Les confessions motorisées – Les tourments de Lucas (suite et fin)

– On marchait en direction de la gare depuis moins de cinq minutes quand Émilie m’a demandé si je voudrais bien attendre avec elle que la gare soit ouverte au public et, tant qu’on y était, si je pouvais attendre avec elle l’arrivée de son train. Je lui ai proposé d’attendre plutôt chez moi. J’avais à peine refermé la porte de mon studio qu’elle m’a demandé de lui accorder « une petite faveur ». « Je ne sais pas ce qu’il leur a pris, ce soir… Ils savent bien, pourtant, que j’adore avaler leur sperme ! Pourquoi ils ont tous juté sur mon ventre, sur mes seins ? Vous vous étiez donné le mot avant mon arrivée ? » Je lui ai répondu que si tel était le cas, je n’en savais rien. « Je me suis essuyée comme j’ai pu, mais si je pouvais prendre une douche… » J’allais refermer la porte de la salle d’eau quand elle m’a dit de ne rien en faire. Elle s’est déshabillée. Je lui ai fait remarquer sa cruauté. « Regarde comme tu me fais bander ! Tu me mets au supplice, tu me fais bander et puisque tu m’interdis… » « C’est Lilith qui t’a infligé cette punition, Lucas ! Et Lilith cesse d’exister à la fin de chaque soirée. C’est Émilie qui te le demande. » Je lui ai répondu qu’Émilie, ma cousine, me faisait bander encore plus dur. Elle a ri et m’a avoué l’avoir remarqué pendant la touze.

Lucas a besoin de faire une pause cigarette avant de poursuivre son récit. Odette gare son confessionnal motorisé sur le bas-côté de la route et regarde son petit-neveu allumer une cigarette, faire les cent pas. Le mégot remisé dans le cendrier de poche, Lucas reprend sa place.

– Je la regardais sous la douche, elle faisait comme si elle l’ignorait. J’adorais ce frisson qui me parcourait. Elle m’a rejoint sans prendre la peine de s’essuyer. Elle m’a tendu la serviette et m’a demandé de le faire. Je ne sais plus à quel moment on s’est mis au pieu, je me souviens juste de nos baisers, de mes mains sur son corps, des siennes sur le mien. Je priais intérieurement pour ne pas jouir trop vite. On a fait l’amour, j’adorais son regard, les tressautements de ses lèvres, de son corps, j’adorais sa voix quand elle me disait « C’est bon ! C’est tellement bon ! Tu me baises si bien, mon cousin ! Oh oui, tu me baises comme un dieu ! » On avait tout notre temps, alors, je prenais le mien. Quand j’ai senti que j’allais jouir, j’ai retiré ma capote et je lui ai demandé si elle ne voyait pas d’inconvénient à avaler le sperme de son cousin. Elle m’a répondu qu’elle n’attendait que ça. Une fois encore, ce délicieux frisson m’a parcouru. Je venais de baiser ma cousine et elle tétait ma teub comme si elle craignait de perdre la moindre goutte de mon sperme. Que c’était bon ! On s’est blottis dans les bras l’un de l’autre, on se caressait doucement et… On ne pensait pas qu’on tomberait comme ça, sans nous en apercevoir. Je me suis réveillé avant elle. Je devrais en avoir honte, mais ce n’est pas le cas… J’ai attendu que son train pour Paris soit parti avant de me lever, de préparer du café dont l’odeur l’a réveillée. « J’ai pas rêvé, tout à l’heure, tu m’as bien dit que tu kiffais faire jouir ta cousine et la regarder prendre son pied pendant que tu la baisais ? » J’ai marmonné un oui un peu embarrassé. Je lui tournais le dos, ce qui m’arrangeait bien ainsi je n’avais pas à soutenir son regard. J’ai senti sa main sur mon ventre, ses lèvres sur mon cou, son souffle brûlant et… et sa voix quand elle m’a dit « Je kifferais faire jouir mon cousin, le regarder prendre son pied pendant que je le baiserais… t’en penses quoi, cousin ? Le café peut attendre, non ? » Je me suis retourné. Émilie a vu que je bandais comme un âne. Elle a ri. « Je m’en doutais un peu ! »

Lucas s’éclaircit la voix. Odette remarque son émotion encore intacte à l’évocation de ce souvenir.

– Émilie m’a demandé de m’allonger sur le lit. « En règle générale, je préfère la levrette, mais je tiens à te regarder ». Elle s’est empalée sur moi, ondulant avec grâce… Je regardais son visage, ses yeux magnifiques, son corps… ses seins semblaient danser pour me séduire davantage… Émilie me demandait de lui dire ce que je ressentais… Elle se penchait souvent pour m’embrasser avant de se redresser et d’onduler de nouveau. À sa demande, pour la seconde fois, j’ai joui dans sa bouche… On serait bien restés plus longtemps, mais elle avait un train à prendre. Alors, nous nous sommes montrés raisonnables et nous sommes partis à la gare. Émilie voulait me taquiner. « Lucas, le studieux Lucas… si j’avais pu deviner que ce serait si bon avec toi, mon sérieux cousin ! » « Si j’avais soupçonné que la taciturne Émilie était une telle bombe au pieu ! Non, pas une bombe, un volcan ! Si je l’avais su, je t’aurais arraché ton dico des mains et je t’aurais culbutée sur un coin de table… ou mieux, dans les escaliers ! » « C’est malin, maintenant, je suis toute trempée ! Et regarde-toi, tout le monde peut voir que tu bandes ! » On a jugé plus raisonnable de rebrousser chemin. Arrivés dans le hall de l’immeuble, elle a lancé un défi « Le premier arrivé devant ta porte encule l’autre ! » J’ai monté les marches quatre à quatre, ne l’entendant pas, je me suis retourné. Elle était immobile, appuyée contre la rampe d’escalier. Je l’ai interrogée du regard. Son rire… ! « Je t’aurais cru plus perspicace, mon cousin ! » De chemins rebroussés en trains ratés, nous avons passé le week-end ensemble. Émilie n’a quitté Strasbourg que le lundi matin. J’ai écrit à Sylvie pour lui raconter ce qui nous était arrivé, mais en… comment dire ?

– En édulcorant ton récit ?

– Oui ! C’est exactement ça ! J’ai suivi son conseil et j’ai proposé à Émilie de passer quelques jours en Provence. Ça a tout de suite matché entre nous. Émilie savait que j’aime faire rougir Pauline, qu’une allusion un peu cochonne, une proposition un peu indécente la fait rougir, que plus elle est rouge, plus je la sais excitée. En guise de cadeau de bienvenue, Émilie a pu choisir la première… configuration de notre première partouze. « Levrette pour tous, les filles en face à face, Manon avec Enzo, Pauline avec Lucas et moi avec Vincent. Aucune objection ? »

Lucas sourit à cette évocation.

– On se dessapait à peine, les joues de Pauline étaient déjà rouges. Ça commence toujours par les joues, puis le front, ensuite le cou, les épaules, la poitrine… Un vrai baromètre ! « Lucas ne m’a pas menti, tu rougis vraiment, Pauline ! » « Oui. C’est dans mon sang, comme disent les vieux ! Je tiens ça de ma grand-mère maternelle. » Enzo a ajouté « De son grand-père paternel, elle a hérité le bavardage, mais elle se garde bien de l’avouer ! » J’ignorais ce détail. Pauline a froncé les sourcils avant de rougir violemment. Elle retient ses mots parce que ceux qui lui viennent à l’esprit sont trop orduriers à son goût. On était bien, on baisait à l’unisson, Émilie a demandé « Ça te fait quoi de me regarder me faire baiser par ton cousin pendant que le mien est en train de te baiser ? » Pauline a bafouillé « C’est bon… oui… c’est… bon » « Quoi ?! C’est tout ?! C’est bon et c’est tout ?! » Enzo a soutenu Émilie « Lâche-toi, ma Pauline ! Ne retiens plus tes mots ! » On l’a tous encouragée et, pour la première fois, j’ai vu son dos devenir tout rouge. Jusqu’aux fesses. Fesses incluses. Les mots orduriers qu’elle disait contrastaient avec la délicate Pauline que nous connaissons tous, mais on surkiffait ! On s’habituait à peine à eux que Pauline nous a de nouveau surpris. « Oh, Émilie, tu es si belle quand Vincent te… Oh… tu es tellement belle ! » Ses mots se sont changé en un long cri de jouissance.

Lucas se tait pour reprendre son souffle.

– Je te passe les détails, mais sache qu’Émilie était vraiment heureuse quand elle m’a dit « J’adore partouzer en laissant Lilith au vestiaire. Avec tes amis, je peux rester Émilie et putain, c’ que c’est bon ! Merci de m’avoir permis de vivre ça, mon cousin ! » Je lui ai répondu qu’il ne tenait qu’à elle de revivre de tels moments, qu’on serait tous ravis de la voir rejoindre notre petite bande. Bon, tu connais la suite, puisque tu es arrivée peu après. Comme tu le sais, contrairement à toute attente, j’ai brillamment réussi mes examens et j’avais décidé de m’offrir une année sabbatique. Il y a eu le COVID, le confinement, le séjour à Avranches, chez pépé et mémé Touré… Et j’en arrive enfin à ce qui me tourmente. Merci de ne pas avoir souri au mot “enfin”. Je ne pouvais pas t’expliquer mon tourment sans ce long préambule.

Lucas inspire profondément. Ça ne semble pas lui suffire. Il donne un coup sec sur la boite à gants, qui s’ouvre. Satisfait, il se penche pour la refermer.

– Je suis amoureux fou d’Émilie. Je m’en suis aperçu à Avranches quand on a lu les journaux intimes de Louise, quand j’ai vu les photos de Louise et de Jean-Baptiste. Je regarde Émilie, je trouve qu’elle ressemble tellement à Louise, même si sa peau est aussi noire que celle de Jean-Baptiste. Émilie m’a fait remarquer que je lui fais de mieux en mieux l’amour, alors que dès notre première fois, le plaisir a toujours été là. Elle m’a même dit, sur le ton de la plaisanterie, que je lui fais si bien l’amour qu’elle pourrait presque ne plus avoir envie de partouzer. Or, quand je lui fais l’amour, je n’ai qu’une idée en tête, un rêve, un fantasme, qu’elle tombe enceinte de moi. Je suis effrayé à l’idée qu’Émilie s’en aperçoive. Alors, je m’isole pour me branler en pensant, en imaginant, le corps d’Émilie enceinte de moi. Voilà. Je ne m’attends pas à ce que tu m’apportes une solution « clé en main », j’avais juste besoin de raconter tout ça pour qu’elle m’apparaisse. Et aussi, parce que je sais que mon secret sera bien gardé.

Les confessions motorisées – Les tourments de Lucas (suite)

– Je mettais toute mon énergie dans mes études, absolument toute. Ça a payé, j’ai intégré la fac de médecine de Strasbourg. Au bout d’un mois, je savais déjà que je n’irai pas jusqu’au bout, que je ne serai jamais médecin. La charge de travail, les conditions dans lesquelles on devait étudier, l’ambiance, cette compétition permanente… Non, rien ne me convenait. J’ai décidé de finir ce module, trois ans et basta ! Et pis, c’est pas toi qui seras étonnée, je ne voulais pas prendre d’amphétamines, peur de devenir accro… Et sans amphétamines, je ne sais pas si on peut tenir, réussir ses examens, enchaîner les gardes, galérer avec le quotidien. Non, je n’aurais pas pu.

Pour appuyer son propos, Lucas fait de grands gestes. La boîte à gants s’ouvre, ce qui le surprend. Il s’en excuse auprès d’Odette, qui, magnanime comme elle l’est, lui pardonne aussitôt.

– Essaie de la refermer, mais que ça ne t’empêche pas de continuer ton récit…

– Comme je te le disais, j’ai su dès les premiers mois que les études de médecine n’étaient pas pour moi. J’ai fréquenté un club en Allemagne, enfin… quand je dis « j’ai fréquenté », je n’y allais pas souvent, mais j’aimais bien. Là-bas, j’ai reconnu un mec de Strasbourg, on aurait pu se croiser dans une partouze, mais c’est dans ce club qu’on a fait connaissance. Il m’a présenté des amis, il organisait régulièrement des soirées, et c’est dans l’une d’entre elles que j’ai… croisé… Émilie.

Lucas bataille avec la boite à gants. Il s’énerve dessus. Les mots franchissent enfin ses lèvres.

– J’ai eu quelques relations monogames, mais… rapidement, je me lasse. J’aime la diversité, j’aime être regardé, j’aime regarder, et j’aime la multiplicité des regards… Je n’ai jamais vécu avec une… polyamoureuse. Il y a un frisson particulier qui te parcourt quand on te parle des prouesses sensuelles d’une nana avec laquelle, il est probable que tu coucheras bientôt… C’est bon… J’aime tout particulièrement ça. Et là, j’apprends la venue de la Fameuse Lilith ! Une amante exceptionnelle et exceptionnellement gourmande, avide de plaisirs. Au pluriel, les plaisirs. Deux mecs me racontent l’agréable surprise la première fois qu’elle les avait sucés, quand l’un d’eux me donne un coup de coude. « La voilà ! » je m’aperçois que la Fameuse Lilith n’est autre que ma cousine Émilie. Elle est belle à couper le souffle. « Lucas, laisse-moi de présenter Lilith. La légendaire Lilith ! Lilith, je te présente Lucas qui avait hâte de faire ta connaissance ! » « Je vais devoir m’isoler avec lui, s’il veut faire ma connaissance ! » On s’est isolés, le temps de nous promettre de ne rien en dire à nos parents. Je n’ai pas trahi mon serment, puisque je n’en ai parlé… qu’à ma grand-mère !

Lucas éclate de rire à cette pensée toute en fourberie.

– Une fois d’accord sur ce point et sur le fait de garder nos liens familiaux secrets pendant cette soirée, on a rejoint les autres. On n’avait pas prévu de baiser ensemble, ça ne nous était pas venu à l’idée… on aurait eu qu’à dire qu’on l’avait fait, personne ne serait venu vérifier. Mais bon, on n’y avait pas pensé. On a dû s’isoler plus longtemps que prévu, parce qu’on est arrivé au milieu d’un jeu. Un jeu de bonne société. Bon, t’as compris. Je tire une carte au hasard et je tombe sur « Fais jouir la personne à ta gauche avec ta bouche ». Et la personne en question était Émilie. Putain ! C’ que c’était bon ! Et troublant. Troublant, mais… tellement bon ! Et tellement bon parce que… si troublant !

Lucas s’interrompt. L’index sur sa bouche, il semble se demander s’il doit s’arrêter là ou bien tout dire. Odette se tait pour ne pas influencer le choix que Lucas aura à faire. Elle pressent, elle ressent le dilemme de Lucas. Il se dit que, de toute façon, si la situation, ses mots choquaient Odette, elle lui demanderait de se taire.

– « Inflige une sévère punition à la personne de ton choix ». Lilith m’a choisi. Au début, son concept de punition m’a étonné, agréablement. Je n’étais pas le seul, du reste. Elle a dit « Voici la pire des punitions, la punition la plus sévère que Lilith infligera à… Lucas. Tu t’appelles bien Lucas, n’est-ce pas ? » Elle m’a demandé de m’allonger sur le dos, m’a mis une capote et… (Lucas ferme les yeux) elle s’est empalée sur mon sexe. En prenant tout son temps. Elle me chevauchait, montait et descendait en me demandant de décrire mes sensations. Nos amis riaient, faisaient semblant de reprocher la nature de la punition, peu digne de la Lilith qu’ils connaissaient. Elle m’a brusquement laissé en plan. « Maintenant que tu as une idée du plaisir que je peux offrir, que je vais offrir aux autres, sache que je te le refuserai. Pour cette fois, tu regarderas les autres hommes en profiter, mais tu n’y auras pas droit. Voici la sévère punition de Lilith. »

Lucas se tait. À nouveau, il semble hésiter. La boîte à gants refermée, il regarde au loin droit devant lui. Il prend une profonde inspiration et replonge dans ce souvenir, comme un enfant apeuré au bord de la piscine ferme les yeux, se pince le nez avant de sauter dans l’eau.

– Si tu savais à quel point j’ai aimé regarder ma cousine coucher avec ces hommes, la regarder prendre son pied et combien j’ai aimé qu’elle regarde son cousin baiser d’autres femmes. Pour aggraver sa punition, Lilith m’ordonnait, d’un claquement de doigts, de m’approcher d’elle pour… Putain, sa bouche… et son art de la pipe. Elle me suçait et cessait dès qu’elle me sentait sur le point de jouir. Lilith me chassait alors d’un geste de la main avant de claquer des doigts dix minutes plus tard. Je la regardais alors redevenir Émilie, ma cousine. C’est ainsi que j’ai compris la raison du trouble qui m’envahissait. Tout se superposait, Émilie, Lilith… Lilith, Émilie… et c’était bon ! Au fil de la soirée, j’ai réalisé que la punition n’était pas sévère, elle était cruelle. Je rêvais du corps d’Émilie, c’était Émilie que je voulais faire jouir, mais Lilith me l’interdisait. Bizarrement, j’aimais ça. Cette frustration m’excitait.

Quand la soirée s’est achevée, que tous les participants se sont séparés sur le traditionnel « À la prochaine ! », Lilith s’est approchée de moi. « À bientôt, Lucas ! » Je pensais qu’on se ferait un simple smack, mais nos bouches se sont ouvertes et nos langues… Putain, quelle pelle ! Lilith m’a demandé si je voulais bien la raccompagner à la gare, elle reprenait le train pour Paris.

Les confessions motorisées – Les tourments de Lucas

Au tout petit matin, Odette traverse la cour du mas et se dirige vers le bâtiment principal. Elle a passé les dernières heures de la nuit dans le patio, allongée sur un lit improvisé pour profiter de la relative fraîcheur. Elle s’apprête à entrer dans la cuisine quand Lucas déboule devant elle.

– Hey, Dédette ! Quelle bonne surprise de te croiser !

– Pour sûr, Lucas, c’est vachement étonnant sachant que j’habite ici depuis plus d’un an !

– Tu me ferais pas monter dans ta voiture, par hasard ?

– Pourquoi ? Tes jambes te lâchent à cinq mètres de ton petit-déjeuner ?

– Dédette ! C’est déjà pas facile à la base, alors si tu pouvais m’éviter tes sarcasmes…

– Je suis moins sarcastique l’estomac plein. On prend le petit-déj ensemble et après, zou ! In ze motorizède confessionnal !

Leur petit-déjeuner avalé, Odette et Lucas montent dans la voiture. Lucas prend tout son temps pour trouver les mots précis et pour ne rien oublier. Il sait qu’Odette se taira, attendra le temps qu’il jugera nécessaire. Il sait aussi que son écoute ne sera pas moralisatrice.

– Tu es bien placée pour comprendre à quel point ça va être difficile de t’avouer tout ça. J’ai conscience qu’il te sera plus difficile d’avoir du recul avec moi qu’avec Pauline ou Manon… mais n’oublie pas que de mon côté, je vais me confier à la sœur de mon grand-père, qui se trouve être la grand-mère d’une des personnes concernées…

Lucas se tait. Il fumerait bien une cigarette, mais on ne fume pas dans la voiture d’Odette. Elle se gare, Lucas sort un paquet, un briquet de sa poche. Odette, attendrie, sourit quand elle le voit sortir un cendrier de poche. « C’est moins crade, plus écolo et… avec cette sécheresse, moins incendiaire ». Elle le regarde faire les cent pas, à fumer nerveusement tout en faisant de grands gestes. Il lui rappelle Jean-Baptiste. Elle n’avait jamais remarqué à quel point il lui ressemble. Plus dans ses attitudes que par son physique. La cigarette fumée, écrasée, son mégot dans le petit cendrier, Lucas remonte enfin aux côtés d’Odette.

– Pas besoin de te rappeler que j’ai fait ma prépa à Strasbourg. Je ne sortais pas beaucoup. Je ne voulais pas gâcher mes chances de réussite à cause d’une vie de fêtard. J’aurais tout le temps après. Un jour, une charmante étudiante m’a tendu un flyer à la descente du tram. Je la trouvais mignonne. Je lui ai demandé si elle serait à la soirée. Son rire… Elle a répondu un énigmatique « peut-être ». J’ai enfin baissé les yeux sur le flyer. Une invitation à l’inauguration d’un love-store. Je me suis senti un peu con. Elle a noté un numéro de téléphone. « Si tu as d’autres questions… » Tellement abasourdi, je n’ai pas compris que c’était le sien. Je suis parti en marmonnant « Bonne journée ! » À chaque fois que mes yeux tombaient sur le flyer, je me disais « C’est la fin de l’année universitaire, j’ai passé mes examens, tenté médecine et j’attends les résultats. À quoi bon tourner en rond dans ma chambre, à ressasser des “j’aurais dû” ? Pourquoi ne pas m’offrir ces quelques heures de liberté ? Pourquoi résister à ces quelques verres autour d’un buffet à parler avec légèreté du sexe comme un jeu et des objets qui en pimentent les parties ? »

Odette pense « C’est sûr, dit comme ça, la question ne se pose pas ! », mais elle garde le silence.

– J’ai attendu trois jours avant d’appeler. Pas la peine de lever les yeux au ciel, Dédette ! Je sais bien que pour vous, les boomers, cette règle est ridicule, mais pour nous, elle est importante. J’ai donc attendu trois jours et j’ai appelé. « C’est pour savoir si ça tient toujours pour la soirée ». On s’est retrouvé avant le début des festivités et on a fini la nuit ensemble. Audrey…

Lucas sourit, les yeux dans le vague.

– À notre deuxième rencart, elle m’a prévenu. « N’espère pas une relation exclusive. J’aime le sexe de groupe ». « Les partouzes ? » « Pas que… » Elle m’expliquait avec naturel, évidence, des pratiques que je n’imaginais pas exister « dans la vraie vie ». Le plaisir qu’elle prenait avec ces hommes qui la baisaient à tour de rôle, s’encourageant, commentant, la diversité de leur corps. Devant ma tête ahurie, elle m’a demandé si je n’étais pas excité à l’idée de la voir jouir d’autres hommes en attendant mon tour. Si je n’étais pas excité en m’imaginant être le premier de ces hommes qui la baiseront dans la soirée. Les images défilaient dans ma tête, comme si j’y étais. Et putain, oui, j’en crevais d’envie !

Lucas, perdu dans ses pensées, regarde par la vitre de sa portière. Après un court silence, il reprend.

– La première fois, elle était seule et nous étions huit hommes. J’ignorais tout de la réalité de ce genre de pratique. Je sais que tu ne te moqueras pas de moi si je te dis que je n’avais jamais vu de vidéos pornos. Je devais être le seul mec de ma génération à n’avoir jamais visité les sites dédiés ! J’ai été super étonné de la voir sucer alternativement deux queues, pendant qu’une troisième allait et venait dans sa chatte, les autres mecs se branlaient en attendant leur tour, certains lui touchaient les seins, le ventre, la chatte, les cuisses. J’ai été super étonné, mais putain, le frisson qui m’a parcouru n’avait pas de prix ! Ni son égal. Je me tenais un peu à l’écart, fasciné d’être le spectateur d’un scénario dont j’allais être l’acteur.

Audrey me suçait quand le premier mec a joui sur son ventre. Je me souviens avoir été admiratif de la rapidité avec laquelle il était sorti de sa chatte, avait retiré sa capote pour éjaculer dans la foulée. J’aurais voulu baiser Audrey, qu’elle me suce, la baiser encore, qu’elle me suce, et jouir dans un feu d’artifice de sperme et de grognements, comme le faisaient les autres participants. Hélas, à peine étais-je en train de la pénétrer que j’ai pensé à ses mots. J’ai imaginé son plaisir et je n’ai pas senti surgir le mien qui a explosé aussitôt. Audrey m’a fait connaître tous les aspects du sexe de groupe et des plaisirs que je voulais explorer. Notre romance a duré tout l’été. Début octobre, si ma mémoire est bonne, j’ai commencé à avoir moins de désir pour elle et elle pour moi. Nous en avons parlé sereinement et tout aussi sereinement, nous avons décidé d’arrêter là. De toute façon, l’année universitaire allait débuter et il était hors de question que je rate médecine une deuxième fois. J’ai décidé de redevenir l’étudiant sérieux, concentré sur ses études que j’avais été jusque-là.

– Tu as réussi à tenir ?

– Aussi surprenant que ça semble te paraître, oui ! De toute façon, je n’avais pas envie de croiser Audrey et mon cercle de relations, très limité, tournait autour d’elle.