de le sucer. Il a approché sa bite, presque timidement de ma bouche, avec son gland il a caressé mes lèvres… Hou que ça te rappelle quelque chose à toi aussi ! Alors, on se comprend… comme tu me comprends si je te parle du plaisir de sucer une queue bien dure pendant qu’une autre aussi dure va et vient dans ta chatte, alors que tu croyais que tu ne connaîtrais plus ce plaisir… hein, capoune ?

 Monique était debout, un peu à l’écart. Elle se touchait en nous regardant. Elle est venue près du lit, elle a touché mes seins comme aucune femme ne les avait jamais touchés. Elle caressait mon ventre, embrassait Christian. Tu vois le tableau ? Moi allongée en travers du lit de Christian, les chevilles sur les épaules d’Alain qui va et vient en moi. Christian à genoux sur le lit, qui caresse mon visage pendant que je le suce et Monique debout qui l’embrasse en se touchant et en me caressant. Par en dessous, je voyais la langue de Monique et celle de Christian. Tu me prends pour une folle si je te dis que je le suçais en m’imaginant rouler une pelle à cette nana que je ne connaissais pas quelques heures auparavant ?

– Non, pas du tout ! Même si je n’ai jamais vécu ça, je comprends tout à fait et je ne suis pas folle.

– Alain allait de plus en plus vite, de plus en plus fort, comme j’aime tant… Je me sentais onduler. C’était si bon… si bon de me sentir vivante au milieu des vivants ! Et Alain qui me répétait comme je lui manquais. Pas comme je lui avais manqué, mais comme je lui manquais. Sa façon de me faire comprendre qu’il ne tenait qu’à moi de ne plus lui manquer. Je sentais mon plaisir sur le point d’exploser, mais je ne voulais pas savoir qui me ferait jouir. J’ai arrêté de sucer Christian le temps de leur demander de me faire jouir tous les trois. J’ai senti leurs doigts caresser mon clitoris et mon orgasme a explosé, comme j’avais oublié qu’il pouvait exploser. La bouche pleine de la queue de Christian, je les suppliais « Encore ! Encore ! Encore ! Encore ! » Alain répétait « Ô, pute vierge ! Je vais venir ! Tu me fais venir…! Ô, pute vierge ! Un mot de toi et je vais venir ! » Monique a répondu pour moi « Viens ! Viens ! Viens, Alain ! » Sans arrêter ses va-et-vient, Alain a joui en moi « Ô, pute vierge, je viens, je viens ! » Il s’est retiré et juste avant que Christian me prenne, j’ai remarqué que Monique prenait du plaisir à regarder ma chatte. Quand Christian m’a pénétrée, ça me l’a refait… comme si ces longs mois froids et solitaires étaient derrière moi, comme si la vie me disait qu’elle sera toujours plus forte que la mort.

 Je sais qu’Alain a fait jouir Monique avec ses doigts, avec sa bouche, mais je ne les ai pas vus. J’avais fermé les yeux pour mieux profiter, pour mieux sentir Christian me baiser comme il sait que j’aime qu’il me baise. Comme tu le sais, j’ai été la première nana avec qui il a couché, comme le dit Monique, je l’ai fait à ma main… J’ai rouvert mes yeux quand j’ai senti Alain s’allonger à côté de moi. Hou fan, sa queue était énorme et il me semblait qu’il avait joui en moi quelques minutes seulement avant… Il m’a pris la main et Monique s’est accroupie au-dessus de lui. Elle regardait Christian aller et venir en moi en même temps qu’elle montait et descendait le long du membre d’Alain. On s’embrassait, on se caressait… Je jouissais encore plus fort parce que je sentais jouir Christian et aussi Monique. C’est là qu’Alain m’a demandé de le marier et que je lui ai répondu oui et tu sais ce qu’il a dit ?

– « Ô, pute vierge, je viens, je viens ! » ?

Satisfaite, Cathy fit claquer ses doigts.

– Hé bé non ! Il a dit « Ô, mon Dieu ! Bon Dieu, c’est le plus beau jour de ma vie ! » Alors, j’ai demandé à Monique de bouger sur mon homme, de me montrer comment elle le faisait jouir. J’ai dit « mon homme », comme si j’avais renoncé à lutter contre cet amour. Monique se cambrait pour que je puisse mieux voir « la grosse queue veineuse de ton homme reluire de ma mouille de salope ». Elle disait « mouille » « grosse queue » et « salope » avec tellement de gourmandise dans la voix qu’elle nous ouvrait l’appétit. Avec ma main, je caressais ses fesses pour qu’elle monte plus haut. Les mains sur ses hanches, Alain l’obligeait à s’enfoncer à fond. Je te le dis sans honte, ce petit jeu entre moi et Alain nous plaisait beaucoup à nous quatre. « C’est trop de bonheur…! Vous me faites venir, mes douces coquines…! Vous me… ô, pute vierge, je viens, je viens !

 Quelle soirée mes aïeux ! Je… c’est comme si je sortais du coma, plutôt comme Hibernatus. Je revenais dans ma vie, celle que j’aimais. Celle que je méritais de vivre comme me l’a dit Alain quand nous sommes allés chez lui. Hou fan ! Il me regardait et me répétait « C’est comme si j’avais fait un vœu et qu’il était en train de s’exaucer ! » Sur les murs, il y avait des posters, j’étais étonnée de ne pas y voir un seul de pin-up. Alain m’a dit qu’il rangeait son album à fantasmes dans le tiroir de sa table de chevet. On aurait dit un album-photo sauf qu’au lieu des photos, c’était des dessins. Je ne savais pas qu’il dessinait si bien… autre chose que des plans, je veux dire… Alain était tout gêné parce que les premiers dessins on ne voyait… c’était que des détails… un buste avec une belle poitrine… une chatte… beaucoup de dessins de chattes sous différents angles, avec une bite dedans ou pas… des culs de femme… Ça me faisait sourire qu’il soit tout gêné de me montrer ses dessins comme s’ils pouvaient me choquer. C’est quand j’ai vu le premier dessin de pipe… Je suis revenue en arrière. J’ai regardé Alain.« C’est… c’est moi ?! »

Je ne m’étais jamais vue comme ça. Bien sûr, j’avais déjà regardé dans des miroirs pendant, mais tu sais ce que c’est… dans le feu de l’action, on est un peu… distraites… Alors en dessin… Je regardais attentivement. Ça me faisait drôle d’être excitée par des dessins pornos de moi. Alain bandait comme un dingue et on commentait, on s’échauffait… Je tournais les pages, mais d’un seul coup, il s’est montré raisonnable. Il a repris l’album, l’a refermé d’un coup et il a dit qu’il fallait qu’on se repose. On s’est couchés et on s’est endormis.

Cathy éclata de rire.

– Ça casse le mythe, non ?

– Oui, mais c’est compréhensible, quelques heures plus tôt, tu te voyais vieillir toute seule, Monique te rend visite et…

– Fatché, on reconnaît bien là la professionnelle de santé !

– Allez, au lieu de te moquer, continue…

– On avait mis le réveil parce que je travaillais le lendemain, mais je me suis réveillée un peu avant. J’ai regardé Alain. C’était la première fois que je voyais quelqu’un sourire dans son sommeil. Qu’il était beau ! Il dormait encore, je le savais à cause de sa respiration, mais son corps s’est réveillé avant lui… Il a dressé la tente, comme on dit et je n’ai pas pu résister. Blottie dans ses bras, je le branlais doucement. Que c’était bon ! Sa main s’est posée sur mon bras, elle a glissé vers ma main. Les yeux fermés, il a marmonné « Si tu es réelle, si tu es vraiment dans mon lit, Catherine et que je ne rêve pas, dis-le-moi que j’ouvre les yeux. Sinon, je préfère rêver encore un peu ». Je me suis allongée sur lui. Son membre a tout de suite trouvé le chemin. Je sentais son gland à l’entrée de mon vagin. Je me suis un peu redressée pour qu’il me pénètre. Je lui ai fait un baiser sur la bouche. « Ouvre tes yeux, tu ne rêves pas… Aloune ! » Fatché, son sourire ! Ses mains ont couru sur mon corps, sur mes hanches, sur mes seins… Il a dit « Sors du corps de la belle Catherine, petite Mounico ! » et il a ouvert les yeux. Mais le réveil a sonné…

– Merde alors, le réveil était aussi de la partie pour casser le mythe !

– J’allais te raconter la suite, parce que… il y a quelque chose que tu ignores, mais puisque tout ce qui t’intéresse à toi, c’est de me moquer… Remets le contact et ramène-nous chez moi…

Je m’excusai, lui fis mes yeux de chien battu. Elle eut un petit sourire vainqueur.

– Ma bonté me perdra… Vaï, au lieu de nous retourner au village, ramène-nous à Aubagne… Tu m’as tout embrouillé mes souvenirs dans ma vieille tête… je dois les rassembler.

Quand je remis le contact, il me sembla entendre la voix de Monique. Qu’est-ce que je t’ai dit à propos de l’art du teasing de la belle Cathy ?!

Alors, il s’est passé quoi après la sonnerie du réveil ?

*Georges Bizet, Henri Meilhac, Ludovic Halévy, L’amour est un oiseau rebelle in Carmen (1875)