
– C’est quoi ce sourire ?
– Bonjour, madame Duval !
– Oui, bon d’accord, bonjour monsieur Dumont ! Alors, pourquoi ai-je l’impression que tu m’as attendue juste pour afficher ce sourire ironique ?
– Parce que j’étais impatient.
– Impatient ?
– J’ai failli renvoyer ma douce et belle tant j’avais hâte de te voir.
– Quoi ?!
– Quand nous sommes entrés dans l’ascenseur, il y avait un… comment dire ? Un gentleman en pantalon un poil trop petit, une veste en jean couverte de badges à l’image de son idole, santiags aux pieds. Gentleman qui, face au miroir, se curait les dents de l’ongle de son auriculaire. Il est sorti de l’ascenseur en sifflotant. Il ne manquait plus que le coup de peigne et j’aurais pu jurer qu’il s’agissait du fameux Titi 7-7, prince du Balto…
– Pas du Balto, du Cristal Bar, c’est fou comme tu es peu attentif aux détails, quand même !
– Je vous ai imaginés, toi, ne te sentant plus chatte, devenant chienne, à l’appel du loup brisant enfin tes chaînes, son corps sur ton corps, lourd comme un cheval mort…
– C’est malin ! Vraiment ! Mais arrête de rire ! T’es rien qu’un gros jaloux, en fait !
– Bon, maintenant que je sais à quoi il ressemble, raconte ! C’était aussi bien que la première fois ?
– Pfft… non. Putain, ça m’énerve… c’était encore mieux… ! Et pour lui aussi, si j’en crois les confidences que lui a faites sa bite ! À chaque fois, ça marche à tous les coups !
– Comment ça « à chaque fois » ? Tu as pris pension à l’hôtel ?
– Non, mais il n’y a pas que les hôtels… Tu sais comme j’avais été déçue par l’adjoint à la culture de la dernière fois… Bêtement, j’ai voulu me venger de cet homme dont les promesses de jouissance infinie étaient si…
– Prometteuses ?
– Exactement ! Bref, sans même vraiment le vouloir, j’ai appelé le fameux Titi 7-7. Il m’a donné rendez-vous porte de Bercy. Je suis montée dans sa bagnole, il m’a dit « Tiens, prends ça, bande tes yeux et en voiture Simone ! »
– « En voiture Simone » ? Ça se dit encore ça ?!
– Faut croire…
– Et quel modèle, la voiture ?
– J’en sais rien, blanche avec un auto-collant en haut du pare-brise, genre pare-soleil.
– Titi 7-7 en gros caractères ?
– Hey, c’est moi qui raconte ou c’est toi ?! Pff tu fais chier… ! Arrête de rire ou je ne t’en dis pas plus ! Tiens, le plus simple est que tu lises mon compte-rendu, je l’ai écrit avant de descendre pour le petit-déjeuner, d’où mon léger retard.
– Promis, j’imagine la scène avec Johnny en fond sonore…
– Même pas ! Mais lis, plutôt.
Mon cher monsieur Dumont,
Tu sais comme j’avais été déçue par la prestation de Sébastien, rencontré à la « soirée coquine » où je t’accompagnais. Insatisfaite, j’ai ruminé ma déception pendant un temps infini et, mue par un réflexe puéril, j’ai voulu oublier cet homme dont les promesses de jouissance si alléchantes avaient été déçues et prendre enfin le pied auquel j’estime avoir droit.
Après quelques heures (enfin, au moins dix minutes) d’hésitation, j’ai appelé Titi 7-7. Il m’a donné rendez-vous porte de Bercy. Je suis montée dans sa voiture.
– Tiens, prends ça, bande tes yeux et en voiture Simone !
Comme à son habitude, il sifflotait, et je me demandais pourquoi l’avoir rappelé parce qu’il était évident que ça n’allait pas être possible. Certes, j’étais excitée quand il posait sa main sur ma cuisse, mais à un moment, j’ai cru que mon désir allait s’évaporer aussi brusquement qu’il m’avait saisie.
Titi a glissé sa main sous ma jupe, j’étais dans tous mes états, peut-être parce que je ne le voyais pas, que j’ignorais où il me conduisait, mais quand il a dit « Oh, mais c’est qui, qui va faire miauler cette petite chatte ? Hein, c’est qui ? C’est la quéquette à Titi ! », j’étais sûre que je n’avais plus envie… sa main a poursuivi son chemin… mon corps s’est enflammé aussitôt.
Il me caressait tout en conduisant, il a retiré sa main le temps de passer une vitesse, si je me souviens bien. Sa main avait à peine quitté ma peau que la mienne a cherché son entrejambe, de façon instinctive. Titi 7-7, rigolard m’a demandé ce qui me prenait. J’ai répondu sur le même ton.
– Je voulais vérifier que la quéquette à Titi était assez en forme pour faire miauler ma petite chatte !
– J’aime bien quand tu causes comme ça, romantique ! Hey, mais tu te frottes à ton siège comme si t’avais le feu au cul, ma parole !
– La faute à qui ? Elle est où ta main ? Tu me chauffes et…
– Et on est bientôt arrivés ! Tu gardes ton bandeau d’accord ?
Avant même de l’avoir ôté, je savais que j’étais dans une caravane. « Mon home sweet baisodrome ! » et, comme s’il ne connaissait pas déjà la réponse, il me demande pourquoi je l’ai appelé.
– Tu sais bien pourquoi, Titi, fais pas semblant ! Je t’ai appelé parce que je voulais être sûre de prendre mon pied en baisant et qu’avec toi, c’est succès garanti.
– Ça fait toujours plaisir à entendre ! Et quelle formule conviendrait à madame ? Entrée, plat, dessert, café plus vin en carafe ?
– Une fellation pour commencer, pour le reste, je te laisse maître, mais je me réserve les droits pour le café.
– C’est parti !
– Mon kiki !
Sur ces bonnes paroles, j’entreprends de le sucer. Je veux le sucer pour l’exciter davantage qui ne l’est. Je pense qu’en jouant à la dame stricte qui est en fait une vraie salope, je lui donnerai l’envie de me baiser sauvagement.
Je le lèche en le regardant par en dessous, un regard vicieux, la langue exagérément sortie, puis, je me prends au jeu, à mon propre jeu. Titi le remarque, ému, il me caresse la joue, la commissure de mes lèvres.
– Bon, allez ma bonne suceuse, passons au plat principal… Allez, zou ! C’est parti pour la levrette !
Je n’osais en rêver ! Une levrette ! Je me mets à quatre pattes sur le lit. Titi me demande de me mettre dans la largeur du lit. Juste avant de me pénétrer, il me couche sur le côté.
– Comme ça tu pourras voir ce que j’aime voir, tu vois ? Dans le miroir. Tu pourras voir tes yeux, ta bouche quand tu prends tellement ton pied que ça fait tomber le masque des bonnes manières et tout le tralala snobinard, quand tu laisses apparaître la chienne en rut, la salope qui aime la bite et qui aime prendre son pied, alors là… Pfui… t’es presque belle !
Ensuite, il me baise, comme toujours en silence, si ce n’est le son de ses râles, de ses interjections de plaisir. Je me regarde dans le miroir de cette armoire minable, mon regard croise le sien, je sais ce qu’il attend de voir. Après quelques minutes, il détache son regard du mien, pose ses yeux sur sa queue, je sens au fond de moi (si tu me permets l’expression !) que le spectacle lui plaît, du coup, ça me plaît, même si je ne vois rien. Il relève son visage, regarde le mien dans le miroir et, sans un mot, soulève ma cuisse pour que je puisse en profiter aussi.
Je n’ai pas vu mon visage, ni même mon regard changer parce que,fascinée, excitée par la vision de son membre allant et venant en moi, quand je lève enfin le regard vers mon visage, il est trop tard. Le masque est tombé.
Titi me baise donc avec tout son art, en prenant son temps, jouant avec mon orgasme comme d’un accordéon. Il sort de son silence pour complimenter ma poitrine.
– Je sais ce que je prendrai au dessert. Oh, tes nibards c’est… c’est une œuvre d’art ! (Il descend son regard et, l’air de rien écarte mes lèvres.) Ah ! Te voilà, toi ?! T’étais passé où ?! Oui… voui voui voui voui voui, les petits guillis !
Ce salaud, tout en allant et venant en moi, chatouille mon clitoris et me fait jouir. Satisfait, il se retire, enlève son préservatif, cale sa bite entre mes seins. Il sait qu’en me caressant les cheveux, en me caressant le visage comme il le fait, il accroît mon plaisir.
– Jette un coup d’œil dans le miroir !
Je me vois emportée par le plaisir et je réalise alors que je me masturbe en serrant mes cuisses très fort, en les frottant par mes ondulations et que j’ondule au rythme de ses va-et-vient.
– Oh ! C’est encore meilleur !
Il accélère un peu le rythme, se retire brusquement.
– Le café de madame est servi !
Le salaud, il me connaît déjà si bien !
– Au diplôme des salopes, je te mets 20/20 à l’oral, ma gourmande !
Au lieu de regimber, Geneviève et moi en redemandons, parce que dans la bouche de Titi, ces mots sont un compliment et nous les prenons pour tels.
– Lèche-moi les boules, ma suceuse gourmande !
Pour que le souvenir de cette première me soit à jamais agréable, Titi caresse mes seins d’une main, mes cuisses, ma chatte de l’autre. Je pense que c’est ainsi qu’il parvient à garder une relative érection après son éjaculation. En tout cas, c’est ce que je veux croire.
En me regardant dans le miroir, je réalise que mon visage, tout mon être est transformé. Je jouis en comprenant qu’ainsi, je ressemble à l’univers de Titi. C’est pour cette raison qu’il me trouve « presque belle » quand il me fait jouir comme ça !
Je le savais, il m’a prévenue dès mon coup de fil, il n’a pas beaucoup de temps à m’accorder. De toute façon, j’ai obtenu ce que j’étais venue chercher et bien plus encore.
Nous nous rhabillons tout en nous roulant des pelles, en nous offrant de vicieuses papouilles. On s’excite pour hâter l’envie de nous revoir. Il me tend le bandeau.
– Je veux garder l’endroit secret. C’est pas contre toi, même ma femme l’ignore !
– Parce que tu l’as déjà amenée ici ?!
– Bien sûr ! Mais elle a toujours les yeux bandés quand elle vient. Pourquoi ? Ben, parce que son truc à elle, c’est de jouer au kidnapping… même pendant… la chose, elle garde les yeux bandés.
Je prends la nouvelle d’une étrange façon, je suis à la fois meurtrie d’entendre ses mots, tout en étant touchée de l’évidence avec laquelle il les a prononcés. J’y vois une marque de confiance et je ne pense pas me tromper.
Sur le chemin du retour, je lui demande s’il aurait quelques heures de libre dans l’après-midi de vendredi, parce que je récupère la clé à 15 heures, je préviendrai la réception de sa venue.
– Ben, dis donc, ma cochonne, je vais finir par croire que t’aimes ça !
– On est déjà arrivés ?
– Non, non. Je me suis garé sur une aire de repos. J’aimerais pas que mon nom se retrouve dans un rapport de gendarmerie avec, à la rubrique « Circonstances de l’accident » la mention « a été déconcentré par la fellation prodiguée par la dénommée Geneviève Duval, plus connue sous le surnom “l’impératrice de la pipe”. »
J’éclate de rire.
– Je n’avais même pas remarqué que je te suçais !
– On n’a pas le temps, ma belle. Où veux-tu que je te dépose ?
– N’importe quelle Porte fera l’affaire. Alors, pour vendredi ?
– T’as de sacrés arguments… Je vais faire mon possible.
Il a tenu parole et est venu me rejoindre dans ma chambre, hier vers 16 heures. Parmi les choses que je préfère avec Titi, c’est notre quasi-silence pendant nos ébats, mais on se la joue « séance du ciné-club », tu sais « Présentation du programme, film et pour finir débat et commentaires ». Parce qu’après la chair, nous sommes trop épuisés pour jouer un rôle, si mon masque est tombé, le sien l’est aussi. Vendredi, après l’amour, nous avons eu cette discussion.
– T’as remarqué, t’es pas mon type de meuf, je suis pas ton type de mec, pourtant dès qu’on est au pieu, c’est magique !
– Comment t’expliques ça ?
– Quoi que je fasse, je serai jamais ton type et quoi que tu fasses, tu ne seras jamais le mien, alors on n’a pas besoin de se jouer la comédie. Tu sais pourquoi tu veux me voir et moi je sais qu’avec toi, ce sera magique. Prendre un super pied, pour être franc, comme j’en ai rarement pris et savoir que je te donne autant de plaisir que tu m’en donnes… c’est inestimable.
– Pour toi, puisqu’on ne se fait aucune illusion, ça nous permettrait de nous laisser aller ?
– Exactement. Accepter que nos corps, que nos désirs se comprennent mieux que nous et les laisser faire… T’as cinq minutes ? Attends.
Titi sort son téléphone de la poche de sa veste, l’allume. « Allô, chérie ? Oui. Je rentrerai plus tard. Je sais pas. Non, m’attendez pas pour passer à table. Je sais pas. Dès que je peux. Oui. À ce soir ! » Tout en conversant avec sa femme, il fait aller et venir le tranchant de sa main entre mes seins. Il bande désormais assez dur pour me « taquiner la chatte » du bout de son sexe sans se servir de ses mains. Il raccroche, éteint son téléphone, le range.
– Une p’tite levrette pour ma salope préférée ? Pour ma salope préférée du monde entier !
Je me mets à quatre pattes. Une fois encore, il me couche sur le flanc. Je lui en demande la raison.
– C’est parce qu’à quatre pattes, j’aurais les yeux fixés sur ton petit cul. Je sais que ça te branche pas, mais je sais aussi que j’aurais les moyens de te faire changer d’avis et je ne suis pas sûr de résister à la tentation…
Il se tait, m’embrasse, caresse mes seins.
– Si on devait le faire, je veux que ça vienne de toi.
On fait l’amour comme ça, moi sur le flanc, lui derrière moi. J’y prends tellement de plaisir que je m’endors presque aussitôt après son départ.
Je me suis réveillée ce matin avec cette idée qui prend forme en moi. Si Titi tient tant à ce que ce soit moi qui lui propose, c’est qu’il est certain que je vais aimer ça, mais que je dois d’abord être psychologiquement prête à accepter l’idée que la sodomie peut être source de plaisir sans être source de douleur.
Voici ce qui s’est passé les deux fois où nous nous sommes vus et voilà l’état de mes pensées le concernant.
Geneviève Duval