Le cahier à fermoir – Jeudi 5 juillet 1945

Tu sais quoi, mon cher journal ? Henriette et Maurice vont se marier ! Et puisque Jean-Baptiste et moi nous marierons le jour de la Sainte-Henriette, ils ont choisi de passer devant monsieur le Maire (et devant le curé, on ne se refait pas) le 22 septembre, jour de la Saint-Maurice. Quand elle m’a donné la primeur de cette nouvelle, on a ri, on a pleuré de bonheur. Mais bon, maintenant que je t’ai dit le principal, laisse-moi tout te raconter en détail.

Henriette est arrivée avec un grand panier contenant le déjeuner. Un déjeuner très spécial. Elle voulait me faire goûter le menu que Maurice tient à nous offrir pour notre repas de noces. Sans en dévoiler davantage, je peux te dire qu’on va se régaler, un vrai repas de fête comme avant guerre ! Je sais bien que c’est sa façon de me remercier d’avoir donné mon sang quand Henriette était entre la vie et la mort, sauf que de mon point de vue, elle s’en serait sortie même sans cette transfusion. La convalescence aurait été plus longue, mais c’est l’intervention de Maurice qui lui a sauvé la vie.

Je regardais Henriette dresser les plats sur la table, en salivant déjà, je lui répétais « C’est trop, c’est beaucoup trop ! »

– Ça tombe bien, j’aurais deux petits services à te demander, comme ça nous serons quittes.

– Deux petits services ?

– Maurice m’a demandée en mariage, alors est-ce que tu voudrais être mon témoin ?

– En mariage ?! Et tu m’annonces ça comme ça ?! Bien sûr que oui, j’en serais plus qu’heureuse, mais… et Marcelle ?

– J’attendais ta réponse pour lui demander

– Et quand aura lieu la cérémonie ?

– Un samedi

– Un samedi ? C’est vague, ça, un samedi… comment je note ça sur mon calendrier, un samedi ?

– Oh ce que tu es enquiquinante avec ta manie de la précision ! Tu vois, c’est Jean-Baptiste qui a déteint sur toi, crois-moi, avant tu n’aurais pas fait tant d’histoires… Avant, tu aurais dit « Chouette, un samedi ! » mais maintenant, madame (elle a dit ce mot avec l’accent du 16e) exige que je lui précise lequel… T’es passée de l’autre côté de la barricade, ma chère Louise, permets-moi de te le dire ! Bon, puisque tu veux tout savoir, le samedi 22 septembre, ça te va ?

– Oui

– Et maintenant que tu connais la date, tu ne la notes pas ?! C’était donc bien pour me faire… comment tu dirais, maintenant que t’es d’la haute ? Ah oui, pour me faire déféquer !

Je suis allée chercher le petit agenda que Jean-Baptiste m’a offert au Nouvel-An, j’ai tourné les pages jusqu’au samedi 22 septembre. Henriette a posé son index sur la page.

– Voilà, c’est là, le samedi 22 septembre… le 22 septembre… oh regarde, c’est un jour de pleine lune !

– Mais, Henriette, ça tombe le jour de la Saint-Maurice !

– Nom d’un chien ! Quel étrange hasard ! Si tu ne me l’avais pas fait remarquer…

– Arrête de me charrier !

– Moi ?! Te… charrier ?! Mais vous me faites offense, madame la duchesse ! On s’est dit que la Saint-Maurice serait de bon présage, puisque tu as choisi de te marier le jour de ma fête… et puis ça te laisserait du temps pour…

– Du temps pour quoi ?

– Pour le deuxième service que je voudrais te demander…

Elle me mettait les nerfs en pelote avec tout ce suspens. Parce que figure toi qu’elle dressait les plats sur la table quand elle a évoqué « les deux petits services » et qu’on était en train de manger le plat principal quand elle m’a demandé le second ! Et encore, c’est parce que je l’ai menacée de refuser le premier si elle n’accélérait pas le mouvement.

– C’est à propos de la robe… j’ai quelques idées, mais que dirais-tu de me la dessiner et de me la confectionner ? Ah, tu vois ! C’est pour ça que je faisais traîner les choses, pour attendre la fin du repas ! T’en as foutu partout en lâchant ta fourchette dans ton assiette !

Je regardais les petits pois qui éclaboussaient la nappe comme de petites gouttes d’eau vertes. L’émotion m’avait coupé le sifflet. Henriette riait, même ses yeux étaient de la partie. Elle est très jolie d’ordinaire, mais à cet instant précis, elle était plus que belle. J’ai fait oui de la tête. Je sentais les larmes au bord de mes cils. Elle connaît mon rêve d’être couturière, on en a parlé dès notre première rencontre. Et l’une comme l’autre savons qu’il ne se réalisera jamais… et une robe de mariée, en plus ! Le clou de chaque collection ! Mais je me suis vite reprise.

– Tu m’avais promis de me demander deux petits services pour m’acquitter de ma dette auprès de Maurice et au lieu de ça, tu m’offres deux cadeaux, dont le plus beau qu’une pauvre fille comme moi puisse rêver. C’est pas du jeu !

– Ben, ma vache, t’es d’venue une vraie parisienne, tu râles, tu râles, c’est tout c’que tu sais faire !

– T’as raison, ma Rirette !

On a éclaté de rire parce qu’on parlait en imitant la gouaille de Marcelle, ainsi elle était un peu avec nous. Nous avons passé l’après-midi à parler de cette robe, j’ai promis à Henriette de faire quelques croquis et de les lui montrer dès aujourd’hui. La sonnette de l’appartement a retenti en début de soirée, j’étais étonnée que Jean-Baptiste ait oublié sa clé, mais en fait, c’était Marcelle qui venait me voir « à l’improviss’ ». Tu parles, Henriette a été la trouver à l’entrée de son usine, ce matin juste avant l’embauche pour lui demander de passer chez moi.

– Bon, alors c’est quoi ce truc de qu’on devait causer ce soir chez Louisette ?

– Je vais me marier avec Maurice, le 22 septembre, c’est un samedi, est-ce que tu voudrais être mon témoin ?

– Un peu que j’le veux et un samedi en plus, ça me laissera tout le dimanche pour me remettre !

– T’es chanceuse, Marcelle, elle t’a donné la date tout de suite, à moi, elle a dit « un samedi » !

– Ben alors, Rirette, qu’est-ce qui t’a pris ? T’as joué avec les nerfs de madame « on me pose la question en premier, mais ça me suffit pas », tu sais madame « je me marie pas le samedi comme le populo, moi c’est en semaine comme ceux d’la haute » ?

– Tu vas pas t’y mettre à ton tour ! Flûte alors, je n’ai pas tant changé que ça !

– « Flûte alors » ?! Tu vois avant d’être à la colle avec ton Jean-Baptiste, tu faisais moins de chichis, t’aurais dit « Merde, alors ! », comme tout le monde, mais maintenant on cause chic…

– Ha ! T’es d’accord avec moi, j’lui ai dit moi aussi, c’est la faute de son Jean-Baptiste qui a déteint sur elle…

– De toutes les façons, c’est toujours de la faute des bonshommes, nous on leur offre notre fraîcheur, nos qualités et eux ils nous gâchent tout en nous imposant leurs défauts !

On riait de sa mauvaise foi. J’ai fait amende honorable en leur promettant de veiller à ne plus faire de manières quand nous sommes entre filles.

– Marcelle, je ne veux pas faire ma chichiteuse, mais ça me ferait plaisir si tu pouvais venir accompagnée à la noce. Jean-Baptiste a embauché le fou chantant du square Dupleix pour nous faire danser et ça m’ennuierait que tu fasses tapisserie…

– T’as raison, Louisette, je vais demander à Xavier… t’imagines, si j’avais pas de cavalier, Rirette serait capable d’aller débaucher un autre séminariste !

Ce qui a de bien avec Marcelle, c’est qu’elle ne fait pas de jalouse en matière de moquerie, maintenant que j’avais eu mon compte, c’était au tour d’Henriette d’être servie ! On s’amusait tant à se taquiner que je n’ai pas vu l’heure tourner. Jean-Baptiste a ouvert la porte avec deux heures de retard.

Il était accompagné de Maurice « qui avait un petit service à me demander ». Nous savions tous lequel, alors Maurice a ouvert une bouteille de mousseux pour fêter ça.

– Je trinque avec vous de bon cœur, mais je ne boirai pas, je suis un peu pris de boisson !

Henriette et Marcelle ont failli s’étrangler de rire. Après leur départ, il a bien fallu que je lui en explique la raison.

– Comment ça, j’ai déteint sur toi ? C’est parce ce que je suis noir ?

– Ne te fais pas plus bête que tu n’es ! Elle parlait de ton côté chichiteux !

– De mon côté chichi… quoi ?! Que signifie ce mot ?

– Voilà ! Voilà justement ce qu’il signifie, monsieur le chichiteux ! Et si tu veux que je tombe dans ce piège grossier que tu me tends, évite de sourire !

– Je t’assure de ma parfaite bonne foi, mon amour, la main sur le cœur, je ne connais pas ce mot ! Mon sourire est né de l’amusement provoqué par la mélodie du terme !

– C’est ton côté maniéré, tu fais toujours preuve de la plus parfaite retenue, quelles que soient les circonstances, tu ne franchis jamais les limites de la bienséance !

– Moi ?! C’est vraiment ainsi que tu me définirais ? Jean-Baptiste le flegmatique, le chichiteux, l’homme qui ne franchit jamais les limites de la bienséance quelles que soient les circonstances ?

Son regard pétillait, son sourire s’élargissait. Je voyais bien à quelles circonstances il faisait allusion, pour autant je n’allais pas capituler !

– Henriette ne connaît pas l’existence d’Albert, mon cher, ni de tous ces pas de côté qu’il t’oblige à faire !

– Viens dans mes bras, ma Louise !

Blottie dans ses bras, je regardais son visage à la beauté si parfaite. J’adore le couvrir de baisers en lui répétant à quel point il est beau, mais nous étions debout, ce qui m’a empêchée de le faire.

– Ma promise, ma mie, le manuel du savoir-vivre, qui depuis toujours est ma bible, me recommande dans le cas présent de…

À peine avait-il déboutonné mon corsage que mes seins ont jailli comme s’ils voulaient se précipiter dans le creux de ses mains. Je me suis plainte d’avoir les jambes en coton, je lui ai demandé de s’asseoir sur le beau fauteuil en cuir et de me prendre sur ses genoux afin de vérifier l’état de mon cœur. Galant homme, mon Jean-Baptiste s’est exécuté, non sans me demander si se soumettre à ma requête ne ferait pas de lui un homme plus chichiteux qu’il ne l’était déjà à mes yeux. Voyant que je risquais de le prendre au mot, il n’a pas poussé la plaisanterie plus avant.

– Je suis loin d’avoir tes compétences en matière médicale, mais je suis sûr d’une chose, c’est que pour vérifier l’état de ton cœur, j’ai besoin que tu sois complètement nue, mon amour lumineux !

– Si cela t’est nécessaire…

Du bout de son index, Jean-Baptiste faisait le tour de mon mamelon qui pointait encore plus fort que d’habitude. Jean-Baptiste me rend folle de désir quand il pince les lèvres de cette façon. Il a posé sa joue sur mon sein, sa main a glissé entre mes cuisses. Je sentais Albert tendu à en faire exploser le pantalon, je sais que Jean-Baptiste apprécie cette sensation, surtout quand il sait qu’il pourra le libérer quand la pression sur le tissu lui deviendra désagréable. Jean-Baptiste prenait tout son temps, ses doigts exploraient Albertine sans la pénétrer, comme si c’était la première fois qu’il la caressait.

J’ai remarqué notre reflet dans la vitrine du buffet. J’ai repensé aux mots que j’ai découverts en rangeant la chambre de l’aîné des fils Dubois, une feuille arrachée d’un calepin qui s’est échappée d’un manuel de grec ancien. Avait-il recopié cette histoire ? L’avait-il inventée ? Était-ce une confession ? Le souvenir d’un rêve ? Je n’en sais rien. Mais en voyant notre reflet dans la vitre, j’ai ressenti la même excitation qu’en lisant ces mots.

J’ai écarté davantage mes cuisses, pour me sentir plus lascive, plus dépravée, parce qu’en réalité je n’en voyais pas plus. Les doigts de Jean-Baptiste ont pénétré Albertine. Les mots sont revenus plus clairement. J’ai tendu mon sein vers la bouche de Jean-Baptiste, le lui ai donné à téter. Je me suis sentie envahie par une vague de plaisir, mais un plaisir troublant, un plaisir de dépravée. J’ai été surprise de n’en concevoir aucune honte. Je jouissais comme une catin de bordel de mon Prince Charmant qui sera bientôt mon époux et dont je porte l’enfant.

J’ai été prise dans un tourbillon de folie sensuelle. Les doigts de Jean-Baptiste sentaient Albertine palpiter, je les savais inondés, mais alors qu’il me tétait encore, j’ai fait glisser mes mains le long de mon corps, le long de mes cuisses, pour remonter et caresser le bouton de rose d’Albertine. Je sentais Albert trépigner d’impatience, mais le savoir captif dans sa geôle de tissu, avait toute sa part dans le plaisir que nous prenions ensemble. Tout autant que les grognements d’aise de Jean-Baptiste et l’accélération brutale de ses doigts allant et venant dans Albertine. J’ai crié comme une chatte en chaleur appelle le matou. Enfin apaisés, nous nous sommes embrassés et couverts de mots doux. J’ai remarqué le sourire en coin de Jean-Baptiste.

– Tu me trouves toujours aussi chichiteux, maintenant ?

– Un peu, mais c’est pas grave, mon chéri le chichiteux !

– Que dois-je faire pour ne plus l’être à tes yeux ?

Je me suis levée, j’ai reculé de quelques pas, j’ai attrapé le grand napperon en dentelle qui recouvrait la table, je m’en suis servi comme le font les danseuses exotiques.

– Si tu n’étais pas chichiteux, tu me regarderais avec tant de désir que tu attirerais mon attention et pour m’inciter à venir te rejoindre, tu te car… tu te branlerais avec malice, comme un vrai gars des faubourgs ! Si t’étais pas chichiteux, tu ferais naître en moi la flamme d’un désir fou, prometteur de beaucoup de plaisirs…

– Je me fais fort de relever ce défi !

– Si t’étais pas chichiteux, tu dirais pas ce genre de phrase, tu me dirais « Hep, poulette, tu veux en tâter de ma grosse bite ? »

– De ma grosse bite ? Ah ! non ! c’est un peu court, jeune fille ! On pourrait dire… Oh ! Dieu !… mon esprit vacille. En variant le ton, par exemple, dites : Suggestive : Moi, Monsieur, si j’avais une telle bite, il faudrait sur-le-champ que je me la branlasse ! Inquiète : Dans votre slip a-t-elle assez de place ? Puisque je l’imagine peu repliable ! Enthousiaste : Qu’elle est belle !… Magnifique !… Admirable ! Que dis-je, admirable ? C’est une merveille ! Curieuse : Dans le monde a-t-elle sa pareille ? Gourmande : Mon Dieu, un tel phallus… Sur le champ, il faut que je le suce ! Biblique : Je délaisse mes voiles, j’oublie Salomé et sur Jean-Baptiste à toute hâte je viens me frotter !

J’ai fait semblant de ne pas remarquer qu’il avait modifié la tirade du nez de Cyrano de Bergerac, j’ai haussé les épaules et d’un air las, je lui ai répondu.

– C’est peut-être bien dit, mais ça reste du chichi ! Un vrai mâle parlerait autrement ! Allez, lâche tes mots les plus crus, comme on libère un fauve de sa cage !

Jean-Baptiste s’est levé, il s’est déshabillé et a jeté ses vêtements au loin comme on se débarrasse de vieilles guenilles. Il s’est rassi dans le fauteuil sans allumer la lampe. La pénombre le recouvrait d’un voile pudique (je suis sûre qu’il serait fier de moi en lisant ces mots !). J’ai détourné le regard. Jean-Baptiste se parlait à lui-même, comme si je ne pouvais pas l’entendre.

– Quelle beauté ! Et ses nichons… une merveille ! Que dis-tu, Albert ? Tu voudrais bien qu’elle te branle entre eux… comme je te comprends… en attendant, tu te contentes de ma main… Tu es plus gros à chaque fois que tu la regardes. D’accord, je vais tenter d’attirer son attention…

Un sifflement bref et pas très fort, comme sifflent les mauvais garçons. J’ai été surprise de l’entendre, j’ai tourné le visage vers lui.

– T’as vu comme je bande pour toi ?

– Ah bon ? D’ici, j’vois pas grand-chose…

– Approche et viens admirer mon gourdin !

– Ton gourdin ?! Tu es bien sûr de toi !

Je me suis approchée. J’ai fait mine de le découvrir pour la première fois.

– Alors ? Il est assez gros pour toi ? Assez dur pour ta petite chatte ?

– Comme tu y vas ! On ne se connaît pas, n’espère pas autre chose de moi que…

Son bras reposait sur l’accoudoir. Je l’ai chevauché et je me suis frottée dessus tout en poursuivant cette conversation.

– Que ? Explique-moi ce que tu es prête à m’offrir…

– Tu ne sens pas comme je suis humide de désir ? Ta peau est à ce point insensible ? Non ! N’arrête pas ! Dis-moi ce que tu sens dans le creux de ta main.

– Je sens ma queue, dure, elle grossit encore quand je regarde tes nichons… Je l’imagine leur faisant l’amour. Je regarde ta figure et j’imagine ma queue si dure dans ta bouche… Mais…

– N’arrête pas de te branler ! Pourquoi tu ralentis ?

– Si je ne le fais pas… je ne pourrais rien retenir… mes couilles sont pleines et se remplissent encore… et je sens ta petite chatte humide s’agiter sur mon bras…

– Tes couilles sont si pleines que ça ? Laisse-moi y regarder de plus près… dans cette pénombre, je n’y vois rien !

– Tu aimes ce que tu vois ?

– Et toi, tu aimes ce que tu sens sur ton poignet ?

Jean-Baptiste a cessé toute caresse, je savais pourquoi. Quand il inspire comme ça, en faisant siffler l’air entre ses dents, c’est que son plaisir est sur le point d’exploser. Je lui ai laissé un court répit, le temps pour moi de le rejoindre dans cette montée de jouissance. Quand j’y suis arrivée, il a repris ses caresses.

– Ça t’excite de mater ma grosse bite ? Ça t’excite de me mater quand je me branle pour toi ?

– Et toi, ça t’excite de me sentir chaude et humide sur ton avant-bras ? Ça t’excite de mater mes nichons de si près ? Ça t’excite de penser à ta queue entre eux qui ferait comme ça ?

De ma main, j’ai mimé le mouvement. Jean-Baptiste en est resté muet. Il a respiré en sifflant. Cette fois, je ne lui ai laissé aucun répit, j’ai pris ses bourses dans le creux de ma main, je les ai soupesées.

– Tu crois que tes couilles sont pleines à déborder ?

Je ne lui ai pas laissé la possibilité de répondre. Je l’ai embrassé, en m’arrangeant pour que mes seins frottent contre sa peau. Son râle a traversé mon corps. J’ai senti quelques gouttes de sa jouissance éclabousser ma peau. Il a aussitôt lâché Albert et sa main a tenu ma nuque pour m’empêcher de décoller ma bouche de la sienne. Notre baiser est devenu diablement savant. J’ai ouvert les yeux pour plonger dans son regard. Je pouvais lire dans son âme et lui dans la mienne.

Mon cri a traversé son corps, Albertine jouissait, jouissait encore et mon cri semblait ne jamais vouloir finir. Je ne saurais dire combien de temps a duré cette extase. Soudain, mon corps est devenu tout mou, comme si je m’étais transformée en poupée de chiffon. Jean-Baptiste m’a serrée dans ses bras. Plus tard, quand nous avons regagné notre lit, Jean-Baptiste faisait semblant de se plaindre. Il regardait son torse maculé, son avant-bras poisseux.

– De quoi j’ai l’air maintenant ?

– D’un homme un tout petit peu moins chichiteux et qui pensera à son amour lumineux à chaque fois qu’il regardera son bracelet-montre !

– Crapule !

– Merci du compliment !

Albert et Albertine nous ont laissés en paix jusqu’au petit matin.

Mercredi 11 juillet 1945