Les souvenirs de Tatie Monique – Fête Nationale – Deuxième partie

En arrivant devant la maison de Bonne-Maman, je vérifiai dans le rétroviseur que rien, sur mon visage, ne trahissait ces dernières heures. J’essuyai mon entrecuisses avec le drap de bain. Prudente, j’essuyai jusqu’aux genoux, ce qui amusa Christian. Un rapide coup d’œil vers la maison, Bonne-Maman ne guettait pas mon arrivée à la fenêtre. J’embrassai donc « mon homme » et rentrai prestement.

Bonne-Maman était dans la cuisine en train d’éplucher des légumes. Elle me demanda si mon après-midi avait été agréable. Je lui répondis que oui, l’après-midi avait été délicieuse, que j’étais allée à la mer. Elle sursauta, me regarda, un peu surprise

– Tu y es allée à pied ? Ton vélo n’a pas bougé de la remise…

– Non ! Je n’y suis pas allée à vélo, Christian m’y a amenée en voiture…

– Ah… le petit Christian… le petit-fils du Toine et de la Nathalie…

– C’est drôle que tu dises ça… « le petit-fils du Toine et de la Nathalie », il est avant tout le fils de ses parents, non ?

– Tu as raison, mais que veux-tu, nous étions les meilleurs amis du monde… Si la mort ne nous avait pas arrachées à nos hommes… nous serions encore… comme ça…

Je regardai Bonne-Maman entrecroiser ses doigts et les serrer de toutes ses forces, comme si ce geste pouvait ramener mon Papé et le Toine à la vie… Il y avait tant de fragilité dans son regard, tant de force, tant de rage et tant d’amour… Plus je la regardais, plus elle semblait rajeunir. Je me demandai quelle jeune femme elle avait pu être.

– Et où donc t’a-t-il emmenée te baigner, le Christian ? Sur la grande plage ?

– Non, non ! Du tout ! Dans une petite crique, un peu plus loin…

Bonne-Maman sourit, l’espace d’un instant, elle avait vingt ans. Elle me décrivit la crique, le chemin pour y accéder et me dit que c’était justement là qu’ils s’offraient du bon temps, tous les quatre. J’ai dû avoir l’air estomaqué, car elle s’empressa de me raconter leurs pique-niques, ces moments de loisirs qui faisaient jaser au village, à cette époque où le labeur était une vertu et le repos qualifié d’oisiveté. Puis, comme ça lui arrivait souvent, elle changea de conversation.

– Et le Christian, il te fera danser au bal, ce soir ?

– Hélas non, Bonne-Maman… hélas non… Il est pompier bénévole et devra se tenir prêt à porter secours…

– C’est une bien belle mission, tu sais, pompier bénévole… c’est bien qu’il fasse comme son grand-père… Mais ne te prive pas de danser pour autant, ma toute petite… de toute façon, je passerai la soirée chez la Nathalie. La pauvre ! Clouée au lit, je crois que c’est la première année où elle ne pourra pas assister au feu d’artifice…

Je réalisai soudain que l’amie chez laquelle elle était, pendant que je me faisais culbuter dans la petite chambre, était précisément la grand-mère d’un de mes deux partenaires ! Mais je n’en éprouvai aucune honte, ni aucun regret…

Je me levai et me rendis dans la minuscule salle d’eau, que Bonne-Maman nommait pompeusement « le cabinet de toilette », pour y prendre une douche.

En attrapant la serviette pour m’essuyer, je réalisai avec effroi que j’avais oublié de récupérer mon drap de bain, sur le dossier d’une des chaises de la cuisine ! Mue par une crainte sourde, je dévalai l’escalier et la cherchai du regard…

– Ta serviette était trempée, je l’ai mise à sécher…

– J’allais le faire, Bonne-Maman !

– Mais ne te tracasse donc pas pour des petites choses ! Ce n’est rien… Si on m’avait donné un sou pour chaque serviette que j’ai étendue dans ma vie, je serais millionnaire !

Un peu fatiguée de cette journée, la chaleur n’étant toujours pas retombée, Bonne-Maman partie chez « la » Nathalie, je décidai de m’allonger un peu pour profiter de la fraîcheur de cette vieille maison. Je m’endormis rapidement et ne fus réveillée que par les bruits du village qui s’animait. Un coup d’œil sur ma montre. Aïe ! J’avais dormi plus longtemps que prévu ! Le temps de mettre mes souliers, je sortis de la maison et arrivai juste à temps pour voir le feu d’artifice. Bonne-Maman m’avait prévenue qu’il ne durait pas longtemps, mais je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse être si bref ! Quelques fusées, deux ou trois feux de Bengale et le bouquet final ! Je cherchai Christian du regard, mais ne le vis pas.

Je me rendis ensuite à la salle des fêtes où se tenait le bal. Devant l’entrée, la buvette, je décidai de prendre de quoi manger un peu, parce qu’avec tout ça, je n’avais pas dîné. Il y avait un peu d’attente. J’entendais les gens s’interpeller, je m’amusais intérieurement de leurs interjections, si différentes de celles auxquelles j’étais habituée. Quand j’entendis la voix du bavard, le souvenir de cet après-midi m’enflamma immédiatement. Je me retournai et constatai qu’il était venu en famille, je fis comme si je ne le connaissais pas et, un peu perturbée, oubliai ce que j’avais voulu commander, je bafouillais, les gens râlaient un peu, tous avaient faim, tous avaient soif, le bal allait bientôt débuter… Je commandai au hasard et le bavard se moqua à haute voix de mon accent parisien. J’ai tout de suite compris que ce serait son « alibi » pour me faire danser. J’entrai dans la salle des fêtes, où la musique retentissait.

Cherchant toujours Christian du regard et ne le trouvant pas, je sentis une main me prendre par la taille et je sus sur-le-champ qu’il s’agissait du taciturne. Pour la seconde fois de la soirée, mon corps s’embrasa.

– Une petite danse, mademoiselle ?

J’acceptai volontiers. Il était très bon danseur et me faisait tourner avec un tel talent que ma robe virevoltait, se soulevant à chaque fois, dévoilant ma culotte. Pour la forme, je m’en plaignis, mais il affirma que cacher d’aussi jolies fesses était un péché. Nous dansâmes ensemble, sans parler, jusqu’à la série des slows. Alors, il me glissa à l’oreille

– Tu cherches quelqu’un 

– Oui ! Christian ! Je pensais le voir, mais…

– Je sais où il se cache… tu sais qu’il t’observe depuis le début ?

– Il est où ? Dis-moi où il se cache !

– L’information n’est pas gratuite… mais si tu me suces comme tout à l’heure…

Piquée dans ma fierté, je le repoussai un peu, plantai mes yeux dans les siens, et, sans ciller, lui dis d’un ton cinglant :

– Pas de ça avec moi ! J’ai adoré te sucer, j’ai adoré sentir ta queue énorme aller et venir dans ma chatte, je rêve de te regarder « ouvrir le robinet », mais jamais, JAMAIS, tu m’entends ? Jamais je ne vendrai mon plaisir contre un service. En me proposant ça, tu me traites de pute, tu me voles ma dignité !

– Pardon… Je voulais plaisanter, pas te vexer… Je te respecte… tu me fais penser à Catherine…

– À Catherine ?

– Une femme incroyable… elle nous offrait son corps, ses caresses… comme tu l’as fait tout à l’heure… son mari est mort d’un accident de la route en octobre dernier…

– Et depuis, vous n’allez plus la voir ?

– Elle est partie vivre à la ville… cet après-midi, tu m’as fait penser à elle, et maintenant, encore plus…

– Oh la la… comme tu bandes… !

– Hé oui !

– Tu as envie de moi ?

– Oh oui !

– On va où ?

Le taciturne me prit la main et m’emmena jusque chez lui, à deux pas de là. Contrairement à ceux du bavard, j’aimais ses baisers savants… Il retira ma robe avec lenteur, caressant mes seins, les embrassant, se plaignant d’être à l’étroit dans son pantalon, mais refusant de se mettre à l’aise ou que je le fasse. Il ôta ma culotte, sa langue experte me fit jouir presque aussitôt…

– Monte sur la table, je bande trop pour rester à genoux.

– Mets-toi à poil, ce sera plus simple !

– Non ! J’aime cette sensation…

Je me mis debout sur la table, il me regarda attentivement, puis acheva sa phrase laissée en suspens.

– … et puis, si tu es sur la table, il peut nous voir… oh ! regarde comme ça t’excite ! Non ! Pas comme ça… avec tes doigts… Oooh oui… ô, pute vierge, c’que t’es bandante !

– J’te crois pas !

– Comment ça ?

– Je veux voir ! Et je veux que Christian voie comme je te fais bander !

Il retira son pantalon, son sexe me parût plus gros, plus long, plus rouge que dans l’après-midi… à quatre pattes sur la table, devant la fenêtre sans rideau, je le suçai comme la merveilleuse gourmandise qu’il était, tout en me caressant…

– Ô, pute vierge ! C’que tu me suces bien ! C’que tu me suces bien !

À chaque compliment, à chaque juron, j’avalai davantage ce sexe énorme, mais rapidement, j’ai cru qu’il allait me faire vomir, tellement il était enfoncé dans ma bouche, et il n’y avait même pas la moitié !

–  Encore un peu… ô pute vierge, je voudrais que tu me suces jusqu’au couilles… Tu suces tellement bien… !

– Comment je fais sans m’étouffer ? Montre-moi !

Le taciturne m’obligea à le regarder, me caressa doucement le visage et d’une voix tendre me demanda

– Tu… combien d’hommes as-tu sucés avant moi ?

Je regardai son visage, puis son sexe tellement appétissant… je repris mon baiser et levai trois doigts.

– Ô pu… 

Il sortit de ma bouche, me demanda de m’allonger sur le dos et me pénétra en me regardant droit dans les yeux… je sentis mon sexe trempé s’ouvrir à chaque mouvement qu’il faisait, j’ondulais, je voulais le sentir tout au fond de moi, je voulais me sentir envahie, pleine de cette queue énorme… Il ne cessait de me répéter que Christian nous regardait et je devenais folle de plaisir en l’imaginant. Quand le taciturne mit son pouce dans ma bouche, je le suçais comme je venais de sucer son sexe… ça le rendit fou à son tour, il accéléra ses mouvements, en psalmodiant son mantra personnel « Ô, pute vierge… tu me fais venir ! Ô, pute vierge, je viens ! ».

C’est à cet instant que Christian entra dans la pièce, il sortit son sexe sans se dévêtir et demanda à son ami de me montrer « l’ouverture du robinet ». Le taciturne commença à éjaculer un peu en moi, toujours en psalmodiant, puis sortit de mon sexe, continua d’éjaculer sur mon ventre, un étrange jet chaud et continu, me pénétra à nouveau. J’aimais le regard de ces deux hommes, mais je ne voulais qu’une chose désormais, que Christian me prenne à son tour et que cette nuit ne s’arrête jamais.

Mais Christian me fit une toute autre proposition. Voulais-je vivre un feu d’artifice ? Aimerais-je que d’autres hommes jouissent en moi ? Jouissent de moi ? Jouissent avec moi ? Jouissent de me faire jouir ?

Bien sûr que je le voulais ! Il me semblait même que je n’étais née que pour accepter cette proposition ! Nous prîmes donc sa voiture, tous les trois et il me conduisit dans ce lieu secret où les gens comme nous, ceux de notre espèce, avaient l’habitude de se retrouver. 

Je me souviens les avoir fait rire en chemin, cette nuit-là, parce que j’avais cru que le taciturne portait un prénom provençal… Je ne sais pas comment retranscrire ce que j’entendis et de la façon dont je l’entendis, maintenant que je le connais, après toutes ces années, ça me semble si évident ! Mais en cette nuit, je compris quelque chose qui ressemblait à « Aloune », il fallut qu’il me l’épelle pour que je comprenne enfin qu’il s’appelait Alain.

Nous arrivâmes les premiers dans cette bâtisse à moitié en ruine, mais étonnamment propre. J’appris que les usagers de ce lieu ne voulaient pas le voir se transformer en dépotoir, alors la règle était simple, chacun repartait avec ses bouteilles vides, ses détritus divers et variés. Le confort était sommaire, mais la propreté bien supérieure à d’autres lieux, plus officiels, que j’ai pu connaître par la suite.

Tout en me caressant, en m’embrassant, Christian et Alain m’expliquèrent que même si j’étais la seule femme de la soirée, je pouvais refuser qu’un homme me prenne, ou de faire ceci ou cela, même si je venais de le faire avec un autre…  et que j’allais le refaire avec un autre encore… 

Ce fut ma première nuit de tourbillon… C’est ainsi que je les nommais, parce que mes sens tourbillonnaient au fur et à mesure des différentes étreintes, des différents partenaires, des différents orgasmes. Je me souviens aussi qu’un de ces hommes était venu accompagné, mais que j’offrais l’attrait de la nouveauté. Cette autre femme, que je ne revis pas avant quelques années, ne semblait pas vexée pour autant, elle me prodiguait ses conseils, fort avisés au demeurant, avec une gentillesse incroyable.

J’aimais sa façon de m’encourager, ses mots crus et féminins, mais ce que j’ai aimé par-dessus tout de cette rencontre, était de l’observer quand elle se faisait pénétrer dans telle ou telle position. Parce que je voyais ce que je n’aurais pas vu sinon et que je savais ce qu’elle ressentait au plus profond de son corps.

De temps en temps, nous nous prenions la main, mais à la grande déception de certains messieurs, nous ne nous embrassâmes, ni ne nous caressâmes devant eux. Pour la simple raison que nous n’en éprouvions pas l’envie. Cette nuit-là, celle du 13 au 14 juillet 1974, nous étions deux femmes et ils étaient huit hommes, huit hommes qui nous firent jouir, huit hommes que nous fîmes jouir. L’un d’entre eux était le mari de cette femme, un autre allait devenir le mien.

Quand le jour s’est levé, que Christian me ramena chez Bonne-Maman, alors qu’Alain était déjà reparti chez lui, profitant de la voiture d’un autre participant, nous eûmes une conversation qui bouleversa le cours ma vie. Comme souvent, il voulait savoir ce que j’avais le plus apprécié, je crois que c’était pour nous la meilleure façon de faire réellement connaissance.

– Quand j’ai vu sa chatte dégouliner du sperme de ces hommes, je pensais à toi et j’ai compris quel plaisir tu en tirais… c’est tellement excitant ! Ça donne tellement envie ! 

Christian me caressait, je sentais sa main poisseuse du plaisir de ces hommes, du sien, et des larmes de bonheur inondaient mes joues. Des larmes de bonheur et aussi de tristesse parce que dans deux semaines, j’allais devoir retourner à Paris et je pressentais que ma vie était ici, à ses côtés.

Quand Tatie Monique jouait à l’écolière

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– Je ne l’ai jamais dit à aucune autre avant, je t’aime, Monique. Je t’aime.   (dessin de Milo Manara)

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