Odette&Jimmy – Il est passé par ici, il repassera par là

Les caresses et les baisers de Jimmy me faisaient sursauter tout en m’apaisant, j’aimais ces picotements au bout de mes orteils, qui convergeaient vers la plante de mes pieds et soudain, comme s’ils avaient changé d’idée, revenaient à leur point de départ. Je focalisais toute mon attention sur cette sensation particulière alors que nombre d’autres m’envahissaient. Tout aussi surprenantes et agréables.

J’avais à la fois vingt, quarante et soixante ans. Mon corps était vibrant comme à vingt, bouillonnant comme à quarante et serein comme à soixante.

Ainsi que je le lui avais demandé, Jimmy et moi parlions, commentions ce que nous faisions et ressentions. J’avais été surprise de le voir enfiler un préservatif. Nous avions, lui et moi, fait tous les tests et ils étaient tous négatifs. J’aimais son air professoral quand il s’en était expliqué.

– Ça va plus vite de retirer une capote que courir jusqu’à la salle de bain pour me laver si l’envie nous prenait d’une levrette conventionnelle, ma chère !

Nous en avions ri. Pendant presque trente-cinq ans, j’avais exercé au sein d’un collège, la prévention contre les maladies sexuellement transmissibles entrait dans mes attributions et Jimmy venait de me faire la leçon !

– C’est la p’tite Odette de vingt ans qui a dû poser la question…

Quand il a ouvert le tube de lubrifiant, qu’il m’en a mis sur le bout des doigts pour que j’en éprouve la texture, la glisse, que j’en ai recouvert son sexe encapuchonné, c’est la bouillonnante Odette de quarante qui s’est réveillée. Celle qui s’était installée dans une relation muette d’exhibition voyeuriste avec son voisin. Je sentais mon corps prendre assez d’assurance pour se détendre et faire confiance aux caresses et aux baisers de Jimmy.

– Quand tu bouges tes doigts… oui… comme ça… ça me donne envie… de… danser autour… ça me donne envie de…

– De ?

– Tu le sais bi…

Je changeai de position, glissai ma main entre mes cuisses, saisis le sexe de Jimmy… Le contact du préservatif enduit de lubrifiant m’électrisa… Il me paraissait moins glissant qu’un peu plus tôt, mais la sensation poisseuse m’en rappela une autre. Dans un flash, je me vis essuyer en souriant le manche de la brosse à cheveux de Bertrand, qui me servait alors de godemichet.

– Attends, Princesse

Jimmy oignit une nouvelle fois son sexe et mon cul.

– J’adore sentir le gel couler entre mes fesses… c’est humide sans l’être… frais et chaud en même temps…

– Te sens-tu prête ?

Je sentis le regard de Jimmy guetter ma réaction dans le miroir. J’ouvris les yeux.

– Mais… tu rougis, Princesse ! De quoi as-tu honte ?

– En fait… ça fait un petit… bout de temps que… je… le suis…

Jimmy sourit, m’embrassa en me chuchotant des mots d’amour que je veux garder rien qu’à nous. Son sexe me pénétra un peu trop vite à mon goût… je laissai échapper un « Oh ! » entre plaisir et dépit. Jimmy m’en demanda la raison.

– Tu as été trop… vite…

– Je te fais mal ?

Tout en me posant la question, Jimmy se retirait.

Stop !

Jimmy se figea.

– Vas-y ! Oh !

Jimmy se retirait lentement. Je rouvris les yeux. Lui souris.

Stop !

Jimmy avait le sourire interrogateur, perplexe.

– La p’tite bosse…

Coquine !

Jimmy m’assena une claque sur les fesses, qui ne fit qu’amplifier le plaisir qui m’envahissait.

Encore !

– Encore quoi ? Encore ça ?

Il se retira, me pénétra.

– Ou encore ça ?

Une claque sur mes fesses.

– Encore… tout ! Mais… en… plus fort !

Tu es sûre ?

En quelque sorte, Jimmy me rendait la monnaie de ma pièce puisque je ne compris pas qu’il me tendait un doux piège et m’y précipitai. Je me cambrai, ondulai, imprimai la cadence à chacun de mes mouvements.

– Regarde comme tu es belle, comme nous sommes beaux !

Pendant des années, j’ai détesté ma bouche, trop lippue à mon goût, j’aurais donné dix ans de ma vie pour avoir des lèvres fines comme la lame d’un couteau. À cet instant, je les regardai et les trouvai sexy en diable. Je regardai Jimmy. Qu’il était beau !

Un filet de salive s’échappa de sa bouche. Une goutte atterrit sur ma fesse. Je fis semblant de le lui reprocher. Une claque pour m’apprendre la politesse. Nos rires provoqués par mon « Oh oui ! » et la frénésie s’empara de nous.

Je ne cherchais pas à retenir mes cris. On aurait pu m’entendre, mais ça ne me dérangeait pas. En fait, rien d’autre n’existait que Jimmy, moi et le plaisir que nous nous offrions en ces premières heures de cette nouvelle année. Nous étions dans cette magnifique suite à Vancouver, mais eussions-nous été sur Pluton, cette impression aurait été la même.

Des étincelles de plaisir, comme des piqûres d’aiguilles, éclataient ici et là, des éclairs de jouissance se frayaient un chemin sous ma peau, ils convergeaient, dans un chaos total, prenaient de l’ampleur. Je jouissais, pour autant ces éclairs, ces étincelles semblaient emprisonnés. La morsure de Jimmy les libéra.

– Mords-moi encore ! Mords-moi plus fort !

Jimmy psalmodiait « Je vais venir ! Je vais venir ! ». Il me fallut un peu de temps avant de comprendre. Dans la frénésie de cette étreinte, nous avions roulé, étions tombés au sol sans vraiment nous en apercevoir. Il était au-dessous, face à moi. « Je vais venir ! Je vais venir ! »

Je me cambrai davantage, ondulant avec une impudeur dont je ne me serais pas sentie capable et voyant battre sa jugulaire le mordis de toute la force de mon plaisir. Je n’oublierai jamais nos râles et le goût divin de son sang dans ma bouche.

L’Odette de soixante ans se sentait enfin redevenir femme, apaisée et accomplie dans les bras d’un homme qui fit semblant de lui reprocher la facture qu’il aurait à payer avant de raccrocher le combiné.

Jimmy téléphone à Odette