Je me remettais de toutes ces émotions dans les bras de Christian, goûtant avec délice ce moment d’une tendresse absolue. Nous échangions quelques mots, entrecoupés de longs silences bruyants. J’entendis Martial éclater de rire, suivi par Cathy et Monique. Poussés par la curiosité, nous les avons rejoints. Je ne me souvenais pas avoir vu mon frère totalement nu, je découvrais son corps à 73 ans.
– On réservait nos places pour le spectacle de demain soir et comme ça risque de durer, on cherchait notre place sur Martial… parce que c’est le plus confortable de la bande et qu’il se tient mieux que Marcel…
– Note qu’elle n’a pas dit que je suis gros, je suis confortable !
– C’est parce qu’elle est polie !
– Toi, t’es envieux ou je ne m’y connais pas !
– Un peu que je le suis ! Il y a quelques années, c’est ma compagnie que ces dames recherchaient… O pute borgne, toutes ces années à entretenir ce magnifique corps d’athlète, toutes ces années d’ascèse et tout ça pour qu’elles préfèrent le gros nounours ! On le serait à moins, non ? Qu’est-ce que t’en penses, Princesse à Jimmy ?
– J’en pense que je comprends pas la moitié de ce que vous racontez, mais que je suis heureuse d’être avec vous tous… qu’il sera toujours temps pour m’expliquer… Et je commence à comprendre que le spectacle des gamins sera assez éloigné de la kermesse de fin d’année…
– Ils t’ont rien espliqué tout ce temps qu’ils t’ont accaparée rien qu’à eux, ces vauriens ? Pff ! Boudiou !
– Non. Ils sont passés directement aux travaux pratiques !
– Faudra que je vérifie ça aussi ! Pasque si ça se trouve, ils ont oublié des tas de détails… Boudiou ! Mais tu rougis ma coquine ! Dis donc, ta mémé elle aurait pas fauté avec Gentil Coquelicot, par hasard ?
Je comprenais de moins en moins, Christian m’a tendu un cahier qu’il venait de sortir d’un meuble à secrets. J’en commençai la lecture et ne relevai la tête qu’après avoir lu le dernier mot. J’étais bouleversée dans tous les sens du terme. Je voulais en savoir plus, Sylvie me désigna leurs « archives » qu’elle m’avait données trois heures auparavant. J’aurais vraiment voulu rester avec eux, mais la curiosité me consumait. Daniel me rassura.
– On a tout le temps pour faire connaissance ensuite ! Tu restes jusqu’à quand parmi nous ?
Comme si j’avais honte de l’avouer, je regardai mes pieds.
– En fait… j’aimerais bien ne plus repartir… si c’est possible pour Jimmy… pour vous tous…
Jimmy m’entraîna dans son bureau pour que je puisse lire confortablement. Sylvie me conseilla de prendre la plume si l’envie me prenait de raconter quelques souvenirs. Mon cœur bondit dans ma poitrine quand elle ajouta « Vous verrez, sa façon de raconter est… un peu comme si elle décalait d’un tout petit degré l’angle de la caméra… et ce tout petit degré de différence te donne une perspective totalement nouvelle de la scène… ! Vous verrez ! »
En ouvrant la porte de son bureau, Jimmy m’a demandé si j’étais sérieuse quand j’avais dit que je voulais m’installer au mas, si j’avais conscience de ce que cela impliquait.
– J’en ai eu un aperçu tout à l’heure…
– Tu ne m’as pas vu en désirer une autre que toi, faire l’amour avec une ou plusieurs d’entre elles… Tu ne m’as pas entendu leur dire le plaisir que j’y prends…
– Certes, mais j’ai pu ressentir… comprendre… comprendre et ressentir dans mes chairs le plaisir de se faire toucher par d’autres, de faire l’amour avec l’un sans que ça ne remette en cause le plaisir que je prends avec toi, l’amour que je te porte… En l’éprouvant moi-même, j’ai pu réaliser ce que tu, ce que vous ressentez… Et tant que je ne suis pas obligée de coucher avec Martial…
– Ô, ma Princesse ! Tu sais quoi ? On va se marier ! Tu veux me marier ?
J’aurais pu le taquiner sur le trouble profond qu’il ressentait, trouble qui l’avait fait parler comme le faisaient ses parents adoptifs, façon dont il se moquait avec tendresse. J’aurais pu le taquiner, mais je n’en ai eu ni l’envie, ni la force. Je lui rappelai que je n’ai jamais divorcé.
– On a les locaux, on a un ancien maire et conseiller municipal, on a tous les témoins qu’on veut et même le lieu idéal pour notre nuit de noces… On n’a rien besoin d’autre !
– Ah bon ? J’aurai même pas droit à une petite alliance ?
– Eh bien, figure-toi que si, tu vas en avoir une et moi aussi et pas n’importe laquelle ! Joseph, Joseph qui s’excuse de s’être défilé, Joseph est joaillier, figure-toi ! Il nous fera les plus belles alliances du monde, ma Princesse ! Et pour tes témoins…
– Sylvie et Martial pour moi, non ?
– Ce serait trop facile, Princesse… les témoins se choisissent avec grand soin, ma chérie… dis-moi un nombre…
– Douze
– D’accord. Installe-toi, commence la lecture… chacun et chacune viendront te retrouver… elles et ils auront douze minutes pour te convaincre de devenir ton témoin… Seuls Martial et Sylvie en seront dispensés.
– Ah bon ? Et pourquoi donc ?
– Coquine ! Et s’il nous reste assez de temps avant le début du spectacle, je te ferai découvrir la chambre nuptiale…
– Oh, Jimmy… quand tu souris comme ça…
Je n’achevai pas ma phrase, parce que nous nous embrassâmes avec fougue et passion.
J’avais commencé la lecture du cahier écrit par Monique. Ses mots m’avaient davantage excitée que ceux de Rosalie. Ils m’étaient plus proches, contemporains. Je venais de finir un chapitre quand elle ouvrit la porte. Elle maugréait en souriant.
– La démocratie, c’est bien, mais c’que c’est long… ! Ça n’en finissait pas… Dans quel ordre allons-nous nous présenter à Odette ? Alors, j’en ai eu marre et me voilà !
Elle fit un petit pas sauté, tapa dans ses mains et écarta ses bras, comme un Jean-Paul Belmondo d’opérette. Quelle énergie !
– Ah… tu lis le récit de mes fredaines ? T’en étais où ?
– À tes fiançailles, je viens de terminer…
– Ah ah ! Quel bizarre hasard ! Plutôt que te parler de moi, je te propose de te lire le chapitre suivant…
– Rassure-moi, y aura pas de meurtre, pas de cannibalisme, pas de violence, au moins ? Putain, Monique…Titus Andronicus, quoi !
– Jimmy m’a raconté combien tu as été choquée, mais je trouve que les mots de Shakespeare se marient tellement bien avec la bouche de Martial… et, je vais t’avouer un grand secret, nous prétextons souvent « Titus » pour nous isoler, mais la plupart du temps, nous lisons « La mégère » ou « Le songe d’une nuit d’été »… Je compte sur ta discrétion ! Serais-tu d’accord pour une lecture chaleureuse et amicale ?
J’acceptai, tout en pressentant que Monique avait usé de doux euphémismes. Elle s’installa sur le sofa près de la fenêtre, me demanda de poser ma tête sur ses cuisses. Je m’exécutai, le cœur battant. Monique remarqua mon trouble.
– Tu n’as jamais couché avec une femme ? Ça ne t’a jamais tentée ?
– Euh… non… enfin si, mais non… Au lycée, une rapatriée d’Algérie est arrivée en cours d’année… en première… elle venait de Marseille où elle avait vécu quelques mois… Elle était l’attraction de la cour de récré… et que je te papouille et que je rigole super fort… Je la détestais et j’en voulais à mes amies de lui faire la bise, de la taquiner… Elles m’oubliaient à cause de cette fille que je désirais avec tant de violence. Je m’en étais aperçu quand j’avais constaté le plaisir que je prenais à la reluquer en douce dans les vestiaires… Début juin, elle est arrivée en larmes. Elle venait d’apprendre que sa scolarité s’arrêterait là. L’époux que ses parents avaient choisi pour elle ne voulait pas d’une femme trop savante parce que ça risquait de la rendre stérile. Touchée par son désespoir, j’attendis d’être seule avec elle pour la serrer dans mes bras. Elle pleura longuement sur mon épaule. J’embrassai… ou plutôt je caressai la naissance de son cou avec mes lèvres, passai mes doigts dans ses cheveux. Des pas retentirent dans les couloirs. Avant qu’ils ne soient remplis d’élèves bruyantes, elle m’embrassa sur les lèvres. Elle disparut de mon univers dès la fin de l’année scolaire. Je l’ai croisée par hasard quand j’étais enceinte de Caroline. Elle me demanda combien j’avais d’enfants, je lui désignai mon ventre « Trois, en comptant celui-ci ». Elle leva les yeux au ciel. « Veinarde ! J’en suis déjà à sept ! » Elle m’envia de travailler, son mari estimait que la place d’une femme était au foyer. Son temps étant compté, nous nous échangeâmes nos adresses, nous promîmes de nous écrire bientôt de nous revoir très vite et d’organiser un « quatre heures » où nous pourrions papoter tout à notre aise. Bien sûr, toutes ces promesses sont restées à l’état de promesse.
– Si tu veux, on essaie… N’oublie pas qu’entre nous, le principe de base est de pouvoir dire non à tout moment et que ce non sera respecté.
– Ça, je le savais déjà, mais merci de me le rappeler
Je m’installai. Monique souleva le tissu de mon chemisier, le déboutonna, glissa sa main sous mon soutien-gorge. Elle embrassa mon front quand elle constata à quel point mon cœur battait fort. Elle remonta ma jupe « pour garder un œil sur ta jolie culotte ».
– « Voiture avec chauffeur » de et par Monique alias Fille de Mère-Nature
Quelle étrange impression ! Comme elle lisait bien ses propres mots ! Je fermai les yeux et fus propulsée en 1975.
– « L’après-midi fila à la vitesse de l’éclair et la voiture m’attendait déjà lorsque j’arrivai à la gare. Un homme y était déjà installé. Je m’assis à ses côtés, du bout des doigts, il souleva ma robe, écarta ma culotte et me regarda comme pour estimer la marchandise. Je le trouvais déplaisant, mais quand il sortit sa queue de son pantalon, je fus rassurée. Une longue cicatrice un peu brune dessinait une ligne presque droite le long de sa hampe. Catherine m’avait déjà parlé de cet homme un peu étrange, dont la timidité maladive l’handicapait avec les femmes, mais qui, dès qu’il était rassuré, s’avérait être d’une incroyable gentillesse. »
Tout en lisant ces mots, elle souleva ma culotte et glissa sa main vers mon pubis. Je retrouvai mes émois adolescents, quand, le traversin entre mes cuisses, je l’embrassais en imaginant que c’était Clara.
– Oh ! J’adore les poils de ta chatte ! Tu n’es pas choquée par ce mot, j’espère ?
– Non. Bien au contraire ! Comment il t’a touchée, la première fois, Jean-Luc ?
– Comme ça… ooh… j’aime vraiment tes poils, Odette ! Et pis… ils sont presque aussi blonds que les miens ! Putain ! T’es déjà trempée ! Au moins autant que moi !
– Parole, parole, parole…
– Tu me crois pas ?! Lève-toi, tu vas voir !
Elle se leva aussi. Surjouant un courroux agacé, elle ouvrit sa robe, la jeta à terre. Acheva de me dévêtir et se planta face à moi.
– Qu’est-ce que je disais ? Presque aussi blonds que les miens et au moins aussi mouillée que moi ! Tiens, puisque tu ne me crois pas…
Ce disant, elle prit ma main, la glissa entre mes cuisses avant de la remettre entre les siennes. Je l’embrassai. Nous reprîmes nos places sur le sofa. Monique m’invita à ne pas résister s’il me prenait l’envie de la caresser, de l’embrasser. Je la chambrai un peu d’avoir employé des termes aussi délicats.
– Mais… est-ce que j’aurais aussi le droit de te doigter et de te bouffer la chatte ?
– Bien sûr Odette, si tu ne crains pas que nos gouinages te fassent jouir !
– C’est toujours aussi facile… aussi évident entre vous ?
– Oui. Euh… sauf quand il s’agit de déterminer dans quel ordre on se présentera à toi ! « Caressant délicatement son membre du plat des ongles, je lui demandai s’il m’autorisait à le sucer un peu en attendant les autres passagers. Il accepta de bon cœur et c’est avec sa queue dans ma bouche que j’entendis la portière s’ouvrir sur les deux derniers passagers, qui nous saluèrent joyeusement. »
Monique avait repris sa lecture. Elle lisait, tenant son cahier d’une main et me doigtant de l’autre.
– Oooh ! Je comprends Jimmy ! Comme on est bien dans ta chatte !
Mes doigts allaient et venaient dans la sienne avec une aisance croissante. J’étais en train d’offrir du plaisir à une femme ! Cette prise de conscience me donna le courage de réaliser ce qui jusque-là n’était qu’un fantasme récurrent. Tout en écartant ses lèvres, je tendis ma bouche vers son clitoris qui saillait comme un petit diamant dans un écrin rosé. Enfin ! Enfin, je connaissais ce plaisir dont j’avais tant rêvé ! Que son goût m’a plu ! Et ses mots ! J’entendis le cahier tomber à terre.
– Fais-moi jouir, Odette… fais-moi jouir !
– Toi d’abord, Monique ! Toi d’abord !
– La Princesse est exigeante !
– Hey ! La Princesse doit choisir son témoin, c’est pas rien !
– Mais tais-toi donc !
En prononçant ses mots, elle appuya sur ma tête de telle façon que ma bouche se trouva plaquée contre son minou. L’odeur de son pubis me propulsa au milieu des étoiles. J’aurais passé ma vie ainsi, le nez collé à sa toison blonde, la bouche contre son sexe, ma langue titillant son clitoris. J’aimais quand elle avançait son bassin, quand elle écartait un peu plus ses cuisses, quand elle me demandait de la doigter plus fort… comme ça… et qu’elle me prodiguait des caresses rugueuses, pourtant si féminines… Que j’ai aimé lui indiquer par les miennes celles dont j’avais envie ! Je pensais « Tu fais l’amour à une femme ! Sens comme ça te fait jouir ! C’est bon ! C’est bon de se faire baiser par une femme ! Écoute ce qu’elle te dit ! Tu la fais jouir comme une sainte salope ! Écoute comme elle aime ça… et toi… »
Je décollai ma bouche pour hurler mon plaisir. J’avais oublié qui j’étais, où j’étais. Je n’étais que jouissance dans un océan de plaisir. Monique avait joui en criant que je la suçais comme une déesse.
Nous nous étreignîmes, nous embrassâmes tendrement, puis quoique chassé, le naturel revint au galop.
– C’est malin ! Non seulement, j’ai pas eu le temps de finir ma lecture, mais en plus je vais me faire engueuler ! Trente-sept minutes au lieu de douze… !
– T’as qu’à leur dire que tu te doutais qu’ils avaient besoin de plus de temps pour enfin prendre une décision !
– Oh, Odette ! Comme on va être heureux avec toi !
Elle m’embrassa sur la joue, me conseilla de mettre un peu d’ordre dans ma tenue, enfin… de me rhabiller et partit chercher mon prochain postulant.
Je ne l’entendis pas s’éloigner, mais reconnus son pas quand elle revint, ouvrit la porte pour m’annoncer dans un éclat de rire « Timing parfait, Princesse ! Ils viennent juste de se décider ! »