Nous sommes arrivés à Vancouver. Jimmy avait réservé une suite dans un hôtel de luxe. Je ne sais pas comment il a réussi cet exploit dans un délai aussi court. Le garçon d’étage sorti, nous nous retrouvâmes seuls pour la première fois. Je redoutais le moment où il me verrait nue. Je le lui dis, sans me poser plus de questions que ça.
Jimmy me proposa de tamiser la lumière, puis nous décidâmes de profiter des heures précédant le réveillon pour refaire connaissance. Nous avions trop peu de temps devant nous et nous étions trop fatigués du voyage pour aller visiter la ville. Nous nous réjouissions de cette situation paradoxale, une réelle intimité, une indéniable complicité nous unissaient, pourtant nous en savions si peu l’un de l’autre.
Jimmy sortit une enveloppe de sa valise et me la tendit. Je reconnus tout de suite l’écriture de Sylvie, qui en préambule plaisantait sur l’aspect rééducation post-coma de l’exercice.
Les deux points qui m’ont le plus frappée, à la lecture de la lettre de Sylvie, furent l’absence totale de toute forme de jalousie et le goût de ces dames pour la sodomie. Avec Bertrand, nous nous y étions essayé une fois ou deux, sans grand succès et avec beaucoup de douleur. Je m’en livrai à Jimmy qui avait son regard coquin et attendri.
– Je crois que je vais devoir te demander, pour la seconde fois, de me rendre un service…
– Il était inclus dans le pack « Nouveaux horizons », Princesse !
– Pourquoi n’avons-nous pas fait notre vie ensemble ?
– Pour avoir la chance de vivre une histoire unique, qui sait ?
– Tu crois qu’on pourrait faire comme l’autre fois ? Même sans bateau-mouche ? On s’installerait sur la terrasse, un peu de Champagne et… je sentirais à nouveau le plaisir de me savoir désirée…
– Princesse, ça a si bien fonctionné la première fois, nous serions idiots d’y renoncer !
Je lisais les mots de Sylvie et j’étais excitée par certains de leurs amis. Christian, par exemple, j’étais troublée en imaginant le plaisir qu’il prenait à regarder Monique se faire baiser par d’autres, tout près de lui, le plaisir qu’il prenait à la voir jouir d’autres hommes. Je l’imaginais et le comprenais, j’enviais Monique d’avoir pu vivre cette relation pendant toutes ces années.
L’idée de Sylvie de m’écrire cette lettre était tout bonnement géniale. Je la relus une première fois, puis une autre à haute voix. J’interrompais ma lecture dès qu’une question me venait à l’esprit.
– C’est marrant tout de même… tu gardes ça pour toi, mais… Martial en sex-symbol… j’ai du mal à l’imaginer ! Et Jean-Luc ! Jean-Luc si réservé, presque « autiste »… Jean-Luc, le super timide… d’ailleurs j’étais persuadée qu’il était resté vieux garçon à cause de ça… Alors, savoir que le pauvre petit Jean-Luc est en réalité un gros vicelard… quelle surprise !
Jimmy était mort de rire. La vision que j’avais de son ami l’amusait beaucoup.
– Que veut dire Sylvie quand elle écrit « et pendant ce temps, Martial et Monique peuvent se laisser aller à leur perversion » ?
Jimmy sourit, le regard au loin.
– Ils baisent tout en se lisant à mi-voix, une pièce de Shakespeare… toujours la même…
– Et Sylvie appelle ça « perversion » ?! T’as vu ce qu’elle me raconte par ailleurs ? Elle est gonflée, tout de même ! C’est quelle pièce ? Roméo et Juliette ? Le songe d’une nuit d’été ?
– Ah. Je retire ce que je viens de dire. Titus Andronicus ?! Mais c’est un grand malade ! Pourquoi tu ris ?
– Je suis heureux… et soulagé aussi… mais avant tout heureux.
– Je me sens toute bête avec mon aventure extraordinaire. Me voici à nouveau la petite pucelle innocente… à côté de ce que…
– Arrête ça tout de suite, ma chérie ! Ce n’est pas une compétition ! On ne participe pas à un rallye érotique avec des cases à cocher à chaque étape ! Je voulais simplement te raconter cet aspect de ma vie, parce que je ne veux pas te le cacher, en aucun cas, je ne voulais te dire « si tu veux de moi, voici ce que j’attends de toi ».
– Je sais bien… mais ce lourd secret que je t’ai raconté dans l’avion… si tu savais comme il m’a pesé… Pourquoi me suis-je tue ? Je racontais mes joies et mes peines à Sylvie, mais je n’ai jamais osé lui avouer… J’avais peur de la choquer, peur de son jugement… Quelle idiote je fais !
Je sentais venir les larmes, mon corps commençait à se crisper. J’ai demandé à Jimmy quelques instants rien que pour moi et partis me refaire une beauté dans la salle de bain. J’ouvris la porte, redécouvris le luxe des lieux, me regardai dans le miroir, me souris, ressortis de la salle de bain et me dirigeai vers le dressing. Le contenu de nos deux énormes valises n’en remplissait pas le quart ! J’enfilai ma robe la plus sexy et revins dans le petit salon où m’attendait Jimmy, qui siffla d’admiration. Je tournais sur moi-même, me cambrant au maximum. « Tu aimes ? ». Jimmy se leva, me prit par la main et m’entraîna dans un slow très collé-serré.
– La perversion est héréditaire chez les Touré, on dirait ! Ton frère avec ses lectures et toi avec le supplice de Tantale que tu m’infliges !
C’était précisément les mots que je voulais entendre et ses mains sur mes reins, sur mes fesses… Je voulais encore profiter de cette sensation, me sentir belle, désirable, invincible.
– Comme elle est un peu juste au niveau du popotin, j’ai préféré ne pas mettre de culotte, pour éviter les marques disgracieuses… Ça ne t’ennuie pas ?
– Tu mériterais que je te réponde « Si, ça m’ennuie » !
Il m’embrassa. Nos corps s’embrasèrent. Mes craintes s’envolèrent. Je voulus passer ma main sous sa chemise. Jimmy retint mon geste « Sinon, je ne réponds plus de rien, Princesse ! »
– Si on m’avait dit, il n’y a pas deux mois, que je serais aussi impatiente d’être au Nouvel-An ! Tout est si simple avec toi… tout devient possible… Hey ! Mais je ne me souvenais pas que tu dansais si bien !
– Peut-être parce que la seule fois où on a dansé ensemble, c’était à ton mariage et que la lascivité n’aurait pas été du goût de tous…
La même question tournait en boucle dans ma tête.
– Je n’arrive pas à comprendre comment votre arrangement a tenu toutes ces années… comment Martial peut accepter que tu te branles sur des photos de Sylvie… comment elle peut accepter qu’il couche avec d’autres femmes… comment faites-vous pour ne pas vous sentir rivaux les uns les autres ?
– Les grands-parents de Monique et ceux de Christian menaient déjà ce genre de vie. Leur village était tout petit, ils en étaient sinon des notables, pour le moins des personnalités connues de tous et personne n’en a jamais rien su. Ils nous ont transmis la certitude que ce mode de vie était possible sur le très long terme, à condition d’être tout à fait d’accord sur ce que l’on veut, sur ce que l’on ne veut pas et de ne pas hésiter à en parler si nous changions d’avis.
– Mais… Sylvie n’est pas jalouse quand Martial… ou que… on se compare toujours un peu, non ?
– Non. Enfin, si. Mais non. Pas comme tu le crains. Je ne vais pas te donner un point de vue de femme, puisque comme tu es en train de le remarquer, je suis un homme, mais je vais te donner deux exemples, viens…
Il desserra son étreinte, me demanda de le suivre, sortit une photo d’un agenda ou de ce qui ressemblait à un agenda, s’installa dans un large fauteuil et m’invita à venir m’asseoir sur ses genoux.
– Comme je te le disais, ma Princesse chérie, je vais te donner deux exemples…
– Vas-tu me faire le conteur cévenol ou seras-tu sérieux ?
– On ne peut plus sérieux… Fatché ! Vu d’ici, ton décolleté est encore plus vertigineux ! Regarde, la photo date un peu, mais la fraîcheur des corps n’altère en rien mon propos…
Je regardais la photo avec amusement. Une bande de copains, dans une pose volontairement ridicule, les hommes quasi nus, si ce n’étaient des chaussettes aux pieds, des manchettes ornées de boutons aux poignets, les bras croisés dans une posture faussement virile… les femmes à leurs pieds, certaines assises ou allongées, une agenouillée, toutes portaient un déshabillé vaporeux retenu par une broche, qui laissait apparaître leur corps.
– Question comparaison et complexes, regarde… là, c’est Joseph qui bande et à côté, c’est Alain qui ne bande pas. Non, non, aucun trucage, aucun défaut… Joseph a une toute petite bite et Alain est monté comme un âne. Évidemment, quand ils s’envoient en l’air avec Cathy… c’est elle… ou avec Monique, la petite blondinette…
– La perverse, oui… Titus Andronicus ! Ils sont malades !
– Eh bien, quand ils s’envoient en l’air avec l’une ou l’autre, tu imagines bien qu’ils n’ont pas les mêmes… arguments ! Chacun fait avec ce qu’il est et pas en fonction de normes… Toutes les femmes de notre petite bande affirment jouir aussi fort et aussi bien de l’un comme de l’autre…
Autre exemple, là c’est Mireille. Imagine la petite bourgeoise provinciale, mère de famille nombreuse, catho et tout, Madame Prout-Prout, elle est mariée avec Daniel, lui… là… monsieur très comme il faut, commissaire-priseur, conseiller municipal pendant quinze ans, maire pendant quelques mandatures, grand partouzeur s’il en est. Je l’ai vu littéralement se transformer quand son épouse a rejoint notre petite bande. C’est comme s’il avait rencontré Dieu ! Bien sûr, il aimait sa femme avant. Bien sûr, pendant des années, il a mené une double-vie qui lui convenait, pourtant quand Mireille nous a rejoints, qu’elle a aimé ça et qu’elle est devenue une membre de la bande, leur amour s’en est trouvé décuplé…
Et Mireille, figure-toi que son amant de cœur, c’est lui. Marcel… le plus bourrin d’entre nous… Mireille le dit toujours, pour Marcel, elle aurait fait le tour du monde à genoux. Tu crois que son mari est jaloux ou qu’il la moque ? Hé bé, figure-toi que quand Sylvie attendait Sébastien et que Cathy était enceinte des œuvres de Christian, Daniel a su percevoir le désir de Mireille et lui a proposé de céder à son envie, si elle voulait porter un enfant de Marcel. Marcel qui a un profond respect et une admiration infinie pour Daniel.
En excluant d’autorité toute forme de compétition, nous avons évité l’écueil de la jalousie. Et du côté des femmes, Christian raffole des branlettes espagnoles, passion qu’il partage avec Daniel et, comme tu peux le voir, Monique, question nichons, c’est plutôt Waterloo, morne plaine… mais elle a d’autres atouts…
– Si j’en crois l’air béat de Jean-Luc… Putain, le petit Jean-Luc, quoi ! Je croyais qu’il mourrait puceau… Jean-Luc ! Donc Monique aime sucer Jean-Luc qui apprécie les pipes de Monique…
– Qui ne les apprécierait pas ? Les pipes de Monique sont légendaires et Jean-Luc est son amant de cœur…
– Et celui de Sylvie, c’est… toi ?
– Moi ?! Certainement pas ! L’amant de cœur de Sylvie c’est l’objectif de la caméra, l’œil des spectateurs, mais certainement pas moi !
– Et celui de Cathy ?
– C’est Christian… pourquoi me regardes-tu comme ça ?
– Te sentirais-tu capable de glisser ta main dans mon décolleté que tu reluques comme un fou, pour sentir comme mon cœur bat la chamade, mais de ne pas aller plus loin avant minuit ?
– Te sentirais-tu capable de me réanimer ensuite ?
– Ça devrait être dans mes cordes…
– Hmm, l’infirmière coquine nue sous sa blouse… le fantasme absolu !
– L’infirmière perverse dans mon cas, puisque j’exerçais auprès de gamins entre dix et seize ans ! Et merci d’arrêter de rigoler !
– Tu sais que Christian l’était aussi, infirmier ?
– Non, mais je savais qu’Alain parle couramment anglais et qu’il a une discothèque incroyable.
– Comment tu sais ça?
– Les fils de Sylvie nous l’ont assez seriné ! Et Delphine avait des étoiles dans les yeux quand elle évoquait son élégance et son chic. Mais celui qui en parlait tout le temps, c’était Julien… Ooh !
– Comme dans mon souvenir ! Ta peau est toujours aussi douce sous ma main… laisse-moi en profiter encore un peu… comme ça…
– Alors, c’est toi qui me mets au supplice !
Le sommeil s’est emparé de nous, c’est l’arrivée du room-service qui nous a trouvés là, assis dans le fauteuil, la main de Jimmy dans mon décolleté, sa bouche sur ma nuque.
– Pourquoi lui as-tu dit d’entrer ?
– Pour qu’il nous souhaite un joyeux réveillon avec le sourire attendri qu’il avait. On attend minuit pour dîner ?
– Euh, je préfère qu’on prenne des forces avant…
– Serait-ce une proposition cachée ?
– Non. Pas le moins du monde. Pas cachée du tout ! Tu dois bien te douter que si j’ai accepté de venir ici, c’est pour faire de toi mon esclave sexuel ! Sinon, autant rester en Seine-et-Marne !
Nous sommes allés sur la terrasse. Jimmy avait ouvert une des baies vitrées, nous entendions les rumeurs de la ville. Je n’avais pas réalisé que nous avions dormi si longtemps.
– Regarde ! L’océan Pacifique, le Pacifique, Jimmy ! Tu te rends compte ?
Je sentais son souffle sur ma nuque. Il me murmurait des mots d’amour.
J’avais oublié l’effet que me font ses lèvres, son souffle, ses mots quand il me parle ainsi, à la naissance du cou… Je sentais ma peau réclamer sa morsure avec cette certitude « dès qu’il m’aura mordue, je redeviendrai princesse ».
Le compte à rebours a commencé.
10 | le bouton en haut de ma robe dégrafé. |
9 | la fermeture à moitié baissée. |
8 | la fermeture descendue d’un quart. |
7 | la fermeture ouverte. |
6 | mon soutien-gorge dégrafé. |
5 | jeté à nos pieds. |
4 | ma robe un peu baissée. |
3 | mes seins fouettés par l’air vif. |
2 | mon ventre. |
1 | la morsure froide de l’air est moins vive lorsque le vent caresse mon pubis. |
Happy New Year!
Je me retournai. Mon premier baiser de 2010 avait le goût acidulé de l’interdit. Nue, à la vue de quiconque lèverait les yeux en direction de notre terrasse. Nue à soixante ans, dans les bras d’un homme qui n’était pas mon mari. Mon corps nu, moins abîmé par mes grossesses que par des années de désamour. Je me blottis tout contre Jimmy et m’arrangeai pour que ses mains masquent mes fesses. Ma ruse fit long feu. Jimmy desserra son étreinte, recula d’un pas.
– Que tu es belle, ma chérie !
Les petites étoiles dans ses yeux et son sourire n’auraient pu mentir si sa bouche en avait eu l’idée.
– Vraiment ?
D’un geste théâtral, Jimmy tomba le pantalon, son sourire s’élargit « Vraiment ! » aucun doute ne m’était plus permis. Je ris en même temps que des larmes jaillissaient de mes yeux.
– J’aimerais réapprendre l’audace…
– Alors, tourne-toi face à l’océan ! Que tout un chacun puisse contempler tes magnifiques seins… ton corps généreux… débordant d’amour… que tout un chacun crève d’envie en voyant mes mains courir sur ta peau… sublime… en voyant mes doigts jouer avec ta toison… qu’ils aient envie que ce soient les leurs entre tes cuisses… qu’ils tendent le cou pour anticiper le moment… où mes doigts fouilleront… Oooh… je te sens mouiller… de plus en plus… mouiller… tant… et… plus… Ne retiens pas tes cris, ma chérie ! Ne les retiens pas !
Je me sentais aussi sûre de moi, de mon physique que lorsque j’avais vingt ans ! Et même davantage. Les caresses, les baisers, les mots d’amour de Jimmy m’insufflaient une confiance absolue. « Oui. Il a raison. Je suis une déesse digne d’admiration ! Oui. Il a raison. Je suis faite pour susciter l’amour parce que je le rendrai au centuple. Oui. Il a raison.C’est aussi ça l’amour. »
J’ai posé mes mains sur la rambarde, me suis penchée en avant. Saint-Exupéry avait raison. Tout comme moi. L’amour, c’est regarder ensemble dans la même direction. La levrette aussi.
Plus tard, nous ririons, Jimmy et moi, de la concomitance de notre pensée. À ce moment, nous nous contentions de jouir de cette évidence.
Quand ses doigts ont écarté mes lèvres, que j’ai senti son gland caresser ma vulve du clitoris au périnée, du périnée au clitoris, quand je me lovais dans ses mots humides d’amour, brûlants de désir, j’ai eu l’impression d’être une chrysalide dans son cocon. Je me déployais lentement à chacune de ses caresses, à chacun de ses mots. Il m’a pénétrée, le cocon s’est fendillé.
– Outch ! Bonne année à toi aussi, p’tite bosse !
– Tu ne m’as donc pas oubliée ?
– Tu es gravée pour toujours dans mon corps et dans mon âme, p’tite bosse ! Oui ! Sors comme ça… et rentre en moi ! Non ! Pas comme ça ! Ne sois pas… si… timide ! Entre… oui ! Comme ça ! Comme un… soudard ! Oui ! Encore ! Encore…
Le cocon était en lambeaux et j’en émergeais enfin.
– Ne retiens pas tes cris, Princesse ! Tant mieux si quelqu’un les entend ! Je veux… que l’on nous remarque… et que… l’on m’envie… de te… faire… l’amour… Princesse !
Pour me libérer tout à fait et prendre mon envol, je lui criai « Mords-moi ! Mords-moi ! Rends-moi à la vie ! Mords-moi ! » Ses dents ont déchiré ma peau une première fois. J’ai rugi de plaisir. Toutes ces étoiles qui brillaient dans le ciel, toutes ces lumières qui s’allumaient ou s’éteignaient dans un clignotement aléatoire apportaient une dose de féerie supplémentaire à la reconquête de ma propre estime. Jimmy avait su faire jaillir la femme qui était en moi lorsque j’avais dix-sept ans. En ce premier janvier 2010, il me faisait naître à la vie, naître à moi-même.
Je lui réclamais des caresses rugueuses, il me les offrait. Il souhaitait des mots obscènes, je les prononçais. Nous nous aimions avec la rage de ceux qui n’ont pas assez joui.
– Baise-moi comme le lion baise la lionne ! Plante encore tes crocs et rugis enfin !
Il m’a mordue. Et mordue encore. Nous avons rugi d’un même cri. Et nous nous sommes offerts à la vue de tous. Il a tourné mon visage vers le sien, l’a contemplé longuement, comme s’il le voyait pour la première fois. Son sourire était d’une douceur incroyable.
Ainsi que j’en avais émis le souhait quelques heures auparavant, nous nous offrîmes « un moment de détente post-coïtale » dans le jacuzzi. Nous grignotions de sublimes toasts tout en dégustant du Champagne. Le cliché d’un bling-bling absolu, dont j’aurais ricané la veille encore, ne faisait qu’accroître mon bonheur et ma plénitude.
– Il m’aura fallu… pff… plus de trente ans, mais j’ai enfin compris !
– Tu as compris quoi ?
– Pourquoi je n’aimais pas plus que ça coucher avec Sylvie… c’est ton regard… votre regard… Elle te ressemble tellement quand elle a joui en public… c’est comme si je couchais avec ta sœur… vous êtes sœurs autant que belles-sœurs… Et j’ai compris que je t’aime. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime. Je m’étais interdit de prononcer ces mots en les pensant vraiment. Je ne savais pas comme il est doux de les dire à celle qui les ressent également. Et si je n’avais qu’une certitude à cet instant, ce serait celle de l’amour qui nous unit.
Je me blottis dans ses bras. Il me caressa, voulut embrasser ma peau là où il l’avait mordue, s’excusa d’y être allé si fort.
– Je marque facilement, Jimmy !
– Mais là… tu saignes, c’est plus que quelques marques !
– T’inquiète, j’ai apporté des cols roulés et des écharpes !
Nous nous taquinions, batifolions comme deux gamins insouciants, ivres de bonheur et de plaisir.
– Il est quelle heure, dans ta contrée ?
– Pas loin de 10 heures du matin…
– Et si on appelait Martial et ma sœur pour leur souhaiter la bonne année ?
– J’allais te le proposer !
– On était fait pour s’entendre, alors !
Sylvie décrocha.
– Salut sœurette, alors comme ça le portable ne passe pas sur le domaine de sieur Jimmy ? Bonne année !
– Bonne année à toi aussi, ma Didou ! Dis-moi, j’ai l’impression que vous l’avez bien fêtée, cette nouvelle année ! Souhaitons-la meilleure que 2009…
– Jimmy veut te dire quelques mots, je te le passe…
Il expliqua sa théorie à Sylvie qui, à ma grande surprise, la trouva cohérente et logique. Nous souhaitâmes, par procuration, la bonne année à Martial qui dormait encore. Avec malice, Jimmy demanda à Sylvie de passer le bonjour et tous nos vœux au p’tit puceau. Je lui boxai le biceps sans grande conviction.
– Le p’tit puceau ?!
– Jean-Luc ! Odette était persuadée qu’il l’était encore !
– Jean-Luc puceau ?! Ah ah ! C’est la meilleure de l’année ! Ah ah ! Jean-Luc… puceau ! T’es vachement perspicace, Didou ! Jean-Luc… Ah ah ! Puceau !! Ah ah ! Un des plus grands baiseurs que l’Univers ait engendrés ! Ah ah ! Didou…
– Un argument de plus pour étayer mon propos, Sylvie parce que… si je me souviens bien… question perspicacité…
– Euh… krr… krr… krr… grrr… la communication est krr… krr… mauvaise krr… krr… krr… grrr… soudain !
– On en reparlera ! Bon, c’est pas que je m’ennuie, ni que je veuille faire mon radin, mais je regarde la déesse d’ébène face à moi… et je me sens d’attaque pour l’ouvrir… à de nouveaux horizons… Bonne année à tout le monde !
Jimmy prit une profonde inspiration.
– Sylvie, je suis amoureux d’Odette et j’ai l’impression de découvrir ce sentiment tout autant que de réaliser que je le connaissais depuis toujours…
Jimmy me tendit le combiné « Et tout ça, nous te le devons, Sylvie ! » Je la remerciai pour sa lettre, lui souhaitai à nouveau une bonne année, allai lui proposer de passer quelques jours avec elle quand je sentis les lèvres de Jimmy remonter le long de ma cuisse, sa main faire pivoter mon corps de telle façon que sa langue puisse baguenauder sur mes fesses, s’approcher de la raie… ses mains m’ouvrirent comme un fruit offert à la gourmandise. Submergée par ce plaisir inédit, je lâchai le combiné sans songer à raccrocher.