Les confessions motorisées – Enzo ~ Déplâtré

J’étais encore à l’hôpital quand j’ai appelé Vincent.

– Ça y est ! Ils m’ont retiré les plâtres !

– Tu vas où ? Au mas ? Rue Basse ? Chez Toine ? Au cabanon ? T’as prévenu les filles ou tu veux que je m’en charge ?

– On se retrouve chez toi, et on préviendra les filles ensemble. Il faut que je te dise un truc. Bon. Tu y seras à quelle heure ?

– Ben, de toute façon, j’allais pas tarder à rentrer. Alors, à peu près pareil que toi. Ça va ? T’as une drôle de voix.

– Je ne pensais pas que j’aurais mal après le déplâtrage, c’est pas super douloureux, mais quand même…

Vincent vit seul à la ferme depuis que Marcel s’est officiellement installé au mas, et que Jim l’a rejoint. Il fait une chaleur à crever en ce début septembre. Vincent se lave les mains quand je fais mon entrée. Les fenêtres sont closes. Les persiennes fermées, les rideaux tirés, offrent une certaine fraîcheur qui contraste agréablement avec la fournaise extérieure.

– Putain, regarde ! Le choc ! Regarde, si je les compare aux tiens… !

– Oui, mais j’ai un métier manuel, moi ! Mais c’est vrai qu’ils sont rachitiques… et pis ils sont tout… albinos !

– Ouais, je vais avoir besoin de rééducation, pour les remuscler… Euh… tu réponds quoi, si je te demande…

– Ben. On est confrères, non ? Et pis, on est cousins… C’est bien le moins que je peux faire pour toi. On commence quand, les séances ?

– Autant commencer maintenant, pour qu’on puisse estimer… euh… le… les…

– Ouais, t’as raison… Note bien que t’as pas tant perdu que ça… tes bras sont toujours plus épais que ta grosse teub !

– Mon énorme sexe !

– Ton énorme sexe au gland turgescent ! Ah Manon et ses expressions chopées dans les archives des vieux !

– Et dans les bouquins, aussi !

– T’auras besoin d’une vidéo pour la motivation ?

– Si tu veux, mais… oui… si tu veux… Une avec Émilie… tu sais « les cousines »… quand tu baises Émilie et que Lucas baise Pauline.

– On fait comment ?

– Ben, on commence avec toi à ma droite et après, on switche… Me regarde pas comme ça, j’ai les deux bras à remuscler !

– Ouais, ben, si tu vois les choses comme ça… Ok… Je serai ton banc de muscu… tes haltères…

– Ben pourquoi ? T’as pas envie que je te rende la pareille ?

– Si, si ! Mais… du coup, tu ne me suces plus et moi je ne te branle plus…

– Hey, mais tu déparles ! Qui t’a dit que je ne te sucerais plus ? Que tu ne me branleras plus ? Hey, c’est de la rééducation, c’est pas les travaux forcés ! Il faut y aller progressivement ! Il va bien falloir que je me repose les bras, alors…

– Trop bien ! Trop trop… trop bien ! Je te sucerais comme tu m’as montré que Pauline le fait, si tu veux !

– Euh, je préfère pas. Je veux bien que tu me suces, mais je préférerais que tu me suces comme tu aimerais me sucer, tu vois ?

Je branle Vincent de la main droite et je me branle de la gauche en regardant la vidéo, mais très vite la douleur devient insupportable.

– Je te jure que c’est pas un mytho, mais j’ai super mal aux bras.

Vincent sourit et me branle, comme si cette opportunité tenait du miracle. Il regarde la bouche d’Émilie, puis celle de Manon, enfin, celle de Pauline, sa main allant et venant le long de ma teub. Sans cesser de me branler, il se penche vers elle. On se regarde, même l’atmosphère retient son souffle, tant ce moment est chargé d’amitié. Vincent sourit, il sait que je comprendrai tout de suite qu’il pense à Pauline imitant leur grand-mère.

– Surtout, ne va pas te méprendre… !

– Que Dieu m’en garde !

Je n’ai pas fini ma phrase que je ferme les yeux. Le souffle de Vincent sur mon gland laisse deviner son émotion, son trouble. Son premier coup de langue, pas sur le gland, mais au milieu de la hampe…

– Arrête ! Arrête, Vincent ! C’est… c’est trop bon… C’est si bon que ça en devient indécent… Je ne veux pas te contraindre à me sucer comme ça tous les jours, alors… arrête ! Que sinon, je vais trop y prendre goût…

– Juste encore un petit peu… que je sache ce que je perds… Juste que je connaisse le goût de ton gland… et la sensation dans ma bouche… Tu veux bien, Enzo ?

Je capitule avant même d’avoir l’idée de combattre. Vautré dans le canapé, je me laisse aller aux plaisirs que m’offre la bouche de Vincent. Jamais personne ne m’a sucé comme ça. Je le lui dis. Vincent, la bouche pleine de ma queue, pousse un grognement de satisfaction. Il veut entendre mes commentaires, alors je me lâche, je dis des mots que je ne pensais pas prononcer un jour.

En voulant observer les mouvements de la bouche de Vincent, je remarque qu’il se branle. Je veux garder intacte cette vision et le trouble qu’elle provoque en moi. Je ferme les yeux, crispe mes doigts dans les cheveux de Vincent. Je décide de me laisser complètement aller au plaisir de cette sensation, sans chercher à retenir mon éjaculation. Ensuite, les rôles s’inversent.

– Ooh… j’adore quand tu me suces… Ça me détend tous les muscles du corps !

Je relève la tête.

– Euh, pas tous si tu vois ce que je veux dire…

– Ah, mais ça c’est pas un muscle…

À l’unisson sans nous être concertés, on dit « c’est un os ! » avant d’éclater de rire. L’évidence avec laquelle la sincérité de notre amitié a éclaté nous comble de bonheur. Manon et Pauline sont parties au mas, elles veulent écrire une petite saynète et ont besoin de la présence de Mireille à leurs côtés. Même si elle ne dit pas un mot, le fait d’être près d’elle augmente leur créativité. Ça ne pouvait pas mieux tomber.

On décide de se faire une soirée télé. La chaleur sans doute, j’ai pas l’envie de bouger et les cachets contre la douleur me cassent un peu. Il y a un match de foot à la télé. On le regarde en bouffant des chips et en buvant à même la cannette. À cause des cachets, je ne peux pas boire d’alcool, pas même une bière. Tout naturellement, Vincent a dit « Bon, bah dans ce cas, coca pour moi aussi ! »

À la mi-temps, il glisse sa main dans ma braguette qu’il vient d’ouvrir. Je fais pareil en glissant la mienne dans la sienne qu’il n’avait pas refermée. Vincent me jure que c’était un oubli. Prenant son rôle de kiné super au sérieux, il me donne ses consignes.

– Tiens, mets ta main gauche sur la mienne et on fait l’inverse avec ma teub.

– Ta jolie verge infatigable, tu veux dire…

– C’est comme ça que tu l’appelles ?

– Non, c’est Émilie quand elle en parle avec Manon et pour l’aspect “infatigable”, je suis d’accord. T’es toujours le premier à rebander.

– Ouais, mais tu sais ce qu’elles disent de toi ! Tu te rappelles à Avranches, quand on se l’est joué « Lucas, Enzo et Vincent, agents secrets » ?

Comment j’aurais pu oublier ? On était des gamins qui espionnaient leurs copines qui se disaient des secrets que seule l’amitié permet d’avouer.

– Plus je baise avec Enzo, même quand on fait l’amour, plus j’aime ça. Si je m’écoutais, je passerais ma vie avec forniquer avec lui.

– T’oublies la bienséance, Pauline… “forniquer”… t’y vas fort !

– Je maintiens ce que je disais, forniquer, oui ! Oui ! C’est bien le terme ! Parce qu’à ce niveau, c’est plus du désir, c’est un besoin vital !

– Fais pas ta coincée, Manon, reconnais que l’énorme verge d’Enzo…

– L’énorme verge au gland turgescent d’Enzo, tu veux dire ! Vous me trouvez folle si je vous avoue que j’adore croiser les chevilles, serrer les cuisses quand il me baise ? Je voudrais être tellement serrée autour de lui qu’il puisse plus sortir de moi ! J’adore cette sensation d’être remplie de son sexe et en même temps délicieusement écartelée…

– Je te comprends tout à fait, Pauline, ça me fait pareil quand il m’encule ! Ça te le fait aussi, Émilie ?

– Quelle question ! La sodo version Enzo, c’est quelque chose !

– Je vous vois venir toutes les deux, mais vous ne me ferez pas changer d’avis. Par derrière, c’est no way !

– Tu sais pas ce que tu perds

– Surtout qu’il n’y a pas qu’Enzo pour enculer comme un Dieu. Lucas, par exemple… t’en penses quoi, Émilie ?

– Lucas ? J’adore son flegme ! Vous avez remarqué que plus il reste de marbre, genre « c’est si bon que je prends mon temps sans me préoccuper d’autre chose », plus en fait à l’intérieur de lui c’est un feu d’artifice ?

– Ouais, mais moi, je sais comment le faire craquer !

– Moi aussi !

– Pareil !

Pauline, Émilie et Manon avaient rigolé « comme des crapules » quand elles avaient réalisé que chacune avait sa méthode, mais qu’elle ne pouvait fonctionner qu’avec elle. On était fiers d’avoir surpris cette conversation, mais dans les jours qui ont suivi, on s’est demandé si elles ne nous avaient pas repérés et si elles n’avaient pas improvisé ce dialogue. On a jugé plus raisonnable de rester dans le flou.

– En tout cas, je ne pensais pas que je kifferais autant sentir ta teub dans le creux de ma main et kiffer encore plus quand ta main est posée sur la mienne.

On est tellement bien qu’on ne prête plus attention à l’écran. On regarde dans le vide, même le bruit de la pub ne nous dérange pas. Je jouis sans chercher à retarder l’éjac. Vincent jouit peu après. On se regarde. On se sourit.

– T’as vu ? Timing parfait ! Le match vient juste de reprendre.

– Ouais.

On regarde le match quelques secondes.

– Ça te brancherait un 69 à la prochaine mi-temps ?

– De ouf !

Un quart d’heure plus tard, après une occasion de but ratée, je pense à un truc.

– Y aura pas d’autre mi-temps… y a pas deux mi-temps dans un match de foot.

– Ah ouais, c’est vrai ! Maintenant que tu le dis…

Puisque Vincent bande déjà et que moi aussi, on décide que le match est plié et que du coup, ça ne sert à rien d’attendre la fin. Je kiffe, mais alors je kiffe de ouf notre premier 69. Putain, je me dis que je vais suivre assidûment mes séances de rééducation avec Vincent.

Les confessions motorisées – Le cas de conscience d’Enzo (suite et fin)

Odette comprend qu’Enzo n’est pas tout à fait prêt à parler du cas de conscience qu’il avait évoqué plus tôt. Miracle ! Sans l’intervention de quiconque, la boîte à gants s’ouvre soudain. Enzo se plaint d’avoir mal quand il tente de la refermer.

– Ce n’est pas étonnant après sept semaines les bras dans le plâtre. Ne t’en préoccupe pas, je la refermerai quand on sera arrivés.

Les yeux rivés sur la boîte à gants béante, Enzo trouve enfin les mots.

– Je t’ai dit que Pauline passait ses vacances le nez dans ses bouquins, mais il y a eu une exception. Une seule. Le 14 juillet 2008. Je partais du bal des pompiers avec des potes, des vacanciers que j’avais connus et Vincent. On préférait partir avant la baston générale. Ça finit presque toujours comme ça, les mecs bourrés s’embrouillent et… Bref, on n’avait pas envie de se prendre une droite, genre « balle perdue ». Donc, on marche et on entend quelqu’un qui court derrière nous. « Hey ! Hey ! Attendez-moi ! » Et qu’on voit pas la Pauline qui nous demande de lui « rendre un petit service ». Imagine-la à 16 ans, coincée comme tout, qui vient de se prendre sa première cuite en cachette de ses grands-parents, parce que ses parents sont déjà repartis chez eux à Aix. À l’époque, elle se faisait des chignons super stricts, tellement serrés qu’on ne savait pas que ses cheveux étaient aussi longs et là, ses cheveux c’est du n’importe quoi. Imagine, la voix du mec bourré à l’élocution pâteuse, ça te parle ? Bon. Ben, Pauline c’est cette voix-là, mais en fille. « Vous savez ce qu’on dit des hommes ? Que c’est comme les melons, qu’il faut en tâter plusieurs avant de trouver le bon ! » On la regarde. Choqués. Pauline, quoi ! Pauline qui se lâche et qui rigole en plus. Elle essaie de s’asseoir sur un muret et manque de tomber, on la rattrape au vol, mais elle perd une chaussure. « Oh ! Ça, c’est un signe ou je ne m’y connais pas ! » « Quoi ?! C’est quoi cette histoire de signe ? » « Ben, comme Cendrillon, à minuit pfuit ! Finie la magie ! » Dis-toi qu’il est au moins deux heures du matin. Tu vois le délire ?

Enzo hoche la tête, d’un air réprobateur malgré les années qui se sont écoulées depuis lors.

– Elle a de plus en plus de mal à articuler. « Alors, je me disais, que pour trouver mon Prince Charmant… Ça vous dirait de me rouler une pelle, chacun votre tour pour que je puisse faire la différence ? » On lui demande si elle est sûre. Note quand même, qu’on n’est pas des porcs, on ne profite pas de la situation. On veut qu’elle nous le dise clairement. « Oui ! Je vous demande ça comme un service. Un service… euh… chevaleresque. Mais avant, il faut que je bande mes yeux pour ne pas être influencée. » Sauf que c’est moi qui lui bande les yeux, parce qu’elle est trop bourrée pour le faire elle-même. Et on l’embrasse chacun notre tour. On est cinq, mais franchement on ne profite pas de la situation pour… genre, la peloter. Non. On s’en tient au baiser. Avec la langue.

– Faut c’ qui faut, quand même !

– On a un peu peur qu’elle fasse des conneries, elle rigole super fort, elle chante à tue-tête dans les rues. Donc, on la laisse devant la maison de Daniel et Mireille. Et on rentre chacun chez soi.

– Tout qu’est bien qui finit bien, comme on dit.

– Sauf qu’il y a eu le lendemain… Je suis avec Vincent, on a prévu d’aller à la plage. Marcel nous tombe dessus et qu’il se met à nous engueuler comme quoi on a fait boire Pauline, qu’elle est arrivée chez lui complètement ivre, qu’elle voulait pas aller chez Daniel et Mireille de peur qu’ils remarquent qu’elle avait bu, qu’elle lui raconte pour les baisers… Nous, on lui explique qu’elle était déjà saoule et que oui, on n’a pas dit non pour ce test. Tu le connais, il monte aussi vite dans les tours qu’il en descend. « La petite a la gueule de bois, elle doit finir de cuver chez monsieur le maire et sa dame, mais c’est qui cet Allemand ? Son prince charmant, celui dont “le baiser frôlait la perfection” ? » Et de là, on apprend qu’elle lui en a dit beaucoup plus qu’on l’aurait cru, surtout certains détails. De nous cinq, c’était le quatrième. Celui qui portait une chemise si douce sous ses doigts. Le seul qui l’a plaquée contre son corps avant de l’embrasser. Le seul qui a passé la main dans ses cheveux. Le seul qui a caressé sa joue. Le seul dont le baiser lui a donné envie de devenir femme. Parce que son baiser était le baiser idéal, celui du Prince Charmant des contes de fées. Et nous, on se prend tout ça en pleine face. On se regarde. Choqués. Marcel nous fait jurer d’en parler à personne, que ça doit rester secret. Je jure. Vincent jure aussi. Marcel nous demande de ne pas faire allusion à ce moment d’égarement de sa petite-fille quand on la croisera, de faire comme si c’était jamais arrivé. Alors, quand Marcel évoque les liens familiaux, c’est que c’est grave. On sait qu’il ne nous pardonnera jamais si on tient pas notre promesse et que sa vengeance sera terrible. De toute façon, on n’a pas envie d’en parler. Voilà, tu connais l’histoire du baiser idéal de Pauline.

– Et il est où, ton cas de conscience ? Y a prescription, non ? Douze ans plus tard, ce secret deviendrait soudain trop lourd à porter ?

– Ben… c’est que… J’ai juré de le dire à personne. Je peux compter sur ton silence ?

– Tu le sais bien, sinon, tu ne serais pas ici !

– Pour faire la blague, Vincent a échangé de tenue avec l’Allemand. C’est lui qui l’a embrassée comme elle l’a raconté. Quand on était à Avranches, pendant le confinement, Pauline a raconté cette folle soirée. Sauf, qu’elle en a pas le même souvenir que Vincent et moi. Vincent m’a regardé et j’ai compris qu’il ne veut pas qu’elle l’apprenne. Surtout qu’elle ne veut rien faire avec lui. Et moi, je suis le traitre dans l’affaire, parce que d’un côté, je trahis Pauline en la laissant croire que c’était l’Allemand ; de l’autre, je trahis Vincent si je révèle le secret de ce baiser. Je suis dans une position intenable, tu comprends ?

– Tu penses que votre amitié n’y résisterait pas si tu posais directement la question à Vincent ? Tu ne te sens pas assez proche de lui pour lui faire part de ce dilemme qui te torture ?

– J’avoue, j’en sais rien. Mais le truc… bon c’est un peu la honte, mais c’est comme ça. Je me dis, imagine que Pauline finit par savoir. Elle parle de ce baiser avec des étoiles dans les yeux. Imagine, elle apprend que c’est Vincent son Prince Charmant, qu’est-ce que je deviens, moi dans l’histoire ? Comment je peux rivaliser avec Vincent ? Surtout que j’en ai pas envie, mais de toute façon, si Pauline l’apprend, moi… j’existe plus à ses yeux.

– Et pourquoi donc ?

– Parce que Vincent, il a tout ! Il est super beau, il a un avenir, Manon et Émilie racontent souvent comment il baise comme un dieu et moi qu’est-ce que j’ai face à ça ? Oui. Je vois ton sourire. Une grosse teub, mais c’est rien à côté de…

– Enzo, tu me fais penser à ton grand-père, Alain. Tu sais qu’il pensait la même chose ? Qu’il ne méritait pas Cathy, parce qu’il n’avait qu’une grosse bite à lui offrir alors qu’elle était la femme de ses rêves. Ne te sous-estime pas, je suis sûre que tu es bien plus aux yeux de Pauline qu’une énorme verge. Bien plus que ça… Même, si c’est un atout maître, comme on dit. Tiens, regarde, on est arrivés.

– Merci de m’avoir écouté, je ne sais pas quelle décision je vais prendre, mais en tout cas, je me sens soulagé, plus léger aussi.

– Ça, c’est l’ablation des plâtres !

Les confessions motorisées – Le cas de conscience d’Enzo

– Pardon madame… euh… ma sœur, c’est ici le confessionnal motorisé et médicalisé ?

– Que puis-je pour toi, mon garçon ?

Enzo fait la grimace. Manon n’a pas menti, Enzo n’aime pas qu’on l’appelle “garçon”.

– Normalement, on me déplâtre aujourd’hui. Si tu pouvais me conduire à Aubagne et me déposer chez Marcel au retour, j’en profiterais pour…

– Te confesser ?

– Euh… me confesser, si tu le dis comme ça, je dirais plutôt t’exposer mon cas de conscience.

– Allez, monte à mes côtés et on y va, jeune homme !

Enzo reste silencieux quelques minutes. Il semble chercher comment exposer son cas de conscience.

– J’espère que les radios seront bonnes, j’en peux plus de ces plâtres !

– Je veux bien te croire, avec cette chaleur, en plus ! Ça n’a pas trop gâché tes vacances ? Tu n’as pas pu aller à Avranches, pas trop de regrets ?

Enzo sourit.

– Non ! Je mentirais en disant que mes vacances ont été gâchées. Et puis, Manon et Pauline ne sont parties que depuis le 17 août. Avant, elles… Au final, mon handicap m’aura permis de profiter… Pauline tient vraiment de Mireille, elle t’invente des scénarios, comme ça !

– Comment ?

– Comme ça !

– D’un claquement de doigts ?

– Bah oui !

– Ah… désolée, j’avais pas vu ton geste… du claquement de doigts…

– « Elle est super, cette idée de confessionnal motorisé… Ça fait du bien de pouvoir parler à Odette » « Oh ça oui, elle a une écoute bienveillante » « Elle est surtout de bon conseil, Odette » et moi, comme un con, je les ai crus !

– Si tu comptes m’apitoyer pour que je m’excuse, oublie ! Mais je te promets de ne plus te taquiner. C’était pour détendre l’atmosphère.

– Pauline, je la connais depuis toujours. On se voyait aux vacances. Elle me plaisait, mais elle me calculait pas. Toujours plongée dans ses bouquins, sauf à la plage… À la plage, elle avait ses magazines de jeu, genre mots croisés, tu vois ? Elle n’avait même pas de portable, tu te rends compte ?! Mais c’est à cause de ses parents qui ne voulaient pas. « Les études avant tout ». De mon côté, je ne me privais pas… J’aimais bien l’été avec les touristes, les histoires sans conséquence, elles savaient qu’une fois les vacances finies…

– Qui ça ? Pauline ?

– Non ! Les meufs avec qui je sortais. Et y a eu Manon. Ouah ! Manon ! Elle est repartie à Paris fin août et c’est à ce moment que Pauline, qui passait quelques semaines chez ses grands-parents, m’a remarqué. C’était comme si elle me voyait pour la première fois. On était vraiment bien tous les deux. Et Manon est venue s’installer rue Basse. Et Vincent m’a proposé de refaire comme on avait fait pendant l’été. J’en crevais d’envie. Mais « nos retrouvailles »… C’était pas du tout comme je me les étais imaginées. Manon et Vincent ont remarqué que… Ils m’ont demandé pourquoi. J’avais juste l’impression de trahir Pauline et ça me cassait tout le plaisir. « Et pourquoi tu n’en parlerais pas avec elle ? » J’y avais déjà pensé, mais comment lui expliquer sans la peiner, sans qu’elle nous tape un esclandre ? La proposition de Manon était logique, mais si Pauline faisait un scandale, ça retomberait sur Manon qui n’avait vraiment pas besoin de ça ! Alors, Manon et Vincent m’ont proposé de me coacher. Que je sache quoi répondre à Pauline, avec les mots qu’il faut…

Enzo a soif. Odette se gare et l’aide à boire. Ils remontent en voiture.

– Il me semble que Pauline ne t’en a pas voulu, en fin de compte…

– Le truc le plus ouf, c’est qu’elle n’a pas posé une seule des questions qu’on avait prévues ! Sa première question a été « Vincent est au courant ? » Je lui dis que oui, qu’on le fait à trois. « À trois ?! Vincent, Manon et toi ?! À trois en même temps ?! Mais elle fait comment, Manon ? » On n’avait pas du tout prévu qu’elle me poserait ces questions, du coup je savais pas trop comment répondre sans la choquer, mais je voyais bien qu’elle voulait des précisions. Comme elle insistait et que je voyais qu’elle commençait à croire que je lui mentais, je lui ai raconté, comme un exemple, une levrette et une pipe. Et là, que Pauline me regarde. Elle ouvre les yeux en grand. Elle les ferme, se concentre et tout. Elle les rouvre, je vois qu’elle a l’image… Et qu’elle me dit pas « Oh, la chance ! » Elle me demande si elle pourrait nous regarder, comme au spectacle parce qu’elle ne veut rien faire avec Vincent. Parce que c’est son cousin. Avant qu’elle en parle avec toi, j’avais pas capté qu’elle ne le regardait jamais quand il baisait avec Manon, ni quand elle le suçait… Elle a tout de suite été complice avec Manon. C’était géant. Après, avec Lucas… c’était trop bien ! Et quand Émilie est venue à son tour… ouais, trop bien…

Les voici arrivés. Enzo préfère qu’Odette ne l’accompagne pas. Elle le comprend tout à fait. Elle en profitera pour faire un tour en ville. Ils se donnent rendez-vous à la terrasse d’un café. Fraîchement déplâtré, heureux à l’idée de retrouver l’usage de ses bras, de ses mains, Enzo commande à boire. Après avoir montré ses radios, l’état de ses bras à Odette, après avoir écouté ses conseils avisés, Enzo décide qu’il est temps de rentrer. Il s’installe dans le confessionnal motorisé aux côtés de Sœur Blanche-Minette.

– Pour le Réveillon, la première fois qu’on l’a fait avec Lucas, Pauline a enfin pu réaliser son fantasme. Elle me fait tellement rire… ! Elle était toute rouge, mais le pire c’est quand on lui a demandé ce qu’elle voulait…

Enzo éclate de rire en se remémorant la scène.

– Imagine, on lui demande « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? » Elle nous répond « Bah… Enzo me prend en levrette et je… hum… hum… et je suce Lucas ». Nous, ça nous convient, mais qu’elle rajoute pas « Parce que c’est la première fois qu’on se voit, comme je ne te connais pas bien… » Elle dit ça, comme si elle s’excuse, tu vois ? Ah, Pauline, ma Pauline…