Bonheurs des jours, confidences épistolaires – Merci pour le chocolat ! (Compte-rendu de la 2ème séance pré-intronisation)

Le 25 avril 2019

1 – La convocation

Manon est venue nous chercher, pour que nous servions de juges dans un litige sur un point capital, litige qui opposait Lucas et Émilie. Nous cherchions du regard de quoi nous vêtir quand elle a chantonné « Come as U are » à la façon de la pub McDo, ce que Jimmy et le Balafré lui ont reproché. Manon a éclaté de rire, les a regardés « Ah… j’avais oublié… toi, t’es plus branché “L’été s’ra chaud” ! » en effectuant une chorégraphie que d’aucuns qualifieraient de ridicule, mais que je défendrais avec toute la mauvaise foi requise par de longues années d’amitié. Certains ont ri avec Manon, mais d’autres se sont montrés solidaires envers Jimmy.

Madame gloussa comme un dindon en traversant la cour. Elle avait enfilé à la hâte un déshabillé soyeux et les regards concupiscents du Notaire et du Bavard l’avaient poussée à laisser échapper ce cri ridicule. Nous étions légèrement vêtus, mais aucun d’entre nous n’était nu.

En effet, l’heure était grave, le motif du litige d’importance. Qui d’Émilie ou de Lucas préparait le vrai, l’unique chocolat ? Tous les regards se portaient sur nous, les anciens, nous qui savions, nous qui avions dégusté à maintes reprises celui que préparait Louise, nous qui en connaissions la recette, nous qui serions en capacité de trancher et pouvoir ainsi clore définitivement le débat.

Nous prenions notre rôle de jury très à cœur, nous penchant en avant pour mieux confronter nos impressions. Jimmy rendit sa sentence.

– Pour ce qui est du goût, le chocolat préparé par Lucas est incontestablement le plus proche de la recette originale de Louise. Mais le meilleur est celui préparé par Émilie, qui a suivi la recette d’Odette, la version gourmande de celle de Louise.

– Tu… tu connais le goût… d’Odette ?

– On peut dire ça comme ça, en effet !

– Mais non ! Tu vois ce que je veux dire… tu connais le goût du chocolat de mémé Dédette ?

– Oui. Aussi. Mais, pitié, appelle-la plutôt Odette !

– Quoi ? Quoi ? Quoi ? Que cache ce “Aussi” ?

Émilie a sursauté, Jimmy a ri en reprochant au Balafré et à Monique d’avoir trop affûté l’esprit de la petite Manon.

2 – Le récit de Jimmy

Après mon service, j’ai vécu quelques années à Paris. Martial m’invitait souvent à partager leur repas avant de passer la soirée dans sa chambre, à refaire le monde, à boire et à fumer, à écouter de la musique, à nous raconter nos exploits, nos conquêtes réelles ou fantasmées, à nous préparer à sortir en boîte…

Un soir, alors que je revenais de la bibliothèque universitaire, je croisai Odette dans le bus, une surprenante valisette à la main. Je lui demandai où elle allait. Toute excitée, elle m’expliqua qu’une de ses copines organisait une boum et qu’elle avait obtenu à la dernière minute, l’autorisation d’y rester dormir. Ni ses parents ni ceux de sa copine ne possédaient le téléphone, la surprise que sa venue allait lui faire était pour beaucoup dans l’excitation d’Odette. Nous devisions joyeusement, elle trouvait amusant que ce soit à mon tour de passer une soirée studieuse et solitaire.

Je descendis à mon arrêt, me retournai pour lui faire un signe de la main, quand je constatai qu’elle était descendue à ma suite. « Est-ce que je pourrais te demander de me rendre un service ? » À son regard inquiet, je compris que ce n’était pas le genre de service qu’on pouvait demander incidemment au coin d’une rue, fut-elle animée. Supposant qu’elle allait m’avouer qu’elle passerait la soirée et la nuit, non pas chez une copine, mais avec son petit ami, n’osant pas lui proposer de monter dans ma garçonnière, je lui offrais d’en parler autour d’un verre.

– Jure-moi de garder le silence sur ce que je vais te demander. J’ai des copines qui ont déjà couché… elles disent que la première fois, c’est toujours nul, qu’il faut en passer par là, ça ne fait pas toujours mal, mais ça n’est jamais agréable la première fois. Mais moi, je suis sûre que c’est parce que les mecs étaient puceaux eux aussi. Alors, je me demandais… est-ce que tu voudrais me dépuceler, en t’appliquant pour que j’en garde un bon souvenir ?

Abasourdi, je regardai tout autour de moi, effrayé à l’idée que quelqu’un ait pu entendre ses mots. Presque aussitôt, je réalisai que personne ne nous connaissait, que personne ne savait qu’elle était la petite sœur de mon meilleur ami. Pour tous ces gens, nous étions un couple d’amoureux et c’est ainsi que j’acceptai sa proposition, à condition toutefois, de pouvoir en parler librement à Martial si j’en éprouvais le besoin. J’insistai sur ma volonté que les heures qui allaient suivre ne changent en rien les rapports que j’entretenais avec elle. Odette me tendit son petit doigt recourbé afin que j’y accroche le mien, sa façon toute adolescente de « toper là ».

Arrivés chez moi, Odette se tint debout au beau milieu de la pièce, semblant chercher quelque chose du regard, elle respirait à pleins poumons comme pour s’imprégner de l’air ambiant.

Je ne veux rien oublier de cette soirée ! Euh… je me déshabille ou tu me déshabilles ?

Son sourire coquin et son regard mi-effronté, mi-craintif me firent l’effet d’une gifle. Je m’ébrouai comme on cherche sa lucidité et lui annonçai un changement de programme.

– Non, Odette. Non. Pas ici. Pas comme ça. Pas maintenant. Remets ta gabardine, prends ta petite valise et suis-moi !

– Tu… tu me ramènes chez moi ?

– Sauf si tu y tiens, mais… quant à moi… À nana exceptionnelle, il faut une ambiance et un cadre exceptionnels ! Vérifions tout d’abord si nous avons de la chance…

En chemin, je lui expliquai mon plan de bataille et les solutions de repli. J’avais fait exprès d’employer ces termes, un peu par jeu, beaucoup par défi. « Et si pour ce soir, tu oubliais un peu tes études ? » Je ne connais aucun mot pour exprimer l’intensité de notre regard à cet instant précis.

À la sortie du métro, une bouffée d’air chaud nous surprit. Odette retira sa gabardine qu’elle posa sur son avant-bras. Elle courait en direction des quais, se retournant tous les deux pas « Viens ! Mais viens ! Plus vite ! » Je me régalais du spectacle de sa robe qui, en virevoltant, dévoilait ses magnifiques jambes.

Nous avions de la chance, dit l’employé des bateaux-mouche, une table venait de se décommander, nous pouvions donc embarquer pour ce dîner-croisière. Je vous jure que j’ignorais tout de l’histoire de la photo de Jean-Baptiste avant que Martial ne m’en parle, sept ans plus tard !

Une fois installés, Odette me demanda ce qu’elle devait choisir et si sur ma carte aussi les prix étaient absents. Tout en me posant la question, elle se leva et se pencha pour vérifier.

– Ouah ! C’est vachement cher !

– Rien n’est plus beau que tes seins… euh… rien n’est trop beau pour toi !

J’avais du mal à déglutir.

– Bah ! Tu les as même pas vus !

Je lui expliquai qu’elle devrait être attentive au plaisir qu’elle prendrait à sentir le désir de son partenaire s’accroître tout au long de la soirée, qu’elle devrait guetter ces petites flammèches qui le ravivent, l’entretiennent, et lui rappelai encore qu’elle devrait être attentive au plaisir qu’elle prendrait à se sentir ainsi désirée. Elle rétorqua

– C’est facile pour toi, tu le sais tout de suite si tu bandes ou pas, tandis que pour moi…

– Ça ne t’arrive jamais de ressentir comme une brûlure entre les cuisses ?

Odette baissa les yeux et marmonna « Si »

– Et que fais-tu dans ce cas-là ?

Le serveur prit notre commande et revint presque aussitôt avec nos coupes de Champagne. De vraies coupes, puisqu’à l’époque, on ne le servait pas dans des flûtes. Nous trinquâmes et la réponse d’Odette s’évanouit au milieu du tintement des verres qui s’entrechoquaient autour de nous.

– Tu disais ?

– Je mets mon oreiller entre mes cuisses que je serre très fort jusqu’à ce que ça passe…

Je fermai les yeux pour tout à la fois chasser cette image et la graver à tout jamais dans ma mémoire. Odette se méprit.

– Mais je suis encore vierge, tu sais… tu veux touj… ? Pourquoi tu fermes les yeux ?

– Je me représentais la scène et…

– Et ?

– J’ai eu besoin de quelques secondes de… méditation pour m’empêcher de te culbuter. Là. Tout de suite. Sur la table !

– Tu… tu bandes ?

– Oui

Elle me fit craquer quand elle posa ses mains sur ses joues. « Oh… la chance ! » Le serveur venait de nous apporter les entrées quand elle me demanda, si ça ne faisait pas un peu mal. J’éclatai de rire en répondant non, à nouveau, elle soupira « La chance… ! »

– Pourquoi ? Ça te fait mal ? Avec l’oreiller ?

Prenant des airs de conspiratrice, elle me dit.

– Des fois, c’est pire avec l’oreiller ! Tellement pire que je suis obligée de m’asseoir sur du froid pour tout arrêter !

– Et tu n’as jamais eu l’idée de te… soulager ? De t’offrir du plaisir ?

– Tu… tu crois que je peux ?

– Mais bien sûr ! Qui aurait le droit de t’en empêcher ?

– Mais je te demandais pas si je peux, genre « Je peux ? J’ai le droit ? », je te demandais « Je peux ? », genre « Tu crois que c’est possible ? » !

Je remarquai le sourire en coin du serveur qui ne perdait pas une miette de notre conversation. J’éclatai de rire.

– Ça c’est sûr ! Je sais que tu le peux !

Le serveur desservait notre couvert quand elle me demanda « Tu pourras me montrer comment faire ? Tu veux bien ? » Je la rassurai sur ce point. Elle me regarda avec fierté et gratitude.

– J’étais sûre que… avec toi… Après, tu pourras me demander tout ce que tu veux, tu sais ! Tout. Tout. Tout !

Le serveur trébucha, ce qui créa un peu de diversion. Tout au long du repas, elle me posa des tas de questions, me fit des confidences. Nous étions assis côte à côte en attendant le photographe, quand elle me demanda si je bandais. Je répondis oui. « Je peux toucher ? » La peur que l’on remarque son geste malgré la table derrière laquelle nous étions assis, l’excitation que cette crainte engendrait me fit bander puis débander puis rebander mollement. Je sentis sa main sur mon pantalon. Je la dirigeai discrètement.

– C’est normal que quand je te touche ça me fasse des trucs dans les nichons ? Pas sur le bout du téton, mais… tout autour des mamelons… comme plein de petites piqûres d’aiguille, mais en vachement agréable… Oh ! Mais t’en as un autre ou c’est le même ?

Je ne pus calmer mon fou-rire qu’à l’arrivée du photographe. À la fin de cette croisière, avant de descendre sur le quai, Odette ouvrit son porte-monnaie et s’excusa de ne pas pouvoir donner plus au serveur, qui la rassura en lui disant que c’était le geste qui comptait.

Pendant ma vie d’étudiant, j’ai exercé plusieurs petits boulots ; en 1967, j’étais tout à la fois le guide et le conservateur d’un hôtel particulier du 18ᵉ siècle. Quand j’en ouvris les grilles à Odette, elle s’écria « Je suis une princesse ! Je suis une princesse ! » Je la pris dans mes bras « Chaque homme qui te désirera devra te traiter comme telle, Princesse ! »

Je voulus lui faire visiter les lieux, mais dans un des boudoirs, n’y tenant plus, je l’embrassai. Elle me demanda

– C’était bien ? T’as aimé ?

Je lui retournai la question. Elle parut réfléchir, hésiter, m’embrassa de nouveau. « J’adore ça ! » Nous nous effondrâmes sur le sofa, inscrit au Mobilier National, nos baisers étaient de plus en plus fougueux quand elle me supplia de lui “peloter les nichons”. Le temps qu’elle dégrafe sa robe, je me déshabillai. J’étais en train de retirer mon slip quand elle s’arrêta net, le haut de sa robe tombant sur ses épaules. « Oh ! Mais c’est vachement beau, en fait ! » et comme si elle me le reprochait « Pourquoi on dit que c’est moche ? C’est vachement beau, en vrai ! ». Tendant un index timide, elle me demanda « Je peux ? » Comment le lui refuser ? Je lui rappelai toutefois son souhait de se faire peloter les nichons. Elle eut un geste agacé, comme pour me dire « plus tard ».

Nous étions dans ce boudoir parce qu’il n’était percé d’aucune fenêtre, que la lumière pour les visiteurs y était volontairement tamisée. Odette regardait mon sexe de tout près, le touchant, le manipulant comme un enfant découvre un jouet. J’avais eu le tort de lui dire « Amuse-toi avec pour faire connaissance, après, je m’occuperai de ton cas ». Alors, elle le taquinait du bout de l’index.

– Bite ! Bite ! T’es qu’une bite !

L’attrapant à pleine main et prenant une voix grave.

– Non ! Je suis une grosse verge ! Je ne suis pas une bite !

De nouveau l’index.

Si ! Bite ! Bite ! Bite ! T’es qu’une bite !

Appelons nos amis pour nous départager !

Elle fit alors courir ses longs doigts graciles le long de mon corps.

Bite ? Verge ?

Ses deux mains à plat sur mes cuisses convergèrent vers mon membre. « Pénis ! », puis me regardant.

On dit « pénisse » ou « péni » ?

– Pénisse, sauf si tu veux plaisanter

– Tu sais, je fais souvent un drôle de rêve… je suis devant une statue et je lèche son pénis comme ça…

Je ne pus m’empêcher de crisper mes mains autour de sa tête, ni de réprimer un juron quand sa langue lécha mon sexe sur toute sa longueur.

– Oh pardon ! Je t’ai fait mal ?

Oh non, Odette ! Bien au contraire ! Mais laisse-moi découvrir ton corps…

Je finis de la dévêtir, en prenant tout mon temps. Je voulais qu’elle grave à tout jamais cette nuit dans sa mémoire, mais je tenais également à ne jamais oublier mes propres sensations, à ne jamais oublier l’éclat de sa peau brune magnifiée par cette lumière oblique, sa douceur, sa chaleur, ses seins ronds et déjà lourds. Pour éviter de jouir trop vite, je déplaçai ses mains de mon corps vers le sien, nous nous embrassions comme pour prolonger ces préliminaires. Nos doigts se rejoignirent sur son pubis. J’allais lui expliquer comment soulager la brûlure dont elle m’avait parlé plus tôt quand elle me demanda si j’avais déjà couché avec une noire. Devais-je mentir ? Elle lut la réponse dans mon regard hésitant et manifesta son dépit.

J’aurais dû m’en douter…

– Ça t’ennuie ?

– Non, mais comme tu vas être mon premier… j’aurais aimé être ta première quelque chose…

Comment lui dire qu’elle resterait à jamais la première de beaucoup de choses ? Comment lui expliquer qu’elle resterait pour toujours la première pour laquelle j’avais dépensé en un repas la somme avec laquelle j’aurais pu manger pendant quinze jours et que je ne le regrettais pas… la première avec laquelle je passais un moment aussi joyeux que sensuel, aussi léger qu’émouvant avec une telle évidence… la première que j’emmenais sur mon lieu de travail… la première à m’avoir sucé sur le sofa sur lequel d’anciens propriétaires prestigieux avaient certainement connu les mêmes plaisirs ?

– Je n’ai jamais couché avec la petite sœur d’un de mes amis, tu es donc la première !

– T’es sûr ? Jure-moi que c’est vrai !

– Est-ce que Martial a une autre sœur ? Non.

T’as même pas un peu couché avec une sœur de Jean-Luc ?

– Mais… Jean-Luc n’a pas de sœur !

– C’était pour être sûre… Tant mieux alors !

Soudain, elle retint ma main.

– Tu préfères te caresser toute seule ?

– Non… c’est pas ça… mais il faut que je m’essuie avant… c’est… comme tout mouillé…

– Mais c’est justement ça qu’on cherche ! Pour que ça coulisse mieux… regarde !

Je glissai mon majeur entre ses lèvres. Bon sang, elle était trempée ! Je la pénétrai de mon doigt avec l’intention de le faire aller et venir, mais elle croisa violemment ses cuisses, bloquant ma main et m’interdisant le moindre mouvement. Je sentais son corps onduler et une longue plainte venue du plus profond de ses tripes s’échappa de sa bouche.

J’aurais voulu qu’elle ne fermât point les yeux. Quand elle les rouvrit, elle voulut s’en excuser.

– C’était tellement bon ! Il n’y a rien de meilleur, n’est-ce pas ?

Regardant mon sexe et remarquant mon sourire, Odette ajouta

– C’est encore meilleur avec une bite ?

Je m’étais promis de lui faire découvrir d’autres plaisirs avant de la pénétrer, mais cette remarque anéantit toutes mes bonnes résolutions. Je me levai, la pris dans mes bras, la déposai sur le lit de la chambre nuptiale. Prenant une voix de baryton, je lui dis enfin.

– Qui t’a parlé de bite ? Je te parle des plaisirs que peut t’offrir une grosse verge ! … C’que tu peux être belle quand tu souris comme ça ! Non ! Garde tes yeux ouverts !

Je la pénétrai lentement, à l’affût du moindre sursaut, du plus léger frémissement indiquant une quelconque douleur ou un éventuel déplaisir. Sa bouche semblait psalmodier une prière, je lui demandai si elle avait mal, pour toute réponse, elle me sourit et, comme anéantie, fit non de la tête, je regardais sa boule afro danser sur l’édredon. Qu’elle était belle ! Quand elle put enfin parler, elle me demanda si c’était aussi agréable pour moi. Voyant mon sourire, elle me demanda d’une toute petite voix si je pouvais me retirer pour la prendre à nouveau. Je m’exécutai avec un étonnement non feint. Elle venait d’ajouter, sans le savoir, un nouvel item “première fois”, parce qu’elle reste la première à avoir exprimé tout naturellement son désir. Je me retirai prestement et la pénétrai de nouveau au ralenti.

– Encore… encore… enc… mais retire-toi tout doucement… que je puisse profiter… oui… outch ! j’aime bien la p’tite bosse…

La p’tite bosse ? Ça ?

– Oui ! Stop ! Ne bouge plus ! Pourquoi tu souris ?

– Parce que je suis heureux !

Oh ! Merci ! C’est gentil ! Mais… pourquoi tu bouges plus ?

Tu m’as dit « stop »

J’acceptai de reprendre mes va-et-vient à la condition qu’elle me guide avec ses mots, tantôt elle voulait que j’aille vite, tantôt lentement, elle demandait que j’aille « tout au fond » ou, a contrario, de maintenir mon gland à l’entrée de son vagin. Elle donnait parfois l’impression de suffoquer jusqu’à ce qu’une grande inspiration soulève sa magnifique poitrine. Elle me réclamait des baisers, je les lui offrais.

– Montre-moi… pour les… brûlures… calmer…

Je pris sa main et la guidai vers son clitoris.

Avec moi ! Aide-moi ! Montre-moi… comment… faire… !

Je posai ma main sur la sienne, mes doigts exerçant une pression sur les siens.

– Odette, je vais jouir…

Mais… après… on passe quand même la… nuit ensemble ?

Ému, je me penchai pour l’embrasser quand je remarquai un cercle saillant autour de ses aréoles. Je décidai de les caresser du bout de la langue, pensant naïvement parvenir à retarder mon éjaculation. Odette poussa un charmant petit cri aigu et délicat.

– Tu sens ? Que… je jouis en toi ?

N’arrête pas ! N’arrête… pas !

Je me figeai en elle, espérant ne pas débander trop vite, elle arrêta de se caresser, me demanda de le faire à sa place tandis qu’elle se caressait les seins. Nous nous sentions tellement bien que j’acceptai sa proposition, retarder au maximum l’explosion de son plaisir. Je bougeai à peine tant je redoutais sortir de son vagin et, alors que j’avais craint la débandaison, je sentis ma queue redevenir vaillante. Odette s’en aperçut également.

– Merci, Jimmy !

– Y a pas de quoi, Odette !

Quand elle jouit, ma bite était à nouveau dans une forme olympique, mais je craignais d’irriter le sexe fraîchement dépucelé d’Odette, aussi, je me retirai assez vite.

– Tu me montres la p’tite bosse ?

Dans un sourire, je lui fis découvrir le bourrelet à la base de mon gland. Elle l’embrassa avec tendresse.

C’est encore meilleur que dans mes rêves… slurp… de statue… !

Durant toute la nuit, je fus secrètement jaloux de l’homme qui aurait la chance de partager sa vie. Odette était avide de plaisirs, curieuse, belle, libre de son corps, de ses pensées, inventive…

J’étais invité au déjeuner dominical chez Martial et ses parents, une journée s’était passée depuis notre nuit, je me demandais quelle contenance je devrais prendre. J’étais tellement troublé par ces heures passées avec Odette que si elle me l’avait demandé, j’aurais fait ma vie avec elle, mais elle s’en tint à notre accord initial. Elle me fit la bise « Oh, t’as l’air en pleine forme dis-moi ! », Louise m’apprit que depuis la boum à laquelle elle avait assisté, Odette se montrait particulièrement insolente sous ses airs angéliques. J’aurais dû être embarrassé de ce mensonge, mais j’étais heureux de le faire.

Peu après, Odette rencontra Bertrand, avec lequel elle eut très vite un premier enfant, puis un autre et enfin un troisième. Quand je m’installai à Lyon, nos liens se distendirent, nous nous envoyions nos vœux de bonne année, un petit mot pour chaque anniversaire, mais j’avais surtout de ses nouvelles par Martial.

Je ne l’ai vraiment revue qu’aux obsèques de ses parents. Leur mort avait été si brutale qu’elle nous a tous anesthésiés. En revenant du cimetière, avant d’entrer dans leur petite maison, je la vis tirant nerveusement sur une cigarette. Avec l’espoir de faire naître un sourire sur ses lèvres, je lui demandai « Comment va ma Princesse ? ».

Odette s’effondra dans mes bras. Je pensais avoir ravivé ses plaies et m’en voulais quand elle m’avoua ce que toute sa famille ignorait encore.

– Tu parles d’une princesse ! Elle a quarante ans et autant de kilos en plus, ta princesse ! Son mari la fait cocue et va emménager à la fin du mois avec une plus jeune et bien plus belle qu’elle ! Monsieur a besoin de découvrir de nouveaux horizons ! Si seulement, j’en avais la possibilité, moi aussi j’aimerais en découvrir, de nouveaux horizons !

– Serviteur !

Je m’étais incliné vers elle, dans la posture requise par tous les manuels de savoir-vivre.

– Te fous pas de moi, chuis pas d’humeur…

J’attrapai ses poings au vol, l’obligeai à me regarder dans les yeux.

Je suis sérieux, Odette ! Tu peux poser des congés rapidement ?

Ça fait six mois que je suis à la retraite !

– Déjà ? Mais…

Enfin, je la revis sourire ! Elle m’embrassa sur la joue.

Flatteur, va !

– Et ton connard de mari, il compte partir quand au juste ?

Le 30… ils emménagent à Cannes.

– À Cannes ? Pff… quel ringard !

Note de Sylvie : Jimmy a interrompu son récit pour s’adresser à Émilie « Avec tout le respect que je dois à ton grand-père ! »

Tu crois que j’ai l’air plus fine, moi, avec mon pavillon devenu trop grand en Seine-et-Marne ?

– D’où l’urgence de te faire découvrir de nouveaux horizons !

– C’est quoi ce regard lubrique ?

– De nouveaux horizons, Princesse !

Mais t’as vu c’qu’elle est d’venue ta Princesse ? C’est facile pour toi, t’as pas changé, t’as gardé ton corps de jeune homme ! Pas un pèt’ de graisse…

J’objectai mollement, sincèrement flatté qu’elle me vît ainsi. Tel un maquignon estimant la valeur d’un bestiau, elle palpa mon abdomen.

– Oui, mais ça c’est pas du gras ! C’est du rembourrage, ça compte pas ! Alors que moi… regarde-moi ça !

Elle me désigna Martial qui se dirigeait vers nous.

– C’est marrant, tout de même… Papa et maman n’étaient pas gros, alors que nous…

– Ça va ? Pourquoi vous n’entrez pas ?

– J’essaie de convaincre ta sœur d’accepter l’idée de découvrir de nouveaux horizons…

– Avec Bertrand ? Ça s’arrange, finalement ? Sylvie craignait que…

– Oui !

– Pas vraiment…

– Oui ou pas vraiment ? Mettez-vous d’accord !

Bertrand me quitte, il déménage à Cannes avec sa pouffiasse.

Odette !

Quoi « Odette ! » ? Laisse-moi le temps de digérer le truc avant de me demander d’être peace&love !

– D’où les nouveaux horizons

– Ah ouais… genre… « Serviteur ! » ?

– Exactement !

– Dédette, tu peux pas refuser !

– Si je te dis « nouveaux horizons », tu me réponds… ?

– Canada

Alors… va pour le Canada ! On embarque à la fin du mois !

– Mais t’es taré ! Complètement taré !

En s’éloignant, Martial nous dit « Je vais leur dire de vous laisser en paix, que vous avez besoin de vous isoler pour parler un peu. Mais savoir que vous arrangez en douce une escapade amoureuse… c’est comme si papa et maman n’étaient pas morts, que Sylvie n’était pas dans le coma… Vous ne pouviez pas me faire plus plaisir… la vie continue et vous en êtes la preuve ! »

Note de Sylvie : Émilie s’est exclamée « Mais j’y étais ! » et d’une pichenette sur l’épaule de Lucas « Et tu y étais aussi, non ? »

– Oui, vous y étiez, quant à Sylvie, elle a préféré se faire renverser par une voiture et dormir ensuite pendant vingt-sept longs jours plutôt qu’assister aux obsèques de ses beaux-parents !

« La relève » voulut connaître la suite de l’histoire.

– Et alors ? Bah… je l’ai emmenée au Canada pour lui faire découvrir de nouveaux horizons… et voici ce qu’Odette qualifie de « regard lubrique » !

– Euh… oui, mais en même temps, elle a pas tort ! C’est carrément un regard lubrique ! Vas-y, Jimmy, raconte comment vous avez tout mis au point !

Avec les années, le quotidien, Odette avait oublié qu’elle est belle, qu’elle est née belle, qu’elle a grandi belle, qu’elle sera belle jusqu’à son dernier souffle. La femme qu’elle me décrivait n’était pas celle qui se tenait devant moi. Je crus qu’elle l’avait compris quand je la vis esquisser un sourire. Par jeu, je lui en demandai la raison.

– Je voulais savoir… j’avais droit à combien de vœux ?

– ??

Pour les nouveaux horizons… j’ai privilégié la destination, mais…

– Odette ! Je n’aurai jamais la patience d’attendre tout un mois !

Il le faudra bien, Jimmy. Laisse-moi me faire à l’idée que je peux encore être une princesse !

Mais tu l’es ! Tu es une princesse, Princesse !

– C’est peut-être évident pour toi, mais ça ne l’est plus pour moi et depuis belle-lurette ! Laisse-moi me faire à l’idée… j’ai besoin de faire la paix avec moi-même !

Alors, laisse-moi tout organiser, l’attente sera moins pénible…

Elle se hissa sur la pointe des pieds, pour m’embrasser sur la joue, puis, après avoir jeté un bref coup d’œil en direction de la maison, se ravisa « Après tout… » et me roula une pelle. « À tous les coups, je vais passer un mois entier à rêver de statues… ! » Je lui mis une claque sur les fesses.

Note de Sylvie : Jimmy s’en est excusé, mais a interrompu son récit pour passer un coup de fil. Il est revenu, le sourire aux lèvres.

Odette prend le premier vol, j’ai enfin réussi à la convaincre venir ici, parce que la petite Émilie voulait en apprendre plus sur sa grand-mère.

– Mais… pourquoi vous n’avez pas fait votre vie ensemble ?

– Mais parce que mon désir de ne pas avoir d’enfant était aussi fort que le sien d’en avoir ! Quelles aspirations aurions-nous dû réprimer ? Son désir de fonder une famille nombreuse était-il plus ou moins légitime que le mien ?

– Mais, quand vous vous êtes retrouvés, en 2009, ses enfants étaient partis…

– Quarante années avaient passé ! J’ai ma vie, une vie que j’aime par-dessus tout et… si ta grand-mère a de nombreuses et indéniables qualités, la perfection n’étant pas de ce monde, je dois t’avouer qu’Odette est malheureusement atteinte du syndrome de la monogamie ! Je n’ai aucune envie de cacher que je me tripote si je suis excité par le cul de Monique ou par les seins de Cathy… tu vois ce que je veux dire ? Quant à Odette, elle préfère m’avoir sept semaines une fois par an pour elle toute seule qu’avoir à me partager avec d’autres le reste de l’année…

– Attends ! Il n’y a pas eu qu’un voyage ? Sept semaines par an ? ! Mais on l’aurait remarqué ! Dédette ne quitte son appart’ que pour partir en cure !

– Cure qui dure… ?

– Oh putain ! C’est toi la fameuse cure miraculeuse ? Elle en revient toujours en pleine forme et de super bonne humeur !

– Je suis ravi de voir que vous en profitez aussi !

– Oh putain ! Mémé Dédette… une bombe au pieu… oh putain !

Bonheurs des jours, confidences épistolaires – La playlist du slideshow

En cliquant sur chacune des images, vous pourrez écouter les chansons ou morceaux auxquels pensait Manon pour sa présentation. En cliquant sur cette phrase, vous atteindrez la playlist complète.

Bonheurs des jours, confidences épistolaires – Compte-rendu de la 1ère séance pré-intronisation

Le 24 avril 2019

À la demande d’Émilie, d’Enzo, de Lucas, de Manon, de Pauline et de Vincent, j’endosse une nouvelle fois mon costume de secrétaire pour rédiger ce compte-rendu.

1 – Émilie

a) Le contexte

Je n’avais pas revu Émilie depuis presque vingt ans. Quand elle est entrée, Martial et moi avons eu un choc, pourtant Odette me l’avait avoué « Je sais que ce n’est pas bien, mais de tous mes petits-enfants, Émilie est ma préférée. J’essaie de ne pas le montrer, mais c’est un fait. Il faudrait que tu la voies pour comprendre, que tu la voies en vrai ! »

J’imagine combien ça a dû être pénible pour Émilie d’avoir à expliquer que ce couple ne l’avait pas adoptée, qu’elle était leur enfant biologique, mais fort égoïstement, je me réjouis qu’elle ressemble tant à son arrière-grand-père, qu’elle ait la même couleur de peau que lui, le même nez, la même bouche, mais, comme me l’a fait remarquer Martial, elle a hérité des oreilles de Louise et des yeux d’Odette. J’étais fascinée de voir danser les mains de Jean-Baptiste avec la grâce et la légèreté de celles de Louise…

b) La rencontre

Quand vous êtes arrivés au mas, nous étions installés dans le patio, en pleine discussion avec « la relève », comme nous vous surnommons avec tendresse et bonheur. Elle battait tellement son plein que nous en avions oublié la petite blague de bienvenue que nous vous avions réservée. Fort heureusement, Vincent a eu la présence d’esprit d’en expliquer la teneur « Tu dois deviner qui est qui, mais pour te mettre sur la voie, chacun porte une tenue en rapport avec sa profession ».

En nous voyant, Émilie a éclaté de rire avant de nous reprocher de savoir trop bien cacher notre jeu. Elle a martelé ces mots en les rythmant d’un index rageur.

C’est bien tenté, jeune fille, mais tu n’obtiendras rien par la flatterie.

– Tu sais que ce n’est pas loin de ce que je m’imaginais ? Le chemisier pas aussi ringard, enfin… presque pas aussi ringard, mais c’est pas loin, Sylvie !

Nous l’avons applaudie et je me suis levée pour cocher mon nom sur le tableau prévu à cet effet.

– Ouah, la jupe ! Ah non, c’est pas possible une jupe comme ça ! Cristina Cordula voit ça, elle meurt direct d’une crise cardiaque !

S’en est suivie une discussion animée, vous n’étiez pas d’accord avec nous, qui prétendions qu’elle a un goût de merde et, avec la dose de mauvaise foi nécessaire en la circonstance, nous avons justifié notre avis par un « depuis quand le Brésil peut se targuer d’être le pays de l’élégance ? ». Nous nous sommes tournés vers Alain, notre expert en la matière. Fin diplomate, il a esquivé l’écueil « Je ne voudrais pas me fâcher tout de suite avec la relève… »

Émilie a posé son index sur sa bouche, comme lorsque l’on a la réponse sur le bout de la langue.

– Si j’en crois ton costume et ton air ahuri, tu dois être… Martial. Me gouré-je ?

Martial a sursauté, surpris non pas qu’elle l’ait reconnu, mais qu’elle ait employé la formule dont se servaient Louise et Odette quand elles voulaient le faire enrager. Et sa voix… il suffit de fermer les yeux pour entendre ma belle-mère !

Nouvelle salve d’applaudissements, malgré quelques « Facile ! » qui fusaient ici et là.

– Je ne sais pas trop si tes cheveux sont blancs ou blond platine, mais tes yeux bleus, ta tenue… Sérieux, y a vraiment des profs qui portaient ça ? Ah ! Je comprends mieux pour les branlettes espagnoles… Tu es Monique, la Fille de Mère-Nature !

– Putain ! Le premier surnom qu’elle donne, c’est le mien ! Ça me poursuivra toute ma vie…

Émilie hésitait. Laquelle était Cathy ? Laquelle était Madame ? Elle sourit. Quelle étrange impression de voir le sourire de Louise s’épanouir sur la bouche de Jean-Baptiste ! Elle s’approcha à pas feutrés de Pauline, lui lança un regard enjôleur, la prit dans ses bras, l’embrassa sur l’épaule, fit glisser son baiser jusque dans le cou, passa sa main dans ses cheveux, rapprocha son visage du sien pour l’embrasser à la commissure des lèvres puis se retourna. D’un index désigna Pauline, de l’autre sa grand-mère.

– Madame, petite-nièce de Gentil Coquelicot !

En plus des applaudissements, nous manifestâmes bruyamment notre admiration.

– Bravo !

– Bien joué !

– Boudiou, l’a pas froid aux yeux, la gamine !

– Admirable sens de l’investigation ! Toutes mes félicitations !

Ces deux derniers commentaires permirent à Émilie de nommer le Bavard et Joseph.

– La cravate est un peu too much, mais même sans, j’aurais reconnu le Notaire… tu as une tête à avoir aimé faire beaucoup d’enfants !

Nous en sommes restés muets de stupeur ! Ça a été plus fort que nous, nous nous sommes tous levés pour l’étreindre avant de regagner nos places. Ne restaient que quatre noms, allait-elle faire un sans-faute ?

– Là, c’est facile parce que mémé Dédette a des photos de Martial pendant son service… Lui, là… avec sa pipe qui n’a jamais servi et ses fausses lunettes, c’est la caricature du mec qui est entré à l’école à trois ans et n’en ressortira que les pieds devant, mais même sans ça et sans ton costume dégueulasse, je t’aurais reconnu, Jimmy ! Et toi, à côté de Monique… c’est marrant, t’as les mêmes sapes que Martial, mais ça rend pas pareil…

Je ne suis pas gros !

Mais non, c’est tous les autres qui sont trop maigres, mon Titi !

– Donc toi, à côté de Monique, tu es Jean-Luc, le Harry Potter de la teub !

Monique s’est penchée vers moi, toujours debout près du tableau « Mais… elle est… nous ! » et s’est précipitée pour l’étreindre une seconde fois.

Émilie a hésité.

– Lui, c’est Alain… et le dernier… Christian.

Regards embarrassés et sourires contrits.

– T’inquiète, moi aussi je les confonds tout le temps !

Après avoir obtenu ce qu’elle voulait, c’est-à-dire la promesse d’une bonne leçon pour apprendre à différencier Alain de Christian, Monique ajouta.

– Pourtant, on avait gaffé en l’appelant par son surnom pour lui demander son avis sur miss magnifaïque…

– C’est pas Priape, ton surnom ?

– Euh non… ça fait quarante ans que je suis Brummel au sein de la Confrérie.

– Pourquoi une blouse blanche ? C’est pas Christian l’infirmier ? Tu l’es aussi ?

– Non, mais avant, les dessinateurs industriels se servaient d’encre de Chine… alors, on portait des blouses blanches…

c) Le premier débat

– Lucas m’a dit que je pouvais parler de tout, qu’il n’y aurait aucun sujet tabou, que je pourrai poser toutes les questions, sur Louise et Jean-Baptiste, sur vous, sur la Confrérie, demander des détails. Tout. Tout. Tout. Alors voilà. Moi, ce qui me prend la tête c’est par rapport à Pauline. Je sais qu’elle est amoureuse de Lucas, que c’est réciproque, qu’ils n’ont pas souvent l’occasion d’être ensemble. Sauf que moi, j’ai jamais autant pris mon pied qu’avec lui… et on n’aura pas beaucoup plus d’occasions de nous voir. Mais si ça doit faire souffrir Pauline, j’ai pas envie… j’ai moins envie… Mais en même temps, j’ai pas envie de m’interdire de coucher avec lui… Vous comprenez ? Comment faisiez-vous ?

– Je ne sais pas comment ils faisaient, mais je suis touchée que tu aies envisagé de te sacrifier pour ne pas me faire de la peine. Ce que je déteste, c’est l’hypocrisie. Tu es cash et ça me va. Je reste fidèle à mes convictions, le plaisir que tu prends avec Lucas, tu ne me le voles pas. Et si je devais me sentir mal à l’aise, je vous en parlerais. Comme disent les vieux et comme le disaient les encore plus vieux avant eux « Profite ! Profite, ma fille ! C’est tout ce qui compte ! »

Nous n’avons pu qu’approuver la sagesse de Pauline et Lucas s’est senti soulagé parce qu’il ne veut faire de mal ni à Pauline, ni à Émilie, ni même à Manon « qui occupe pas mal mes rêves aussi ».

– Je me pose aussi une question… à quoi ressemble ta marque ?

– Non mais… tu crois que je vais montrer ma bite à une gamine de la génération Harry Potter ?

Manon s’est aussitôt écriée

– Oh la mauvaise foi ! C’est toi-même qui m’a conseillé de les lire !

– Et alors ? Je te l’ai montrée, ma bite ? Non. Voilà.CQFD !

– Pff t’es vraiment nul ! Viens avec moi, Émilie, je vais te montrer…

Émilie a suivi Manon jusque dans la salle des fêtes. Je savais qu’elle vient régulièrement chez Jimmy depuis qu’elle s’est découvert une passion pour l’histoire, mais je ne la pensais pas autant dans son élément. La porte n’étant pas close et une des fenêtres entrouverte, nous pouvions entendre des bribes de leur conversation, elles tenaient à ce que nous devinions quel album photo, quels clichés les feraient réagir.

– Non ! Ça c’est pas possible ! C’est un trucage ! Non ! Aussi grande, aussi grosse… non !

– Cherchez pas, les filles, des comme moi y en a plus, le moule est cassé !

Pauline a eu un sourire en coin et a conseillé à Alain de ne pas être aussi affirmatif, laissant planer sur sa réplique un parfum de mystère fort mystérieux… Enzo, Lucas et Vincent souriaient entre ironie et fausse candeur.

– Tiens ! Regarde ! C’est la sienne, c’est lui !

– Ah ouais ! On dirait vraiment une cicatrice… ! Et là… c’est… ? Viens, on y retourne !

– J’ai une meilleure idée. Vous venez nous rejoindre ? Parce que j’aurais aussi ma présentation à vous faire, autant qu’on soit confortables !

Quand nous les avons rejointes, Émilie est allée à la rencontre de Monique, lui a parlé à l’oreille, ce qui a fait éclater de rire la Fille de Mère-Nature, qui lui a ébouriffé les cheveux avant de la serrer très fort contre elle.

2 – La présentation de Manon

À l’invitation de Manon, nous nous sommes installés dans la salle des fêtes. Elle nous demanda de patienter quelques instants, le temps pour elle d’achever les derniers préparatifs. Jimmy et Enzo l’aidèrent en apportant de quoi nous hydrater et nous sustenter, pendant qu’elle se changeait. Lucas, Pauline et Vincent regardaient autour d’eux, manifestement surpris, je réalisai qu’ils ne connaissaient de ce lieu que les descriptions que j’en avais faites. Il est loin le temps du projecteur diapo et du drap blanc en guise d’écran !

À nous tous, nous avons eu les moyens de doter notre salle des fêtes de tout l’équipement moderne, mais je n’avais pas pensé à le préciser.

Émilie était en grande conversation avec Monique, le Bavard et le Balafré. Les voir rire, chahuter ensemble me comblait de bonheur, Martial m’embrassa dans le cou.

– Tu te souviens de la dernière fois où je t’ai dit « je t’aime » ?

Oui

– C’était quand ? À quelle occasion ?

Juste avant de démarrer la voiture, quand tu m’as rappelé ma première visite au mas, quand je me suis souvenue qu’on avait fait le trajet complètement nus dans ta R8 et que je me suis déshabillée…

Ma chérie, tu m’épateras toujours !

– Pourquoi, parce que je me souviens d’un truc qui s’est passé tout à l’heure ?

Mais non ! Parce qu’à ton âge avan… parce que tu n’as pas hésité à refaire le trajet complètement nue aux côtés d’un prof à la retraite !

Manon est revenue, s’est installée sur l’estrade, a allumé l’ordinateur et mis en marche le rétroprojecteur.

J’ai fait cette découverte toute seule, je voulais vous la présenter. L’année dernière, j’aurais juste montré les photos, mais depuis que Christian m’a montré comment me servir réellement d’un ordinateur, j’ai eu envie de faire les choses de mon mieux. J’en profite pour vous remercier tous, tous autant que vous êtes, parce que vous m’avez acceptée telle que je suis et vous m’avez permis de découvrir que je vaux mieux que ce que je croyais. J’étais nulle à l’école et maintenant je sais que ce n’était pas à cause de moi, de ma bêtise, mais à cause de l’école et des professeurs qui se plient à un système aberrant. Bon, ça c’est le Balafré qui le dit comme ça… mais en tout cas, même si je n’obtiens jamais mon bac, je ne me dirais jamais « tout ça pour rien », parce que j’ai découvert le plaisir d’apprendre alors qu’avant c’était une corvée. C’est pour ces raisons que j’ai eu l’idée d’intituler ainsi ma présentation.

Comment l’esprit vient aux filles

Les vieux le savent déjà, mais au cas où Pauline ou Émilie ou Enzo ou Vincent ou Lucas l’ignoreraient, c’est le titre d’un conte érotique de Jean de La Fontaine. Il n’est pas en rapport avec ce qui va suivre, mais je le préférais à « Eurêka ! ».

Un soir, qu’on jouait au mémory, Vincent m’a fait remarquer que tous les membres de la Confrérie avaient au moins un truc brodé par Madame chez eux. Je dis un truc parce que ça peut-être un tableau, un coussin ou un tapis de souris… Des questions ?

– Tu parles d’un jeu de Mémory et des intérieurs des membres de la Confrérie. Peux-tu nous expliquer le rapport entre les deux ?

– Très bonne question, Harry ! Nous avons trouvé des clichés en double ou en triple exemplaires de certaines de vos séances photos. Alors, on les mélange et on les pose sur la table, à l’envers, comme pour un jeu de Mémory normal et on doit reconstituer les paires. Celui qui gagne a le droit de proposer la dernière figure à ses adversaires. Personne n’a refusé jusqu’à présent.

Je suis donc allée chez chacun d’entre vous et avec votre autorisation, j’ai photographié vos broderies sous toutes les coutures. Vous m’avez tous laissée faire, sans me poser de question puisque je vous avais dit que c’était pour une présentation que je comptais faire devant la Confrérie. Vincent m’a super aidée et Christian m’a aussi donné des conseils techniques sans le savoir.

En zoomant sur certaines parties, je me suis aperçue que toutes les broderies avaient un motif en commun, plus ou moins gros, plus ou moins caché alors que les couleurs des broderies, les thèmes et le style variaient suivant les membres.

J’ai adoré chercher, zoomer, espérer, être déçue puis finalement récompensée quand je trouvais enfin. J’aimais quand le motif me sautait aux yeux, mais je crois que j’aime encore plus les motifs qui m’ont donné du fil à retordre, comme dit Madame.

Nous avons applaudi si fort la présentation de Manon, nous lui avons manifesté si bruyamment notre enthousiasme et nos félicitations, qu’elle nous a reproché de vouloir la faire chialer.

À la question « Quel motif t’a donné le plus de fil à retordre ? », Manon a répondu « Le plus difficile était le plus facile à trouver, mais je ne savais pas ce que je devais chercher… C’est ça que j’ai aimé, partir à la recherche d’un truc sans être sûre qu’il y en ait un… me fier à mon intuition… et quand j’ai vu le premier, j’étais sur le cul ! Plus je connais Madame, plus je… Sous ses airs de mémé coincée, c’est la plus teug de vous tous ! »

Remarque d’Alain : On écrit « thug »

Remarque de Sylvie : Elle a dit « teug »

Remarque d’Alain : N’empêche que ça s’écrit « thug »

Qu’est-ce qui te faire dire ça, petite Manon des sources ?

– Par exemple, elle a caché le motif dans un détail de la broderie pour tous les membres de la Confrérie, sauf pour elle. Attendez ! Je vais vous montrer !

Manon est allée chercher la broderie de Jimmy, un tableau dans les tons sépia, un poilu assis à une table, une lampe pigeon répand une faible lueur sur ce qui semble être des lettres et des photos éparpillées. Une de ces photos représente ce fameux motif, qui ne doit pas mesurer plus de 2 cm sur 3. Tout en appuyant sur ce point, Manon poursuivit.

– Alors que chez elle, c’est le motif principal du tableau ! Et qu’il est dans son salon.

– N’importe quoi ! Je l’aurais vu !

– La preuve que non, Pauline ! Même Vincent ne l’avait pas remarqué !

– Et il est où dans le salon ?

– Sur le guéridon du côté de la porte.

– Celui où il y a le crucifix ? Le chapelet de sa communion et Sainte-Mir… Oh putain ! Oh putain ! Oh… putain !

Madame était rouge vif, elle resplendissait de susciter ainsi l’admiration de ces gamins dont deux de ses petits-enfants.

Jimmy proposa à « la relève » de leur laisser la jouissance du corps principal du mas et de notre côté, aller finir la journée dans les dépendances, à condition toutefois qu’ils nous prêtent leur mémory.

– Avec Vincent, on était tellement sûrs que vous alliez nous demander ça, qu’on vous en a fait un rien que pour vous !

– Et avec plus d’images…

Dont « la figure Rosalie » !

– Et « Colin-Maillard » ! Et « Mes hommages, Madame ! »

Ils nous ont remis notre jeu et nous sommes partis rejoindre les dépendances alors que le soleil n’était pas encore couché. Nous évaluions les chances de victoire de chacun quand Martial s’est déclaré certain qu’une fois de plus, j’allais l’épater. C’est pour cette raison qu’en l’entendant éclater de rire et hurler un « Je t’aime » retentissant, vous avez regardé par la porte de la salle des fêtes et que vous m’avez vue traverser la cour complètement nue.

Je vous propose de rédiger ainsi un compte-rendu pour chaque séance de pré-intronisation à la Confrérie du Bouton d’Or.

La Fiancée

Pour écouter la sélection musicale de Manon, cliquez ici

Merci pour le chocolat ! Compte-rendu de la deuxième séance de pré-intronisation