Les confessions motorisées – Le cas de conscience d’Enzo

– Pardon madame… euh… ma sœur, c’est ici le confessionnal motorisé et médicalisé ?

– Que puis-je pour toi, mon garçon ?

Enzo fait la grimace. Manon n’a pas menti, Enzo n’aime pas qu’on l’appelle “garçon”.

– Normalement, on me déplâtre aujourd’hui. Si tu pouvais me conduire à Aubagne et me déposer chez Marcel au retour, j’en profiterais pour…

– Te confesser ?

– Euh… me confesser, si tu le dis comme ça, je dirais plutôt t’exposer mon cas de conscience.

– Allez, monte à mes côtés et on y va, jeune homme !

Enzo reste silencieux quelques minutes. Il semble chercher comment exposer son cas de conscience.

– J’espère que les radios seront bonnes, j’en peux plus de ces plâtres !

– Je veux bien te croire, avec cette chaleur, en plus ! Ça n’a pas trop gâché tes vacances ? Tu n’as pas pu aller à Avranches, pas trop de regrets ?

Enzo sourit.

– Non ! Je mentirais en disant que mes vacances ont été gâchées. Et puis, Manon et Pauline ne sont parties que depuis le 17 août. Avant, elles… Au final, mon handicap m’aura permis de profiter… Pauline tient vraiment de Mireille, elle t’invente des scénarios, comme ça !

– Comment ?

– Comme ça !

– D’un claquement de doigts ?

– Bah oui !

– Ah… désolée, j’avais pas vu ton geste… du claquement de doigts…

– « Elle est super, cette idée de confessionnal motorisé… Ça fait du bien de pouvoir parler à Odette » « Oh ça oui, elle a une écoute bienveillante » « Elle est surtout de bon conseil, Odette » et moi, comme un con, je les ai crus !

– Si tu comptes m’apitoyer pour que je m’excuse, oublie ! Mais je te promets de ne plus te taquiner. C’était pour détendre l’atmosphère.

– Pauline, je la connais depuis toujours. On se voyait aux vacances. Elle me plaisait, mais elle me calculait pas. Toujours plongée dans ses bouquins, sauf à la plage… À la plage, elle avait ses magazines de jeu, genre mots croisés, tu vois ? Elle n’avait même pas de portable, tu te rends compte ?! Mais c’est à cause de ses parents qui ne voulaient pas. « Les études avant tout ». De mon côté, je ne me privais pas… J’aimais bien l’été avec les touristes, les histoires sans conséquence, elles savaient qu’une fois les vacances finies…

– Qui ça ? Pauline ?

– Non ! Les meufs avec qui je sortais. Et y a eu Manon. Ouah ! Manon ! Elle est repartie à Paris fin août et c’est à ce moment que Pauline, qui passait quelques semaines chez ses grands-parents, m’a remarqué. C’était comme si elle me voyait pour la première fois. On était vraiment bien tous les deux. Et Manon est venue s’installer rue Basse. Et Vincent m’a proposé de refaire comme on avait fait pendant l’été. J’en crevais d’envie. Mais « nos retrouvailles »… C’était pas du tout comme je me les étais imaginées. Manon et Vincent ont remarqué que… Ils m’ont demandé pourquoi. J’avais juste l’impression de trahir Pauline et ça me cassait tout le plaisir. « Et pourquoi tu n’en parlerais pas avec elle ? » J’y avais déjà pensé, mais comment lui expliquer sans la peiner, sans qu’elle nous tape un esclandre ? La proposition de Manon était logique, mais si Pauline faisait un scandale, ça retomberait sur Manon qui n’avait vraiment pas besoin de ça ! Alors, Manon et Vincent m’ont proposé de me coacher. Que je sache quoi répondre à Pauline, avec les mots qu’il faut…

Enzo a soif. Odette se gare et l’aide à boire. Ils remontent en voiture.

– Il me semble que Pauline ne t’en a pas voulu, en fin de compte…

– Le truc le plus ouf, c’est qu’elle n’a pas posé une seule des questions qu’on avait prévues ! Sa première question a été « Vincent est au courant ? » Je lui dis que oui, qu’on le fait à trois. « À trois ?! Vincent, Manon et toi ?! À trois en même temps ?! Mais elle fait comment, Manon ? » On n’avait pas du tout prévu qu’elle me poserait ces questions, du coup je savais pas trop comment répondre sans la choquer, mais je voyais bien qu’elle voulait des précisions. Comme elle insistait et que je voyais qu’elle commençait à croire que je lui mentais, je lui ai raconté, comme un exemple, une levrette et une pipe. Et là, que Pauline me regarde. Elle ouvre les yeux en grand. Elle les ferme, se concentre et tout. Elle les rouvre, je vois qu’elle a l’image… Et qu’elle me dit pas « Oh, la chance ! » Elle me demande si elle pourrait nous regarder, comme au spectacle parce qu’elle ne veut rien faire avec Vincent. Parce que c’est son cousin. Avant qu’elle en parle avec toi, j’avais pas capté qu’elle ne le regardait jamais quand il baisait avec Manon, ni quand elle le suçait… Elle a tout de suite été complice avec Manon. C’était géant. Après, avec Lucas… c’était trop bien ! Et quand Émilie est venue à son tour… ouais, trop bien…

Les voici arrivés. Enzo préfère qu’Odette ne l’accompagne pas. Elle le comprend tout à fait. Elle en profitera pour faire un tour en ville. Ils se donnent rendez-vous à la terrasse d’un café. Fraîchement déplâtré, heureux à l’idée de retrouver l’usage de ses bras, de ses mains, Enzo commande à boire. Après avoir montré ses radios, l’état de ses bras à Odette, après avoir écouté ses conseils avisés, Enzo décide qu’il est temps de rentrer. Il s’installe dans le confessionnal motorisé aux côtés de Sœur Blanche-Minette.

– Pour le Réveillon, la première fois qu’on l’a fait avec Lucas, Pauline a enfin pu réaliser son fantasme. Elle me fait tellement rire… ! Elle était toute rouge, mais le pire c’est quand on lui a demandé ce qu’elle voulait…

Enzo éclate de rire en se remémorant la scène.

– Imagine, on lui demande « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? » Elle nous répond « Bah… Enzo me prend en levrette et je… hum… hum… et je suce Lucas ». Nous, ça nous convient, mais qu’elle rajoute pas « Parce que c’est la première fois qu’on se voit, comme je ne te connais pas bien… » Elle dit ça, comme si elle s’excuse, tu vois ? Ah, Pauline, ma Pauline…