Les confessions motorisées – Le dilemme est résolu

J’ai décidé de suivre le conseil d’Odette, mais je ne savais pas comment. Une fois encore, le hasard s’est mis en travers de ma route, ou plutôt, le hasard a croisé mon chemin. J’ai pensé à Mireille, ma grand-mère, pour qui le hasard n’existe pas, elle préfère parler de destinée. Je ne sais pas si c’est le hasard ou ma destinée, mais bon, j’ai vu Vincent qui allait chez Monique et Christian. Depuis le confinement, les vieux préfèrent rester au mas, soi-disant pour des raisons de confort, mais on a plutôt l’impression qu’ils ont peur que l’un d’entre eux meure loin des autres.

J’ai demandé à Vincent si ça l’ennuyait que je l’accompagne, j’avais des choses à lui dire. Il m’a dit que ça tombait bien parce que lui aussi en avait à me dire.

– Pauline, j’ai bien réfléchi, je crois que le plus simple, c’est qu’on s’évite…

– Tu ne veux plus me voir ?

– Pauline, tu sais bien… J’ai bien réfléchi, tu n’aimes pas que je te regarde quand… et moi, je ne peux pas m’en empêcher… Le plus simple, c’est d’arrêter, ou nous arranger pour ne pas être ensemble pendant les fêtes.

– Mais, elles sont presque toujours improvisées ! Donc, ça veut dire que je ne pourrai plus vous voir…

– Je ne veux pas te mettre mal à l’aise, si tu préfères, c’est moi qui ne viendrai pas…

J’avais envie de pleurer. J’avais préparé tout un petit discours pour lui expliquer, mais j’étais tellement choquée que j’ai tout oublié. On est arrivés rue Basse, Vincent m’a demandé ce que j’avais à lui dire. Il s’est aperçu de mon silence, s’est retourné, a vu mes larmes. Il m’a prise dans ses bras. Je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer.

Il a voulu me servir un verre d’eau. Je ne sais pas pourquoi, j’ai ouvert le frigo qui était plein de boissons fraîches. J’ai éclaté de rire alors que je pleurais encore. On s’est partagé une canette de Coca. Ma crise de larmes était passée.

– Alors que voulais-tu me dire ?

– Je ne sais pas trop par où commencer…

– Par le début, par exemple ?

Je lui ai raconté ma rencontre avec Odette, notre discussion dans son « confessionnal motorisé » et l’idée qu’elle m’avait suggérée. Vincent avait un drôle d’air.

– J’y avais bien pensé, figure-toi ! Mais, tu ne veux pas que je te regarde, donc que je sois à côté de toi ou dans une autre pièce il n’y a pas de différence…

– Mais c’est bien là le problème qui me ronge, Vincent ! J’adore savoir que tu me regardes ! Je ne veux pas coucher avec toi, mais…

J’ai fait un grand geste, qui a renversé la canette. Par chance, elle était vide. Je suis allée en prendre une autre, mes mains tremblaient tellement que je n’arrivais pas à l’ouvrir.

– Donne-moi ça… Donc, tu ne veux pas coucher avec moi, mais ?

J’ai regardé ses mains. Vincent a des mains d’homme, vraiment. Elles sont viriles, puissantes, carrées, avec de longs doigts. S’il n’était pas paysan, il aurait pu être un pianiste de talent, parce que malgré leur puissance, les mains de Vincent savent se faire légères quand elles caressent Manon ou Émilie. J’ai fermé les yeux pour que les images qui s’imposaient à moi ne s’estompent pas dans la réalité.

– J’adore m’imaginer que tu te branles en pensant à moi… que tu fermes les yeux et que tu m’imagines faire avec un autre ce qu’on ne fera jamais ensemble…

– Parce que toi, ça t’excite de m’imaginer faire avec Manon ou avec Émilie ce qu’on ne fera jamais ensemble ?

– …

– J’ai pas entendu…

– Oui.

Vincent a souri. Il était encore plus beau que d’habitude. Et super sexy.

– J’aime bien quand tu rougis…

– Je ne rougis pas !

Vincent m’a regardée genre « ne la contrarions pas » et il a encore eu ce sourire qui fait craquer les filles.

– Et comment tu imaginerais ça ?

Sa voix était métallique, un peu électrique aussi. J’ai remarqué que la mienne était pareille quand je lui ai dit « Viens, je te montre ». On est allés dans « le cabinet de la curiosité », on a regardé chacun dans un œilleton en laissant la lumière éteinte, alors qu’on avait allumé celle de la pièce où se tiennent les spectacles.

On a commencé par décrire ce qui nous excite le plus. Vincent a eu le souffle coupé quand je lui ai décrit mon fantasme de voir son sexe entrer et sortir d’Émilie, d’entrer à fond, de sortir complètement, d’entrer encore et de ressortir encore et encore, à chaque fois plus brillant, d’écouter le plaisir qu’il lui offre et qu’il ne m’offrira pas, d’entendre le plaisir qu’elle lui procure et que je ne lui procurerai jamais, mon fantasme qu’il devienne le meilleur amant de la Terre, d’imaginer que c’est un peu grâce à moi, le regarder encore aller et venir et quand sa queue sortira une dernière fois de la chatte d’Émilie, ruisselant du plaisir qu’elle vient de prendre, Manon l’attendra, la bouche ouverte pour…

Mon œil était toujours collé à l’œilleton, l’obscurité dans laquelle nous nous trouvions… je ne saurais expliquer pourquoi, mais toutes ces pensées qui me faisaient honte ont trouvé leurs mots. Mon cœur battait si fort qu’il faisait vibrer mes tympans et me coupait le souffle. Je n’ai pas entendu Vincent s’approcher, alors j’ai sursauté quand il a chuchoté à mon oreille « Est-ce que tu mouilles autant que je bande ? »

Je me suis retournée. J’avais envie de le caresser, et je sais que c’était réciproque, mais en même temps, ce désir non assouvi fait partie de notre fantasme, alors nous n’y avons pas cédé.