À la Saint-Sylvestre, tombons la veste ! – Quatrième épisode

Maintenant que les mots ont été prononcés, nos regards semblent jouer au billard, le mien croise celui du voisin, qui dirige le sien vers mon époux, qui me regarde avant qu’un nouveau tour de table silencieux ne redémarre. Je ne peux pas vraiment affirmer que c’est de la gêne, mais plutôt quelque chose comme « Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » sauf que personne ne pose la question. On se racle la gorge, on rit, on dodeline, mais rien ne se fait.

Notre voisin tend sa main vers un toast imbibé de Champagne, il prend la bouteille cassée

– Il en reste un fond, je vous en sers ?

Mon époux refuse « Il manquerait plus que l’un d’entre nous se fiche un éclat de verre dans la gorge ! » et en empoigne une autre.

La conversation dérive vers des sujets plus convenus « en bonne société », mais très vite nous en revenons à ce fantasme de plan à trois. Comment l’envisagerions-nous ? Je fais rire tout le monde, moi comprise, en affirmant que dans mon fantasme, je ne suis pas complexée par mon corps vieilli. Mon mari et notre voisin me répondent que c’est pareil de leur côté.

Il nous dit aussi qu’il redoute une piètre performance. Nous comprenons parfaitement sa crainte. Je ne sais pas qui l’a formulé ainsi, c’est peut-être moi « Et si pour cette première fois, nous nous contentions d’un plan à deux et demi ? » ni qui a ajouté « Et protégés par une certaine obscurité ? »

Va pour le plan à deux et demi et va pour l’obscurité !

Nous invitons notre voisin à rejoindre notre chambre avec une évidence qui le surprend. Ce n’est que pragmatisme. En premier lieu, nous n’avons jamais sacralisé le lit conjugal, de plus, il nous arrive l’un ou l’autre d’avoir à nous lever la nuit pour sortir de la chambre. Allumer une lampe de chevet réveillerait le conjoint endormi, pour autant, ni l’un ni l’autre ne veut prendre le risque de se briser un orteil contre un meuble, nous avons donc collé des veilleuses sur les plinthes aux endroits stratégiques. Ces veilleuses s’allument automatiquement dès que la lumière ambiante devient trop basse.

Un lit confortable, une certaine obscurité, que pourrions-nous rêver de mieux ?

– Désirez-vous qu’on allume pour que vous puissiez découvrir les lieux ?

– Non. En fait, non. Je ne préfère pas. Je préfère l’imaginer… J’ai peur qu’en la découvrant toute éclairée, ça ne me coupe tous mes moyens. Vous comprenez ?

Non seulement nous comprenons, mais surtout ça nous arrange bien. Nous nous déshabillons dans le noir.

– Est-ce que je dois rester assis sur le bord du lit ou est-ce que je peux m’allonger ?

– Qu’est-ce qui vous conviendrait le mieux ?

– Euh… en tout premier lieu, maintenir une érection !

Il est intimidé et son intimidation nous rassure. J’ai un drôle de chat dans la gorge quand je lui dis

– Rien ne vous oblige à rester dans la même position… faites comme si on n’était pas là, tout en sachant que nous y sommes.

Il s’allonge, je devine sa main qui semble cacher ses attributs. Comme souvent, j’ai gardé mon caraco. Ma voix est encore pleine de félins quand je me sens obligée de lui préciser

– On préfère la levrette, j’espère que ça ne vous ennuie pas…

Mon époux reste silencieux, mais je sens que cet échange entre notre voisin et moi l’excite fortement.

– Au contraire, ça me fait bander ! Euh… le mot “bander” ne vous choque pas, j’espère…

– Si vous sentiez comme elle mouille, vous ne vous poseriez même pas la question !

Mon mari me pénètre, je trouve son sexe plus gros, plus dur que d’habitude, mais peut-être est-ce parce que j’y prête plus attention. Je me garde bien de leur faire part de cette pensée. Le corps allongé de notre voisin me masque la petite lumière de la veilleuse, pourtant je remarque qu’il se branle d’une main, avant de se branler de l’autre.

Mon corps est plus sensible que je ne l’aurais imaginé. La situation, sans doute, la pénombre également, je ressens plus fort que d’habitude les ondes de mon plaisir ainsi que les va-et-vient vigoureux, de plus en plus vigoureux de mon époux.

Nous avons toujours habité dans des appartements mal isolés, j’ai donc appris, tout naturellement, à assourdir mes cris, mes râles de plaisir. Je les retiens dans ma gorge, je pourrais presque écrire que je les avale, seuls quelques grognements rauques parviennent à s’échapper. Je remarque que notre voisin les entend puisqu’il murmure un « Oh ! Oh oui ! » à chacun de mes grognements.

Mon époux grogne aussi, je sais qu’il a un meilleur point de vue que moi sur mon corps et celui allongé de notre voisin. Je sais qu’il sent mon vagin palpiter autour de son sexe, qu’il sait que je suis en train de jouir. À mi-voix, il en informe notre compagnon tout en feignant d’ignorer sa présence.

– Serais-tu en train de jouir, ma chérie ?

– Groumpf

– Comment ? Que dis-tu ?

– Oohh…

– Oh quoi ? Tu jouis ?

– Oohh… oui… ooohh…

– Tu jouis comment, ma chérie ? Comme une bonne-sœur ou comme une salope ?

– Oohh… comme… ooh… comme une sainte Marie… ooohh… Marie-Salope !

Mon mari pousse un juron de contentement. Je sais, enfin, je suis à peu près sûre que notre voisin a joui pendant notre échange. Je m’allonge entre notre voisin et mon mari. Nous regardons le plafond. Nos respirations sont haletantes, mais sereines. Nous nous accordons une longue pause silencieuse que notre voisin rompt avec cette remarque.

– Ce plan à deux et demi était vraiment idéal pour finir l’année en beauté !

Je me tourne vers lui et lui chuchote à l’oreille « M’autorisez-vous à vous embrasser ? » Sans attendre sa réponse, je pose mes lèvres sur les siennes, nos bouches s’ouvrent, ma langue timide part à la rencontre de la sienne.