
– Ma chérie, mon amour, notre stratagème a porté ses fruits, c’est une totale réussite !
Mon époux, tout guilleret, me tend une enveloppe qu’il a trouvée dans notre boîte à lettres. Je découvre l’écriture de notre voisin, je souris en lisant ses mots et ses formulations volontairement ampoulées.
Cher voisin et néanmoins ami,
Je voulais vous faire part de mon trouble concernant le comportement de madame votre charmante épouse à mon encontre. Comportement que je ne sais comment interpréter.
Il m’a semblé remarquer qu’elle prend un malin plaisir à monter dans l’ascenseur quand je m’y trouve et que d’autres habitants de l’immeuble y sont déjà. Profitant de l’espace réduit et de la lenteur de l’ascension, elle se colle contre mon corps, mais non contente du trouble qu’elle sait faire naître en moi, elle salue chacun des passagers d’un joyeux « Bonne année ! », ce qui ne manque pas de me rappeler de délicieux souvenirs.
Ne voulant pas prendre le risque de surinterpréter cette attitude, je préférais, jusqu’à présent, y voir de simples coïncidences, mais comment parler d’innocentes coïncidences quand, à l’instant, je découvre dans la poche de ma veste une de ses jolies culottes, toute moite de ses divins sucs ?
Si c’est une façon de me taquiner, je trouve madame votre si désirable épouse bien cruelle, mais peut-être devrais-je voir dans son attitude une invitation discrète à partager à nouveau de très belles heures avec vous ?
Je dois me rendre ce jour à la remise officielle de ma médaille grand or du travail, qui sera suivie du pot organisé à l’occasion de mon départ à la retraite. Afin de me permettre de retrouver une sérénité certaine, et si vous souhaitez éclaircir ce point en répondant à mes interrogations, je vous saurais gré de bien vouloir laisser votre porte entrouverte, je pense être de retour à 21 heures au plus tard.
Je vous prie de recevoir, mon cher voisin et néanmoins ami, l’expression de mon profond respect et d’adresser à madame votre si séduisante épouse, mes salutations qui n’aspirent qu’à ne plus être très distinguées.
Je n’ai pas eu le cœur à sortir le bouquet de gui de l’écrin dans lequel je le conserve depuis le 9 janvier, mais nous avons eu l’idée de confectionner cette banderole que nous avons accrochée au-dessus du canapé, quelques instants avant d’entrouvrir notre porte d’entrée. L’attente nous a ainsi paru moins longue.
Mon souffle devient court, je viens d’entendre la porte de l’ascenseur s’ouvrir sur notre pallier.