
J’ai demandé à Enzo et à Vincent de me laisser seule le temps de reprendre mes esprits. En fait, si j’en avais besoin, j’avais surtout envie de ressentir pleinement toutes ces sensations, physiques et psychologiques qui m’envahissaient, me submergeaient. Je voulais les ressentir, mais aussi en profiter. Ce n’était pas mon premier orgasme, ni même le plus puissant, non. Ce dont je voulais profiter pleinement, c’était cette zénitude. Me sentir enfin en accord avec moi-même, libérée de toutes ces pensées qui m’obsédaient. J’ai affronté ce fantasme qui me torturait et loin d’en être détruite, je me sens plus forte. Adulte. Enfin !
J’ai retrouvé Enzo dans la cuisine. Vincent s’occupait du verger. Il nous a rejoint peu après. J’ai réalisé que je suis restée plus longtemps que je ne l’aurais cru à profiter pleinement. Vincent s’est lavé les mains, puis, il s’est retourné, un joli sourire aux lèvres. Il est ressorti dans le jardin, en laissant la porte ouverte, avant de revenir avec quelques branches de lilas dont il a fait un bouquet qu’il m’a offert. Sans un mot, son magnifique sourire aux lèvres.
– Ah, c’est donc pour ça que tu voulais faire l’horticulteur, pour tomber les nanas !
– Ne l’écoute pas, Pauline, il est jaloux de ne pas y avoir pensé !
– De toute façon, tu n’as pas à me séduire, on a le même sang. On se comprend, tu n’as pas besoin d’inventer des mythos pour me séduire, toi au moins !
– Quels mythos ?
– « De vous trois, je crois que c’est tes seins que je préfère »… ça te dit quelque chose ?
– C’étaient pas des mythos ! Je le pense vraiment !
– Tu veux me faire croire que mes seins sont plus jolis que ceux d’Émilie ? Plus beaux que ceux de Manon ?
– Je n’ai jamais dit ça ! J’ai dit que je les préfère, c’est pas pareil ! Viens t’asseoir sur mes genoux, que je t’explique pourquoi…
J’hésitais un peu, je ne voulais pas que Vincent soit obligé de sortir de la cuisine. Il a compris sans que je dise le moindre mot.
– Si la situation devient indécente, je détournerai le regard, Pauline, mais je suis curieux d’entendre l’explication d’Enzo.
Je me suis assise sur ses genoux. Comme il sait si bien le faire, Enzo a glissé ses mains sous mon tee-shirt.
– Ce n’est ni une question de beauté, ni une question de taille… ce qui m’excite… Tu sens comme je bande, direct ?
Vincent a rigolé en me voyant lever les yeux au ciel.
– Ce qui m’excite, c’est que je t’ai connue plate comme une limande… Je ne me souviens pas d’avoir vu tes petits boutons devenir des bourgeons… mais, à chaque été, quand tu te mettais en maillot, je les voyais grossir… un peu plus chaque année… Si j’avais pu m’imaginer que je pourrais les caresser, les embrasser, leur faire l’amour… Putain, tous ces souvenirs… Alors, aussi beaux, aussi volumineux soient-ils, ceux de Manon, ceux d’Émilie ne m’offriront jamais ça… Pourquoi tu te lèves ?
– Parce que j’ai eu ma réponse !
– Et je vais rester comme ça ?! Tout seul ?!
– Manon t’attend chez tes grands-parents, elle saura y remédier… en plus, il n’y a personne dans les rues !
– Mais Manon passe la journée chez Jean-Luc ! Elle s’est enfin décidée à écrire à ses parents pour leur annoncer la nouvelle.
– La nouvelle ? Quelle nouvelle ?
– Bah… qu’elle a eu son bac, mention très-bien !
– Mais ça fait déjà presque un an ! Elle ne leur a toujours pas dit ?!
– Non. Et puis… elle veut le faire avant la session de cette année, pour pas s’entendre dire que le bac 2020 ne vaut rien, qu’il a été donné en cadeau aux candidats à cause du COVID.
J’ai regardé Vincent. J’ai regardé Enzo. J’ai pris le bouquet de lilas, je l’ai senti de toutes mes forces. Vincent souriait. Enzo souriait.
– Si on allait tous les trois chez tes grands-parents ? Que Vincent puisse me dire comment est la vue quand je suis sur le banc de prières et de contrition ? Avec un peu de chance, gourmande comme je la connais, Manon rappliquera sans qu’on ait besoin de la prévenir. Elle a un radar à plans cul !
Vincent et Enzo ont éclaté de rire, mais ils étaient d’accord avec ma proposition et aussi à propos du radar de Manon. Nous avons fait le chemin à pied, j’avais le gros bouquet de lilas dans les bras, les garçons portaient les boissons fraîches.
Vincent venait juste de mettre les fleurs dans un vase « N’oublie jamais de retirer le maximum de feuilles, si tu veux que ton bouquet tienne un peu plus longtemps », j’aidais Enzo à mettre les boissons au frais quand on a entendu une voiture s’arrêter, une portière claquer, la porte de la maison s’ouvrir. Manon est entrée.
– Pourquoi vous rigolez ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?
– Pauline pense que tu as un radar à plans-cul ! Elle a raison, ma parole !
– Parce que tous les trois… avec Vincent et Pauline ? J’ai raté un épisode ou quoi ?
On lui a expliqué l’idée qui nous était venue et comment nous l’avions mise en pratique chez Monique et Christian. Enzo et Vincent bandaient super dur rien qu’en racontant, je savais qu’ils étaient à l’étroit dans leur pantalon. Manon m’a regardée, elle souriait.
– À voir comme tu rougis, j’imagine les idées vicieuses que tu as en tête, Pauline ! Pour te punir, je vais t’enfermer dans la pièce à côté et je resterai avec Enzo et Vincent pour que tu ne sois pas tentée de…
J’ai fait genre « je suis désolée ». J’ai suivi Manon dans la bibliothèque, avant de fermer la porte, elle m’a demandé de lui dire comment je voudrais qu’ils la baisent et ce que je voudrais lui voir faire. Pendant que je lui expliquais, à un moment, on s’est regardées et, en même temps, on a ressenti, on a vraiment compris le lien qui unit Cathy et Monique, celui qui unissait Rosalie et Nathalie. On l’a compris parce qu’il nous unit, Manon et moi et qu’on ne le savait pas.
On est tombées dans les bras l’une de l’autre, en se souhaitant la bienvenue dans la Confrérie du Bouton d’Or. On a rigolé quand Manon a dit que pour « la blonde toison du bas », elle n’était pas encore prête. On a rigolé pour cacher notre émotion, mais on a quand même versé une ou deux larmes, comme dirait mamé Mireille.