Les confessions motorisées – Les tourments de Lucas (suite)

– Je mettais toute mon énergie dans mes études, absolument toute. Ça a payé, j’ai intégré la fac de médecine de Strasbourg. Au bout d’un mois, je savais déjà que je n’irai pas jusqu’au bout, que je ne serai jamais médecin. La charge de travail, les conditions dans lesquelles on devait étudier, l’ambiance, cette compétition permanente… Non, rien ne me convenait. J’ai décidé de finir ce module, trois ans et basta ! Et pis, c’est pas toi qui seras étonnée, je ne voulais pas prendre d’amphétamines, peur de devenir accro… Et sans amphétamines, je ne sais pas si on peut tenir, réussir ses examens, enchaîner les gardes, galérer avec le quotidien. Non, je n’aurais pas pu.

Pour appuyer son propos, Lucas fait de grands gestes. La boîte à gants s’ouvre, ce qui le surprend. Il s’en excuse auprès d’Odette, qui, magnanime comme elle l’est, lui pardonne aussitôt.

– Essaie de la refermer, mais que ça ne t’empêche pas de continuer ton récit…

– Comme je te le disais, j’ai su dès les premiers mois que les études de médecine n’étaient pas pour moi. J’ai fréquenté un club en Allemagne, enfin… quand je dis « j’ai fréquenté », je n’y allais pas souvent, mais j’aimais bien. Là-bas, j’ai reconnu un mec de Strasbourg, on aurait pu se croiser dans une partouze, mais c’est dans ce club qu’on a fait connaissance. Il m’a présenté des amis, il organisait régulièrement des soirées, et c’est dans l’une d’entre elles que j’ai… croisé… Émilie.

Lucas bataille avec la boite à gants. Il s’énerve dessus. Les mots franchissent enfin ses lèvres.

– J’ai eu quelques relations monogames, mais… rapidement, je me lasse. J’aime la diversité, j’aime être regardé, j’aime regarder, et j’aime la multiplicité des regards… Je n’ai jamais vécu avec une… polyamoureuse. Il y a un frisson particulier qui te parcourt quand on te parle des prouesses sensuelles d’une nana avec laquelle, il est probable que tu coucheras bientôt… C’est bon… J’aime tout particulièrement ça. Et là, j’apprends la venue de la Fameuse Lilith ! Une amante exceptionnelle et exceptionnellement gourmande, avide de plaisirs. Au pluriel, les plaisirs. Deux mecs me racontent l’agréable surprise la première fois qu’elle les avait sucés, quand l’un d’eux me donne un coup de coude. « La voilà ! » je m’aperçois que la Fameuse Lilith n’est autre que ma cousine Émilie. Elle est belle à couper le souffle. « Lucas, laisse-moi de présenter Lilith. La légendaire Lilith ! Lilith, je te présente Lucas qui avait hâte de faire ta connaissance ! » « Je vais devoir m’isoler avec lui, s’il veut faire ma connaissance ! » On s’est isolés, le temps de nous promettre de ne rien en dire à nos parents. Je n’ai pas trahi mon serment, puisque je n’en ai parlé… qu’à ma grand-mère !

Lucas éclate de rire à cette pensée toute en fourberie.

– Une fois d’accord sur ce point et sur le fait de garder nos liens familiaux secrets pendant cette soirée, on a rejoint les autres. On n’avait pas prévu de baiser ensemble, ça ne nous était pas venu à l’idée… on aurait eu qu’à dire qu’on l’avait fait, personne ne serait venu vérifier. Mais bon, on n’y avait pas pensé. On a dû s’isoler plus longtemps que prévu, parce qu’on est arrivé au milieu d’un jeu. Un jeu de bonne société. Bon, t’as compris. Je tire une carte au hasard et je tombe sur « Fais jouir la personne à ta gauche avec ta bouche ». Et la personne en question était Émilie. Putain ! C’ que c’était bon ! Et troublant. Troublant, mais… tellement bon ! Et tellement bon parce que… si troublant !

Lucas s’interrompt. L’index sur sa bouche, il semble se demander s’il doit s’arrêter là ou bien tout dire. Odette se tait pour ne pas influencer le choix que Lucas aura à faire. Elle pressent, elle ressent le dilemme de Lucas. Il se dit que, de toute façon, si la situation, ses mots choquaient Odette, elle lui demanderait de se taire.

– « Inflige une sévère punition à la personne de ton choix ». Lilith m’a choisi. Au début, son concept de punition m’a étonné, agréablement. Je n’étais pas le seul, du reste. Elle a dit « Voici la pire des punitions, la punition la plus sévère que Lilith infligera à… Lucas. Tu t’appelles bien Lucas, n’est-ce pas ? » Elle m’a demandé de m’allonger sur le dos, m’a mis une capote et… (Lucas ferme les yeux) elle s’est empalée sur mon sexe. En prenant tout son temps. Elle me chevauchait, montait et descendait en me demandant de décrire mes sensations. Nos amis riaient, faisaient semblant de reprocher la nature de la punition, peu digne de la Lilith qu’ils connaissaient. Elle m’a brusquement laissé en plan. « Maintenant que tu as une idée du plaisir que je peux offrir, que je vais offrir aux autres, sache que je te le refuserai. Pour cette fois, tu regarderas les autres hommes en profiter, mais tu n’y auras pas droit. Voici la sévère punition de Lilith. »

Lucas se tait. À nouveau, il semble hésiter. La boîte à gants refermée, il regarde au loin droit devant lui. Il prend une profonde inspiration et replonge dans ce souvenir, comme un enfant apeuré au bord de la piscine ferme les yeux, se pince le nez avant de sauter dans l’eau.

– Si tu savais à quel point j’ai aimé regarder ma cousine coucher avec ces hommes, la regarder prendre son pied et combien j’ai aimé qu’elle regarde son cousin baiser d’autres femmes. Pour aggraver sa punition, Lilith m’ordonnait, d’un claquement de doigts, de m’approcher d’elle pour… Putain, sa bouche… et son art de la pipe. Elle me suçait et cessait dès qu’elle me sentait sur le point de jouir. Lilith me chassait alors d’un geste de la main avant de claquer des doigts dix minutes plus tard. Je la regardais alors redevenir Émilie, ma cousine. C’est ainsi que j’ai compris la raison du trouble qui m’envahissait. Tout se superposait, Émilie, Lilith… Lilith, Émilie… et c’était bon ! Au fil de la soirée, j’ai réalisé que la punition n’était pas sévère, elle était cruelle. Je rêvais du corps d’Émilie, c’était Émilie que je voulais faire jouir, mais Lilith me l’interdisait. Bizarrement, j’aimais ça. Cette frustration m’excitait.

Quand la soirée s’est achevée, que tous les participants se sont séparés sur le traditionnel « À la prochaine ! », Lilith s’est approchée de moi. « À bientôt, Lucas ! » Je pensais qu’on se ferait un simple smack, mais nos bouches se sont ouvertes et nos langues… Putain, quelle pelle ! Lilith m’a demandé si je voulais bien la raccompagner à la gare, elle reprenait le train pour Paris.